- CICE
En instaurant le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en 2013, François Hollande a voulu dynamiser l’économie française en rendant ses entreprises plus attractives. Il s’agit d’une baisse des cotisations sociales patronales payées pour un employé dont la rémunération est inférieure ou égale à 2,5 Smic. Le but affiché est de diminuer le coût du travail. Ainsi, les entreprises vont pouvoir recruter, investir ou devenir plus compétitives en gagnant des parts de marché sur les marchés internationaux.
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Le CICE n’a pas d’effets significatifs sur l’emploi et la compétitivité
L'objectif a-t-il été rempli ? « Les différents rapports de France Stratégie et de l’Institut des politiques publiques n’arrivent pas à démontrer un effet significatif du CICE sur l’emploi et sur la compétitivité des entreprises », répond Eric Heyer, économiste et directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). « Attention, cela ne veut pas dire que cet effet n’existe pas. Peut-être que l’on ne dispose juste pas du bon instrument pour mesurer ces impacts. Cependant, ce n’est pas rassurant », observe l’économiste.
« Il est très difficile d’évaluer l’impact de cette mesure car le CICE a plusieurs objectifs : créer de l’emploi et gagner en compétitivité. Donc on juge cette politique à l’aune de quoi ? Des gains de compétitivité ou des créations d’emplois ? », poursuit-il.
Le problème est que pour évaluer cette mesure, « il faut penser contre factuel : qu’est-ce qu’il se serait passé si on n’avait pas mis en place ce dispositif ? L’absence de réponse à cette question rend très difficile l’évaluation, avance l’expert. Certains diront que les effets d’une telle réforme sur l’emploi apparaissent sur le long terme et qu’il faut encore attendre pour pouvoir les observer. »
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On peut avancer le même argument pour le commerce extérieur et la compétitivité : « On ne voit pas de gains de parts de marché pour les entreprises françaises. On pourrait toujours se rassurer et dire que si le gouvernement n’avait pas mis le CICE, on aurait perdu des parts de marché. Mais l’idée, c’était quand même qu’on en gagne », avoue Éric Heyer.
Le taux de chômage a toutefois reculé en France passant de 10,5 % en 2013 à 7,3 % au premier trimestre 2022. Seulement, « on ne peut pas savoir si cette baisse est due au contexte conjoncturel favorable, à la réforme du chômage, à la réforme du marché du travail ou si c’est le fruit du CICE », nous explique-t-il.
Un coût non financé
Entre 2013 et 2019, on évalue le manque à gagner du CICE à environ 20 milliards d’euros par an. Depuis la transformation du CICE en baisse de charge pérenne en 2019, le gouvernement a redoublé d’efforts et consacre près de 40 milliards d’euros par an pour aider les entreprises françaises. À titre de comparaison, cela représente le budget alloué à la transition écologique (45 milliards d’euros par an).
La mesure a ses limites, poursuit l’économiste de l’OFCE : « Elle n’est pas financée, c’est-à-dire qu’elle est payée par la dette. » En effet, ce manque de recettes creuse les déficits publics de l’État.
Déficit public
Le déficit public mesure la différence entre l’ensemble des dépenses courantes et d’investissement effectué par l’État et l’ensemble de ses recettes. Si la différence est négative, il y a un déficit, si elle est positive, c’est un excédent.
- Flat tax et ISF
Autre mesure phare de la politique de l’offre menée par Emmanuel Macron, la réforme sur la fiscalité du capital (transformation de l’ISF et prélèvement forfaitaire unique). Le but affiché est d’inciter les ménages fortunés, attirés par des régimes fiscaux plus avantageux à l’étranger, à rester en France. Ainsi ils continueraient de consommer dans l’hexagone, et par effet de ruissellement, cela stimulerait l’activité.
Flat tax et ISF
La flat tax ou Prélèvement forfaitaire unique (PFU) est entré en vigueur depuis 2018. Au taux unique de 30 %, cet impôt taxe les revenus du patrimoine (revenus des capitaux mobiliers -intérêts, dividendes-, les plus-values mobilières, assurance vie…) Il remplace l’imposition progressive existante qui pouvait aller jusqu’à 60,5 % pour les contribuables les plus aisés.
Créé dans les années 1980, l’ISF est un impôt destiné aux foyers fiscaux les plus aisés, dont le revenu fiscal de référence dépassait 1,3 million d’euros. Il prenait alors en compte l’intégralité du patrimoine des personnes assujetties (maison, terrains, actifs financiers etc). L’ISF s’est transformé en 2017 en IFI. Seul le patrimoine immobilier est maintenant taxé.
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Mais ce sont des effets indirects difficiles à mesurer : « Là encore, France Stratégie n’arrive pas à montrer d’effets significatifs sur l’investissement. On peut encore dire que ce n’est pas parce qu’on ne voit pas d’effet, qu’il n’y en a pas », confie l’intéressé. On peut voir sur le graphique ci-dessous que le taux d'investissement des entreprises augmente légèrement de 23,8 % de la valeur ajoutée en 2017 à 25,6% en 2021. France Stratégie dit dans son étude qu’on ne peut pas savoir si cette hausse est due à ces mesures ou à un contexte favorable. En revanche, on peut noter que le taux de marge (gain réalisé lors de la vente d'un produit) des sociétés non financières atteint 34,3% en 2021 (contre 31,7% en 2017), son record historique.

Source : INSEE
« Quand on plafonne le taux de taxation du capital à 30 %, vous dites à ceux qui ont un gros patrimoine, qu’ils seront moins taxés, continue Éric Heyer. On fait le pari qu’ils utiliseront cet argent pour acheter de nouvelles actions. Rien ne garantit que ces individus achèteront des actions françaises. On ne taxe pas l’origine de l’action, mais la personne qui détient l’action. »
- Des résultats en termes d’investissements étrangers ?
Pour Emmanuel Macron et son ministre de l’Économie Bruno Le Maire, leur politique de l’offre est une réussite si l’on regarde le nombre de projets d’investissements étrangers de la France en 2022 (237 projets). Elle fait ainsi la course en tête devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.
« Mais il faut nuancer ce chiffre, tempère Éric Heyer. La France a toujours été un pays attractif au niveau européen, elle a toujours figuré dans le top 3. L’hexagone possède historiquement de bonnes infrastructures, un bon niveau d’éducation, des salariés productifs et une zone géographique favorable au cœur de la zone euro (proche de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie). Les investisseurs étrangers savent qu’en venant en France, ils trouveront des institutions fiables et une main-d’œuvre qualifiée. »
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« La contrepartie de tout ça, ce sont des prélèvements obligatoires élevés et une bureaucratie assez conséquente. Néanmoins, les mesures de baisse de fiscalité et de baisse de cotisations entraînent des conséquences pour les hôpitaux, les écoles ou les universités, en manque de moyens. »
Et l’économiste de l’OFCE de questionner, pour conclure : « À vouloir améliorer nos défauts, est-ce qu’on ne va pas potentiellement détériorer nos qualités ? »