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Politique économique

Covid-19 : Faut-il annuler la dette des États détenue par la Banque centrale européenne ? Débat entre Jézabel Couppey-Soubeyran et Jean Pisani-Ferry

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C’est un débat qui s’est imposé au gré des milliards d’euros d’argent public dépensés pour sauver l’économie française. La dette se creusant, la France - et plus largement les États européens - doit-elle rembourser les créances issues des plans de sauvetage et de relance économique ? Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, la réponse est claire : oui, il faut effacer une partie de la dette, celle liée aux rachats d'obligation d'Etat par la Banque centrale européenne. C’est crucial pour éloigner le risque d’austérité et d’attaque des marchés, assure-t-elle. Pour Jean Pisani-Ferri, qui s’oppose à "tous tours de magies monétaires", une telle décision serait une "ineptie économique".

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© Come SITTLER/REA

Débat

Faut-il annuler la dette des États ?

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Oui, pour éviter l’austérité

Jézabel Couppey-Soubeyran

Maîtresse de conférences à Paris 1 Panthéon-Sorbonne âgé de 49 ans, conseillère éditoriale au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (EPII), ses travaux réinterrogent le rôle de la monnaie dans nos économies. Ses propositions bousculent le débat économique français.

Non, c’est une ineptie économique

Jean Pisani-Ferry

Ancien commissaire général de France Stratégie, ce professeur à Sciences Po Paris agé de 69 ans et directeur du think-tank Bruegel est un économiste écouté en France et en Europe. Ancien conseiller économique du candidat Emmanuel Macron, avec lequeil il a pris certaines distances, il s’oppose aux "tours de magie monétaire".

L'avis de Jézabel Couppey-Soubeyran : Oui, pour éviter l’austérité

La situation économique exceptionnelle actuelle oblige les États européens à mobiliser des milliards d’euros. Le niveau d’endettement augmentera mécaniquement. Dans ce contexte, la réaction de la Banque centrale européenne (BCE) semble, à première vue, assez forte. Ses taux bas permettent aux membres de la zone euro d’emprunter de l’argent à moindres frais sur les marchés.

Mais nous entrons dans cette période incertaine avec des dettes – publiques et privées – en forte progression depuis 2008. Le recours massif à l’emprunt, la faiblesse des mesures d’investissement et la croissance en berne attendus questionnent la soutenabilité des dettes souveraines.

Une attaque des marchés est à redouter

En effet, lorsque le niveau d’endettement est trop élevé par rapport au PIB, les marchés financiers – sur lesquels les États se refinancent – sont tentés d’augmenter la prime de risque. Les taux d’intérêt grimpent ; la dette coûte de plus en plus cher. La situation pourrait devenir ingérable pour certains pays. Le rachat par la BCE d’obligations d’État sur le marché secondaire n’est pas un dispositif éternel. À moins de porter sur l’intégralité des nouvelles dettes et de se poursuivre jusqu’à la nuit des temps, ce programme n’évitera pas la spéculation des financiers.

Le risque d’insoutenabilité est aussi un levier de chantage politique pour justifier des mesures d’austérité. Ceux qui appellent aujourd’hui à dépenser sans compter seront, demain, les mêmes qui exigeront un retour à la discipline budgétaire. La dette ne doit pas être un outil de soumission des États. L’objectif est donc de concilier des dépenses massives et un risque de non-remboursement des dettes suffisamment faible.