Géopolitique

Barkhane : le coût de l’opération militaire (et civile) au Mali en 4 chiffres

Les soldats français au Mali depuis 8 ans vont se redispatcher au Sahel. La décision a été prise ce mercredi. Le retrait progressif avait déjà commencé en juillet. Retour sur le bilan chiffré d’une longue guerre contre les djihadistes, essentiellement française et militaire.

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Illustration de l'article Barkhane : le <span class="highlighted">coût de l’opération militaire</span> (et civile) au Mali en 4 chiffres

© FINBARR O'REILLY/NYT-REDUX-REA

Les troupes françaises quittent définitivement le Mali pour mieux se redéployer au Sahel. Cette décision a été actée mercredi 16 février 2022 suite à un dîner entre Emmanuel Macron et les représentants d’une vingtaine de pays africains et européens, luttant collectivement contre le terrorisme. Ce jeudi, le président français doit donner les détails de cette nouvelle stratégie lors d’une conférence de presse.

Emmanuel Macron avait déjà annoncé un retrait progressif des troupes jeudi 10 juin 2021. Le nombre de militaires français sur place pourrait être réduit de moitié en deux ans. Selon lui, "la France ne peut pas se substituer à la stabilité politique, au choix des États souverains". L’opération militaire dure depuis près de 8 ans. Retour sur une opération hors-norme.

En 2013, le Mali aurait appelé la France à l’aide parce que deux colonnes de djihadistes fonçaient sur la capitale, Bamako. La guerre a commencé le 1er août 2014.

Mais ces neuf derniers mois, la situation s’est tendue : les massacres de la population malienne par des djihadistes se poursuivent et l’armée locale, soutenue par la France, a conduit deux coups d’État.

Alors la stratégie évolue : la France sera désormais engagée au Sahel au sein d’une coalition internationale, auprès des armées locales.

5 100 militaires français

Au départ, 3 000 soldats français sont envoyés au Sahel. Au fur et à mesure, les rangs gonflent. En 2020, Florence Parly, la ministre des armées, annonce l’ultime renforcement de l’effectif militaire sur place : 600 hommes supplémentaires contre les actions des groupes djihadistes devenues de plus en plus meurtrières.

En 2021, l’opération Barkhane regroupe 5 100 soldats sur place, sur un total de 7 000 hommes déployés à travers le monde, soit plus des deux tiers des troupes en mission à l’étranger.

Difficile de savoir combien d’hommes, en face, composent les effectifs djihadistes. Selon les sources, ils varient de 400 à 3 000 hommes.

Depuis 2014, 55 soldats français ont perdu la vie. Côté malien, 1 200 hommes sont morts ou emprisonnés.

Le plan du retrait des troupes françaises a été annoncé vendredi 9 juillet par Emmanuel Macron, lors d’un sommet réunissant Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad, ensemble appelé le G5 Sahel. Les bases militaires du nord du pays (Kidal, Tessalit et Tombouctou) seront d’ici le début de l’année 2022. L’effectif serait réduit d’au moins 40 % pour atteindre entre 2 500 et 3 000 hommes. Le chef de l’État avait précisé en mai : "les forces spéciales [françaises] seraient structurées autour de l’opération européenne Takuba avec plusieurs centaines de soldats".

Takuba, enfin une task force européenne ?

En mars 2020, onze États ont soutenu politiquement une intervention européenne commune au Sahel. Nommée Takuba, l’opération a longtemps été retardée : les forces estoniennes, tchèques, suédoises, italiennes, grecques se sont finalement déployées début 2021. Le Danemark devrait rejoindre les troupes en 2022. L’Allemagne refuse de s’y engager, la Belgique et les Pays-Bas seulement a minima. Emmanuel Macron a annoncé vendredi 9 juillet le transfert du commandement opérationnel de la task force du Mali au Niger, à Niamey.

880 millions d’euros en 2020

Barkhane a coûté 880 millions d’euros en 2020. C’est l’opération militaire française la plus importante.

En 2019, le budget des “opérations extérieures” (OPEX), c’est-à-dire toutes les interventions militaires à l’étranger incluant Barkhane, atteignait 1,4 milliard d’euros.

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Source : État-Major français

Dans sa présentation au G5 Sahel vendredi 9 juillet 2021, Emmanuel Macron a fait comprendre qu’il concentrerait désormais les efforts militaires dans la zone des « trois frontières », entre le Burkina Faso, le Niger et le Mali, "où sont situés bien plus d’intérêts économiques qu’au Mali", peut-on lire dans cet article du Monde.

"On parle beaucoup des intérêts de la France en matière de ressources premières ou encore de migration. Ce n’étaient pas les raisons principales de cette intervention" selon Camille Laville, assistante de recherche a la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi) sur les questions relatives à la paix, la sécurité et le développement. Jusque-là, la priorité pour la France au Mali consistait à "assurer la sécurité, c’est un partenariat politique de longue date".

56,4 millions d’euros pour l’action civile

La France s’est engagée seule dans cette lutte militaire contre les djihadistes au Mali. Malgré plusieurs tentatives de négociations, l’UE a rechigné à se mobiliser (voir plus haut Takuba, enfin une task force européenne ?).

Néanmoins, entre 2014 et 2020, les pays membres ont consacré 4,72 milliards d’euros à l’aide humanitaire et au développement du G5 Sahel.

L’erreur a été de penser que le succès de cette opération pouvait être uniquement militaire.
Myriam Benraad,

Chercheuse à l’IREMAM

Plus d’un quart de la population malienne aurait besoin d’une aide humanitaire en 2021. La guerre a déplacé 750 000 personnes à l’intérieur du pays depuis 2018 et 149 000 Maliens ont trouvé refuge dans les pays voisins.

Les Nations Unies participent au maintien de la paix sur place avec son programme Minusma, principalement pour la construction d’infrastructures, l’amélioration de la santé ou l’accès à l’eau de la population locale. 11 200 casques bleus sont engagés dans cette opération. La France contribue à hauteur de 56,4 millions d’euros en 2020, sur un budget onusien total de 1,05 milliard d’euros annuel.

500 stagiaires formés

Inaugurée jeudi 10 juin, à Abidjan en Côte d’Ivoire, l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) doit former des militaires locaux aux combats contre les djihadistes. Quelque 500 stagiaires ouest-africains ont déjà suivi le programme.

À mi-chemin entre l’opérationnel et la recherche, cette école doit parvenir à faire dialoguer deux mondes qui ont des perspectives très différentes sur le terrorisme et les moyens de lutte.

Officialisé en novembre 2017 par Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara, le projet vaudrait 60 millions d’euros. La part du financement français est importante, sans que l’on connaisse le détail.

“Après un engagement militaire très lourd, 60 millions d’euros pour former les populations locales à la lutte contre le terrorisme, ce n’est rien”, commente Myriam Benraad, chercheuse à l’IREMAM (Institut de Recherches et d’Études sur le Monde Arabe et Musulman)."C’est une admission de l’échec. On sauve la face en créant l’académie et en faisant des déclarations d’appui aux États africains."

Pour l’universitaire, l’erreur a été de penser que le succès de cette opération pouvait être uniquement militaire. "Il aurait fallu réfléchir en amont à la stabilisation de la zone avec des partenariats locaux. Dès 2014, il y a eu une réactivité militaire très forte, et elle a d’abord ravi la population. Mais comme elle n’a été suivie ni de réformes, ni d’initiatives, elle a entraîné la perte du soutien populaire. C’est toujours le point final qui marque la fin de ce type d’interventions étrangères.”

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