Ces chiffres traduisent une réalité plus générale et plus précoce : les vocations professionnelles, à l’adolescence, diffèrent dans une large mesure entre filles et garçons.
Les unes vers les objets, les autres vers les personnes
Une récente étude conduite sur plus de 470 000 jeunes âgés de 15 à 16 ans dans 80 pays, dont la France, s’est penchée sur les vocations professionnelles des adolescents en leur posant la question suivante : « Quel genre de travail penses-tu que tu exerceras quand tu auras environ 30 ans ? ».
Pour analyser les réponses, les auteurs de l’étude ont classé les professions indiquées en trois catégories :
1. les « métiers axés vers les personnes », à savoir, ceux qui impliquent de nombreuses interactions en face à face, comme en médecine ou dans l’enseignement ;
2. Les « métiers axés vers les objets », ceux qui impliquent avant tout de travailler avec des machines, comme la programmation informatique ou la confection textile ;
3. Les métiers n’entrant spécifiquement ni dans l’une ni dans l’autre de ces deux catégories.
Il en ressort que dans tous les pays inclus dans l’étude, les garçons sont plus nombreux que les filles à aspirer à un métier axé vers les objets et les filles sont plus nombreuses que les garçons à aspirer à un métier axé vers les personnes. Cette différence statistique entre filles et garçons est de grande ampleur et elle confirme les résultats de nombreuses études précédentes, qui aboutissaient à la même conclusion.
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Le paradoxe de l’égalité
Comment expliquer un tel résultat ? L’explication sociologique classique du phénomène consiste à soutenir qu’il s’agit là d’un effet de socialisation : la société transmettrait aux individus, dès leur plus jeune âge, des stéréotypes sur les activités et professions « typiquement masculines » ou « typiquement féminines ». Ainsi, s’occuper des autres, de leur santé, de leur éducation serait vu comme destiné aux femmes, tandis que travailler avec des machines ou en construire conviendrait mieux aux hommes.
La transmission de tels stéréotypes de genre passerait par le discours des adultes, mais aussi par les jouets donnés aux enfants – des poupées aux filles et des jouets techniques aux garçons, par exemple. Les enfants intégreraient ainsi rapidement ces stéréotypes et les reproduiraient le plus souvent dans leur propre vie, notamment en désirant exercer des professions qui s’y conforment.
Cette explication est cependant mise à mal par le « paradoxe de l’égalité des genres » : de nombreuses études, dont celle exposée ici, font apparaître que les pays les plus égalitaires entre femmes et hommes – ceux, donc, où les stéréotypes de genre sont généralement les moins marqués – sont aussi ceux où filles et garçons diffèrent le plus quant à leur désir d’exercer un métier axé vers les personnes ou les objets !
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Certains chercheurs pensent donc que cette différence de préférences pourrait découler d’antinomies psychologiques naturelles et pas uniquement sociales, entre femmes et hommes. Mais il s’agit là d’un point très débattu parmi les spécialistes.