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Covid-19 : Allemagne, Corée du Sud... Quels meilleurs systèmes de santé ?

L’épidémie du Covid-19 met en lumière les disparités des systèmes de santé nationaux. Longtemps considéré comme le meilleur au monde, le système français semble moins armé que d’autres pour absorber un afflux massif de malades. Tandis que l’Allemagne et la Corée du Sud semblent avoir un système de santé particulièrement performant pour faire face à cette crise. Coup de projecteur sur ces deux modèles, à la lueur de plusieurs indicateurs.

Clément Loriol
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© Pixabay

Il avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Pour la première fois, le « Rapport sur la santé dans le monde 2000 » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) analysait les systèmes de santé de 191 pays à travers cinq indicateurs de performance (1). Pour conclure que la France fournissait les meilleurs soins de santé généraux, suivie notamment par l’Italie, Singapour, l’Espagne, etc. L’Allemagne n’arrivait qu’en 25e position, la Corée du Sud 167e.

Vingt ans plus tard, la France est-elle toujours l’un des meilleurs systèmes de santé au monde ? Le mythe semble sérieusement écorné. En particulier depuis le début de l’épidémie du Covid-19, qui met en lumière les failles et les dysfonctionnements des systèmes de santé, mais aussi leurs performances.

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Densité de décès 14 fois supérieure en France

Certains pays sont régulièrement cités en exemple dans la lutte contre l’épidémie : l’Allemagne et la Corée du Sud. Le premier peut se targuer d’avoir un taux de létalité (nombre de personnes qui décèdent du Covid-19 par rapport au nombre de personnes infectées) inférieur à 1 % 2. En raison notamment d’un dépistage massif et précoce, une stratégie également adoptée par la Corée du Sud.

Ce qui faisait dire à l’économiste Fréderic Bizard que la France présentait le 25 mars dernier une densité de décès 14 fois supérieure à la moyenne de quatre pays ayant pratiqué 1 dépistage massif (Allemagne, Singapour, Taïwan, Corée du Sud).

Mais, au-delà des réponses apportées pour faire face à l’épidémie (dépistage massif, fourniture de masques à toute la population…), c’est aussi la qualité des systèmes de santé de l’Allemagne et de la Corée du Sud qui leur a permis de bien négocier le virage de la crise du coronavirus.

Les lits, indicateurs clés

À titre d’exemple, le pays de Goethe disposait fin mars de 28 000 lits disponibles en soins intensifs, soit 6 lits pour 1 000 habitants. Il s’agit de l'un des taux d’équipement les plus élevés des pays de l'OCDE, après le Japon et la Corée du Sud.

Autre indicateur important mis en lumière par l’épidémie : le nombre de lits d’hôpital par pays, que l’on retrouve dans le Panorama de la santé 2019 de l’OCDE. Verdict ? Le Japon compte 13,1 lits pour 1 000 habitants, suivi par la Corée du Sud (12,3), la Russie (8,1) et l’Allemagne (8). La France (6), l’Italie (3,2) et l’Espagne (3) sont loin derrière.

En Chiffres

+164 %

C'est le pourcentage d'augmentation des lits en Corée du Sud entre 2000 et 2017

Si le nombre de lits par habitant a diminué dans quasiment tous les pays de l’OCDE depuis 2000, c’est particulièrement le cas en Finlande (baisse de plus de 50 % de 2000 à 2017), mais aussi dans plusieurs pays qui ont réduit leur capacité de deux lits ou plus pour 1 000 habitants : Estonie, France, Lettonie, Lituanie et République slovaque.

En revanche, le nombre de lits a fortement augmenté… en Corée du Sud  (+164 %) !

"La France a des capacités d’hospitalisation, et notamment de réanimation, bien moins importantes que l’Allemagne", confirme le sociologue Pierre-André Juven, co-auteur de « La casse du siècle » (Éditions Raisons d’Agir). Or, "c’est en partie la capacité des systèmes de santé à hospitaliser un grand nombre de gens au moment où c’est le plus urgent qui permet de faire front face à une crise sanitaire de cet ordre", ajoute-t-il.

"La France a des capacités d’hospitalisation bien moins importantes que l’Allemagne [...] Or, ces capacités permettent de faire front face à une crise sanitaire de l'ordre du Covid-19"
Pierre-André Juven

Plus de médecins par habitant en Allemagne qu’en France

Le Panorama de la santé de l’OCDE nous informe aussi sur le nombre de médecins pour 1 000 habitants3 où l’Allemagne fait encore figure de bon élève, classée en 7e position de ce classement (4,3 médecins pour 1 000 habitants), loin devant la France (3,2), le Japon (2,4) et la Corée (2,3).

