L’effet de serre – menace sur le climat – est un enjeu mondial puisqu’il concerne tous les pays. Mais peut-on préserver ce bien commun qu’est le climat sans nuire au développement de certains pays ni brider les besoins humains ?
Une idée a émergé et essaimé : pour modifier le comportement des agents économiques sur le long terme et dans le sens d’une plus grande responsabilité, il faut exploiter, au niveau mondial et plus seulement régional, le pouvoir du signal prix du carbone, en bref, rationner ce dernier. C’est possible, car économiser des ressources, cela repose sur des calculs économiques.
Pour envoyer ce signal, un État provoquera des distorsions de prix en taxant les biens afin d’aligner leur coût social (leur impact global) pour la collectivité sur leur coût privé de production (qui peut être faible dans certains pays moins avancés). Sensibles aux prix, les agents économiques vont alors intégrer dans leurs calculs les coûts en carbone qu’induisent leurs activités pour la collectivité : ils vont ainsi « internaliser » les externalités négatives (pollution, déchets…), chercher des solutions de substitution moins nocives et agir pour un futur bas carbone.
Appel à la Chine et à l’Inde
Dans cette logique, l’économiste américain William Nordhaus1 (Nobel 2018) propose de créer un « club climatique » composé des États pionniers. Ce club appliquerait un droit de douane à finalité environnementale, uniforme, de faible niveau et généralisé à tous les produits et à tous les pays non-membres du club, mais sans que ça coûte trop cher aux importateurs des pays membres. L’idée : sanctionner les importations des non-participants qui pourraient être tentés de jouer les passagers clandestins en vendant au club, via un autre pays, une « astuce » catastrophique pour le climat.
Les pays auront alors intérêt à rejoindre progressivement le club pour ne plus subir la taxe punitive et profiter des échanges. Les avantages de ce cercle : développement des technologies vertes, réduction des fuites de carbone et fin de la délocalisation des activités polluantes dans les pays moins contraignants. Le Conseil d’analyse économique conclut2 : « Ce n’est pas le libre-échange qui détruit le climat, mais le fait qu’il se développe en l’absence d’une tarification d’application suffisamment générale et au niveau approprié. »
En juin dernier, les pays du G7 ont annoncé la création d’un « club international climatique » ouvert à tous ceux qui s’engagent à respecter des « normes et des règles communes pour faire de l’action climatique non plus un facteur de coût, mais un avantage concurrentiel […]. Il faut que la Chine et l’Inde, qui représentent plus de 60 % de la production mondiale des produits intensifs en CO2 aient la même ambition que nous », a expliqué le chancelier allemand Olaf Scholz.
Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne est aussi une avancée, mais il s’agit d’un signal-prix seulement pour certains intrants importés (ciment, fer, acier, engrais, aluminium, électricité). Il n’évite donc pas la concurrence déloyale des produits finis ou semi-finis qui intégreraient ces intrants, ni celle des entreprises non soumises aux quotas d’émissions de son marché du carbone. Et puis le MACF ne fonctionne que sur le territoire de l’UE. Or, pour être attractif, le club doit atteindre une certaine masse critique commerciale.
1. “Climate Clubs : Overcoming Free-Riding in International Climate Policy”, American Economic Review, 2015.
2. CAE, note 37, 2017.