C’est une ristourne qui a momentanément soulagé les finances des automobilistes tout en plombant le budget de l’État. De 18 centimes par litre d’avril à août 2022, la remise de l’État sur le prix des carburants est passée à 30 centimes au 1er septembre, avant cette réduction prévue à 10 centimes par litre depuis le 16 novembre.
Au total, ce coup de pouce aux utilisateurs de véhicules thermiques devrait coûter 4,4 milliards d’euros d’ici la fin de cette année, selon Bercy. Dès octobre 2021, l’exécutif avait déployé un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité.
Pour 2023, le gouvernement a d’ores et déjà prolongé le dispositif avec l’objectif de limiter à 15 % la hausse subie par les particuliers, certaines copropriétés et des petites entreprises.
Cette politique budgétaire d’un genre nouveau, mêlant contrôle des prix et subvention à la consommation, est tout sauf indolore pour les finances publiques. Le bouclier tarifaire sur l’énergie a coûté plus de 24 milliards d’euros cette année, 45 autres milliards étant d’ores et déjà provisionnés pour 2023.
Objectif atteint
Face à cette débauche d’argent public, la question mérite d’être posée : le bouclier tarifaire est-il efficace ? La réponse varie selon l’objectif macroéconomique considéré.
En déployant ces mesures, le but premier du gouvernement était de limiter l’érosion du pouvoir d’achat des moins aisés. L’Insee a calculé que, sans bouclier tarifaire, le panier de consommation des 30 % les plus modestes aurait flambé de 7 % environ entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022.
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Son déploiement a permis de ramener cette augmentation à 3,3 % pour le « D1 » (les 10 % les moins aisés), 3,4 % pour le « D2 » et 3,5 % pour le « D3 ». Le premier objectif assigné au bouclier tarifaire semble donc atteint. Il a en outre permis de freiner la hausse générale des prix dans notre pays. L’Insee constate ainsi qu’« en l’absence de bouclier, l’inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été de 3,1 points plus élevée ».
Anti-redistributif
Le déploiement du bouclier tarifaire a donc produit les résultats escomptés. Mais gare aux effets secondaires ! Premier inconvénient : il accroît fortement la dette publique dans un contexte de remontée des taux souverains.
Deuxième inconvénient : étant non ciblé, il est foncièrement anti-redistributif. Le gouvernement va certes signer des chèques énergie à destination de 12 millions de foyers modestes d’ici la fin de l’année.
Mais l’essentiel de l’effort budgétaire est dévolu à des aides non conditionnées aux revenus comme la ristourne sur les carburants. Or les plus grands consommateurs d’énergie sont (logiquement) les plus aisés…
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Le troisième et dernier effet indésirable du bouclier tarifaire est qu’il brouille le signal prix. Il y a consensus en économie de l’environnement pour considérer qu’un prix élevé des matières premières énergétiques constitue une incitation puissante à l’optimisation des usages et à l’innovation. Cette subvention massive à la consommation d’énergies fossiles ne prépare clairement pas le terrain à la transition écologique.
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Pour aller plus loin
« Injuste inflation », Blog de la DGT, Agnès Bénassy-Quéré, septembre 2022.
« La flambée des prix de l’énergie : un effet sur l’inflation réduit de moitié par le « bouclier tarifaire » », Alexandre Bourgeois et Raphaël Lafrogne-Joussier, Insee Analyses n°75, septembre 2022.