Pourquoi elle ? Marion Roth est spécialiste de la participation citoyenne dans les collectivités. Elle enseigne à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Quelle est la différence entre démocratie implicative et démocratie participative ?
Marion Roth. Elle tient dans l’intitulé. Dans la démocratie participative, on vous invite à participer, c’est assez « descendant ». Par exemple quand une collectivité crée des espaces de dialogue sous une forme qu’elle va plus ou moins définir elle-même (budget participatif, convention citoyenne, conseil de quartier), où elle vous invite à donner votre avis, voire à décider.
La démocratie implicative appelle au pouvoir d’agir et crée l’encapacitation [mobiliser les ressources qui amènent à l’action, NDLR] des citoyens. À savoir leur donner les clés pour agir, mais aussi leur permettre de s’auto-organiser avec le soutien financier ou matériel d’une collectivité ou d’un État.
La démocratie implicative a le mérite de permettre à des personnes éloignées des processus classiques de participation, de s’insérer dans une démarche collective. Quelqu’un qui ne se sent pas très à l’aise avec la prise de parole en public ou avec le fait de proposer un projet, va trouver là une forme de participation qui va lui convenir mieux.
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Quelles sont les conditions pour que cela fonctionne ?
Pour les deux types de démocraties, il faut d’abord clarifier ce que vous attendez. Jusqu’où êtes-vous prêt à aller dans votre démarche ? Est-ce que vous êtes vraiment prêt à confier un pouvoir, soit législatif ou un pouvoir financier, etc., aux citoyens ? Ou au contraire, voulez-vous garder ce pouvoir-là ? En démocratie implicative, on se posera une autre question : qu’attendez-vous des citoyens ? Que pouvez-vous mettre à leur disposition ?
Une autre clé de la réussite, c’est la manière dont les citoyens vont valoriser cette expérience. Celle-ci leur permettra d’acquérir des compétences reconnues, qui pourront être exploitées ensuite dans le cadre d’un parcours académique ou professionnel. La collectivité doit reconnaître ces compétences que les participants vont acquérir. Enfin, elle doit s’adapter à son public, bien clarifier qui elle veut toucher, comment on va chercher les publics les plus éloignés des mécanismes traditionnels de participation.
Est-ce qu’un État pourrait gouverner à l’implication ?
Gouverner en tant que tel, peut-être pas, mais introduire des mécanismes plus systématiques de consultation des citoyens, oui, et sur des vrais enjeux, pas sur les crottes de chien ou des décisions déjà actées. En Irlande, par exemple, ils font très régulièrement des conventions citoyennes. C’est d’ailleurs une convention qui a permis de reconnaître le droit à l’avortement. En Colombie-Britannique, ils avaient réécrit toute la Constitution. Le processus n’a pas abouti, mais un gros travail a été fait. Et en Suisse, il y a des sessions de participation citoyennes systématiques. Donc, oui, ça serait possible d’avoir plus d’espaces de dialogue, des espaces de vraie co-construction.
Par exemple, le réchauffement climatique nous pousse à revoir à la fois nos modes de production, nos modes de vie collectifs, notre rapport à la Terre. De gros choix de société devront être faits. C’est inenvisageable d’imaginer que ces choix soient faits sans impliquer les citoyens.
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