Economie

Chômage ou inflation ? La leçon venue des années 1970

L'inflation est de retour, et il y a des similitudes avec la crise des années 1970-1980. Problème, les conséquences potentielles de la hausse des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation ne sont pas neutres pour l'économie. 

Thomas Renault, maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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Illustration de l'article Chômage ou inflation ? La leçon venue des années 1970

© Dall-E

L’inflation fait son grand retour – que ce soit dans les paniers au supermarché, sur les factures d’électricité, mais aussi dans les débats économiques ! Dans la majorité des pays développés, les prix à la consommation augmentent depuis le début de l’année 2021 à une vitesse que l’on n’avait pas connue depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980. Il est d’ailleurs possible de voir quelques similarités entre la crise inflationniste actuelle et celle de la fin des années 70.

Premièrement, la hausse de l’inflation actuelle a comme élément déclencheur la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie ; un point commun avec l’inflation des années 1970-80 causée en partie par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Deuxièmement, le taux d’intérêt réel était négatif dans les années 1970-80, comme c’est le cas depuis plus d’une dizaine d’années en zone euro et aux États-Unis. La politique monétaire accommodante des banques centrales et l’afflux de liquidités – sans être dans les deux cas l’unique cause de l’inflation – ont participé à la surchauffe de l’économie.

Violente hausse des taux d'intérêt

Mais comment les banques centrales ont-elles réussi, à l’époque, à revenir à des niveaux d’inflation proche de 2 % dès le milieu des années 80 ? L’exemple américain est particulièrement parlant. En 1981, l’inflation, aux États-Unis, culminait à 13,5 %. En 1983, elle n’était plus que de 3 %.

Derrière cette baisse se cache un homme : Paul Volcker, économiste américain nommé président de la Réserve fédérale américaine en 1979. Sous son mandat, la Fed va massivement et rapidement augmenter les taux d’intérêt : de 10 % au début des années 70 à près de 20 % au milieu des années 80 ! Une hausse de taux vertigineuse qui ne sera d’ailleurs pas sans conséquences sur l’économie : une récession aux États-Unis et une augmentation importante du taux de chômage.

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Cet épisode marquant explique sûrement les propos de Jérome Powell, l’actuel président de la Fed, sur la nécessité que le chômage augmente pour faire baisser l’inflation. Car non – cela peut être difficile à entendre –, il n’existe pas de méthode indolore pour faire diminuer l’inflation. Les banques centrales augmentent leur taux partout dans le monde, ce qui ne se fera pas sans dégâts.

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Encore plus dans un monde où le taux d’endettement public est à un niveau record et où une hausse trop importante du taux des emprunts d’État pourrait entraîner rapidement une nouvelle crise de la dette. La situation en Europe est certes différente de celle des États-Unis, mais il est difficile d’imaginer ici aussi une baisse de l’inflation sans impact économique important. 

La guerre en Ukraine ne risque malheureusement pas de s’arrêter rapidement et les prix de l’énergie devraient donc rester élevés, ce qui réduit les marges de manœuvre des banques centrales. L’inflation en zone euro est au plus haut et le taux de chômage est au plus bas. Dans l’arbitrage entre l’inflation et le chômage – entre la peste et le choléra – la variable d’ajustement, en Europe aussi, risque d’être le chômage !

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