Pour le personnel infirmier, la Norvège arrive en tête (17,7 pour 1000 habitants), devant l’Allemagne (12,9), la France (10,5) et la Corée (6,9).

Ces capacités matérielles et humaines sont à mettre en perspective avec l’argent dépensé par les Etats pour soigner leurs concitoyens. Toujours selon l’OCDE, les États-Unis enregistrent de loin les dépenses courantes les plus élevées en soins de santé (16,9 % du PIB), devant la Suisse (12,2 %), puis un groupe de pays à revenu élevé (Allemagne, France, Japon et Suède) qui ont consacré environ 11 % de leur PIB aux soins de santé.

Si les chiffres français et allemands sont proches, les évolutions au cours des dernières années traduisent toutefois des trajectoires opposées.

Dépenses : la Corée du Sud a rattrapé son retard

Dans de nombreux pays, le ratio moyen des dépenses de santé rapportées au PIB a fortement augmenté en 2009 en raison de la crise économique, avant de se stabiliser autour de 8,8 % depuis 2011. Celui de l’Allemagne (voir encadré) s’est quant à lui stabilisé depuis 2009, avant de connaître une progression lente mais régulière pour s’établir à 11,3 % en 2016, soit près d’un point de plus qu’en 2003.

La France a vu fluctuer le ratio des dépenses de santé rapportées au PIB. Celles-ci ont augmenté pendant la crise financière pour plafonner à 11,6 % en 2014, avant de diminuer progressivement jusqu’à 11,2 % en 2018.

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En Corée du Sud, le ratio est plus faible : 8,1 % en 2018. Mais c’est "la hausse la plus notable dans un contexte d’accroissement des richesses et d’amélioration de la couverture santé de la population", précise l’OCDE. Le système de santé couvrirait près de 87% de la population, selon Business Insider

Enfin, dernier élément majeur : le niveau d’investissement d’un pays dans de nouveaux dispositifs de santé, dans les derniers équipements de diagnostic et thérapeutiques et dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). La part des dépenses en capital dans les dépenses de santé courantes peut avoir "une incidence déterminante sur la capacité d’un système de santé à satisfaire les besoins de la population et à contribuer ainsi à l’amélioration des résultats", selon l’OCDE.

Si l’on regarde de près la part des dépenses en capital par rapport aux dépenses de santé courantes, on se rend compte que le Luxembourg (10,6 % des dépenses de santé courantes), le Japon (10,4%), et l’Allemagne (9,6%), investissent le plus. La Corée du Sud arrive en 7ème position (8,2%), la France en 21e position (5,1%).

"L’efficacité d’un système de santé n’est pas qu’une question de moyens. D’autres paramètres rentrent en ligne de compte, comme par exemple l’organisation"
Nicolas Bouzou

Economiste

Toutes ces comparaisons ont toutefois leurs limites, selon l’économiste Nicolas Bouzou, car "chaque pays a son propre système en matière de dépenses de santé. Certains ont des dépenses publiques très importantes et des dépenses de santé faibles, et inversement, comme les États-Unis qui est le pays qui a les dépenses de santé les plus importantes."

Or, leur système de santé est loin d’être une référence… "Cela veut donc dire que l’efficacité d’un système de santé n’est pas qu’une question de moyens. D’autres paramètres rentrent en ligne de compte, comme par exemple l’organisation", conclut Nicolas Bouzou.

En Allemagne, l’équilibre à tout prix

Depuis le début des années 90, l’Allemagne s’est lancée dans une réforme structurelle de son système de santé "faisant du retour à l’équilibre financier de l’Assurance maladie son objectif prioritaire", selon l’Institut Montaigne : hausse de la participation financière des ménages pour plusieurs postes de dépenses (cures, prothèses dentaires, optique, transports) ; réintroduction des mécanismes concurrentiels entre les différentes caisses d’assurance maladie ; obligation pour les caisses d’assurer leur équilibre comptable…

En 20 ans, le pays a ralenti « de près de 1% le rythme de croissance de ses dépenses de santé » (données OCDE, 2015), tandis que son Assurance maladie "affiche chaque année une situation excédentaire", conclut l’Institut Montaigne qui considère que ces réformes ont été "une réussite du point de vue économique", sans engendrer de dégradation notable de la qualité des soins, ni creuser les inégalités. Il s’est stabilisé en 2009, avant de connaître une progression lente mais régulière pour s’établir à 11,3 % en 2016.