Jauges métier : techno : 2.5/5 – écolo : 2.5/5 – recherché : 5/5.
Chaque année, en France, 33 000 femmes apprennent qu’elles ont un cancer du sein ou des ovaires. Dans environ 5 % des cas, cette maladie est héritée d’un parent. Une mère ou une grand-mère l’a transmis avec son patrimoine génétique.
« En oncologie génétique, nous parlons de gènes de prédisposition. Cela veut dire que si vous avez hérité de ces gènes, il y a un risque important que vous développiez à l’avenir la maladie », précise Antoine de Pauw, conseiller en génétique à l’Institut Curie, centre spécialisé dans la recherche et le traitement du cancer.
Il est l’un des premiers à avoir exercé en France cette profession. Le métier a été créé en 2004, par le ministre de Santé de l’époque, le professeur Jean-François Mattei. Il y avait urgence selon lui.
Quelles formations ?
Il n’en existe qu’une en France : le master professionnel « Pathologie Humaine » et sa spécialisation « Conseil en génétique et médecine préventive » à l’université Aix-Marseille II.
Pour faire partie de la vingtaine d’étudiants admis chaque année, il faut au préalable avoir suivi un cursus médical : avoir un diplôme de sage-femme, d’infirmière, avoir validé sa troisième année de médecine ou de pharmacie, avoir un master de recherche en biologie ou génétique.
Et surtout avoir le cœur solide, et la tête froide, parce que le conseiller en génétique, c’est celui qui annonce à une trentenaire qu’elle va, comme son père, développer la maladie de Huntington.
Gérer l’inquiétude des familles
Les connaissances et techniques de diagnostic progressant depuis le milieu des années 1990, les demandes de consultations ont rapidement explosé.
Les généticiens, pas assez nombreux, ont été débordés. Les médecins, oncologues, pédiatres (pour les maladies héréditaires comme la mucoviscidose), neurologues (maladie de Huntington) n’étant pas formés à la génétique, étaient incapables de répondre aux inquiétudes de leurs patients et de leurs familles. Le conseiller en génétique sert à ça. Il est l’intermédiaire entre le généticien et le patient.
Antoine de Pauw reçoit en consultation des jeunes femmes venues soit de leur propre initiative, soit sur les conseils d’un oncologue. « Elles ont vécu de vraies souffrances avec le cancer de proches, et n’ont pas envie de vivre le même cauchemar. Elles veulent connaître les risques, pour agir. Elles savent que si un cancer est pris suffisamment tôt, on en guérit », commente-t-il.
Antoine les questionne sur leur histoire familiale : quel membre de la famille a eu un cancer, à quel âge, etc. L’arbre généalogique est son principal outil de travail. C’est à partir de ces informations, qu’il mesure s’il faut ou non faire un test génétique. Puis il explique les enjeux du test. Si sa patiente est bien porteuse de cette mutation génétique, alors le risque est réel. Elle risque aussi de transmettre cette mutation à son enfant.
La voix du sang
« Faire un test génétique, c’est une décision que l’on prend rarement seul. Car les résultats du test peuvent impacter toute la famille. Est-ce que tous veulent savoir s’ils seront malades plus tard ? », explique Marie-Antoinette Voelckel, présidente de l’Association française des conseillers en génétique, exerçant elle-même la profession à l’hôpital Timone Enfants de Marseille.
Après cette première consultation, Antoine laisse donc à la patiente un délai de réflexion. Elle revient ensuite pour le test. Il lui transmet l’ordonnance rédigée par le médecin généticien pour un prélèvement sanguin. Il procède lui-même à un frottis buccal. Il la revoit une troisième fois pour la restitution du test.
Dans le cas où le test s’avère malheureusement positif (elle est bien porteuse de la mutation génétique), il lui présente les options : un suivi très régulier par un gynécologue spécialisé et une mammographie chaque année, ou une chirurgie préventive (mastectomie, ablation des ovaires).
En Chiffres
1 800 euros
Le salaire net moyen d'un conseiller génétique en France.
Fin 2019, la France comptait 169 conseillers en génétique. Ils exercent sous la direction d’un médecin généticien en milieu hospitalier, dans des centres de maladies rares ou de lutte contre le cancer. Le métier n’est pas très bien rémunéré : 1 800 euros net par mois en moyenne.
Mais il est très demandé. Comme le soulignait un généticien français lors de la conférence 2016 de l’Alliance transnationale du conseil génétique (TAGC) à Barcelone : « Un conseiller en génétique, c’est comme un système de climatisation. Quand vous ne l’avez pas, vous ne réalisez pas qu’il vous manque, mais quand vous l’avez, vous ne pouvez plus vous en passer ! »
Un métier venu des États-Unis
En 1951, le job n’existait pas. Les termes « conseil en génétique » avaient été inventés quatre ans plus tôt par le biologiste et généticien américain Sheldon Clark Reed. Toutefois, à cette époque, il existait déjà outre-Atlantique une dizaine de cliniques spécialisées sur le sujet.
« Clinique », le mot est plus grand que la réalité et désigne plutôt des annexes de la recherche universitaire. Les locaux, modestes et situés dans le département de biologie, étaient gérés par des chercheurs. Aucune publicité ni article dans la presse. Seulement quelques couples du voisinage venaient en consultation.
Ce n’est que dans les années 1960, avec le développement des connaissances sur les troubles génétiques, la mise au point de techniques de dépistage prénatal d’anomalies chromosomiques et la reconnaissance de la génétique médicale en tant que spécialité distincte, que le conseil génétique a commencé à se médicaliser et à se professionnaliser.
Le premier master de conseil génétique fut fondé en 1969 au Sarah Lawrence College à Bronxville, dans l’État de New York. En 1979 naissait la Société nationale des conseillers en génétique. Et en 1981, le Board of Medical Genetics élaborait les premiers examens de certification des futurs conseillers en génétique