Economie
Comment garder sous contrôle les dépenses collectives de santé ?
La crise sanitaire du Covid-19 combinée à nos exigences croissantes en matière de santé font grimper les dépenses de l'Etat. Les réformes paramétriques ne sont jusque-là pas parvenues à les réguler. Quel avenir pour la prise en charge des soins en France ?
Michel Bernard, professeur de chaire supérieure, agrégé de sciences sociales, Membre du comité éditorial et scientifique de Pour l’Éco
© Sylvain THOMAS/REA
L’adage est bien connu : la santé n’a pas de prix. Ce qui était vrai pour l’individu l’est devenu également pour la collectivité avec le Covid-19. « Quoi qu’il en coûte » !
Et il en coûte : aux dépenses courantes de santé au sens de l’OCDE (12 % du PIB en France), il faut aujourd’hui ajouter la perte de PIB liée aux mesures prises pour tenter d’enrayer l’épidémie (de 9 à 10 % du PIB en 2020 pour la Banque de France), une perte certes provisoire, mais nul ne sait aujourd’hui quand elle sera comblée.
La pandémie a bon dos. Elle ne fait qu’accentuer une tendance lourde, peu susceptible d’être stoppée et encore moins inversée : les dépenses de santé croissent plus vite que les revenus des ménages, plus vite que le PIB.
« Un état complet de bien-être physique, mental et social »
Avec l’élévation du niveau de vie et l’élargissement de la couverture sociale, notre approche de la santé s’est considérablement modifiée : du droit aux soins, nous sommes passés au droit à la santé, c’est-à-dire, dixit l’OMS, « un état complet de bien-être physique, mental et social ».
Le champ est vaste ! Et tout pousse à la hausse des dépenses de santé : le vieillissement de la société, un système français de soin sans véritable maîtrise comptable et le progrès technique en matière médicale…
La prise en charge collective des dépenses de santé nous pose une redoutable question, celle du rationnement. Pris en ciseau entre le droit aux soins et l’impossibilité de les financer, que faire ?
L’arbitrage sera d’autant plus douloureux qu’il a été repoussé sans cesse, de réforme paramétrique en réforme paramétrique, avec pour seul cap la réduction des déficits.
La dérive à l'américaine des assurances privées
Une chose est sûre, l’équilibre financier de l’assurance-maladie ne peut pas être obtenu sur une longue période simplement en relevant les cotisations tout en diminuant la prise en charge.
Sauf à courir le risque de voir proliférer des assurances privées rendant des services certes excellents, mais à leurs seuls cotisants, bref une dérive à l’américaine, avec des risques de déchirement du tissu social. Rappelons l’étrange paradoxe américain : des dépenses de santé à 17 % du PIB et pourtant, un accès aux soins lourdement inégalitaire…
La vérité, c’est que l’équilibre financier n’est durablement possible qu’en séparant deux catégories de dépenses. D’un côté, les dépenses liées à des pathologies lourdes (ambulatoires ou hospitalières) doivent être financées par l’État-providence. De l’autre, les dépenses courantes, notamment la médecine de confort, peuvent être couvertes, au moins partiellement, par des assurances individuelles. Avec, bien sûr, une prise en charge par la solidarité nationale des personnes aux revenus trop faibles pour cotiser.
Une réforme nécessaire mais politiquement délicate au pays du « Touche pas à ma Sécu » !
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