Certes, la pertinence de la comparaison internationale est à relativiser parce que la pandémie n’a pas affecté tous les pays de la même façon et que les restrictions sanitaires ont fortement varié d’un État à l’autre, l’Autriche ayant, entre autres exemples, imposé un couvre-feu et la fermeture des bars et restaurants pendant tout le mois de novembre 2021.
On peut aussi s’interroger sur le coût de la mise sous perfusion d’argent public du secteur privé, laquelle est largement à l’origine de ce prompt rétablissement de l’économie française. La dette publique française est en effet passée de 97,5 % du PIB au quatrième trimestre (T4) 2019 à 116,3 % au troisième trimestre (T3) 2021 et se monte désormais à 2834,3 milliards d’euros.
La France a surperformé par rapport aux pays comparables
Ces réserves étant émises, le constat demeure : le regain de croissance de 7 % atteste une surperformance de la France par rapport aux économies qui lui sont comparables.
Cela se vérifie si l’on confronte les écarts entre le niveau du PIB pour le T4 2021 tel qu’il a été estimé avant la crise puis constaté par les différents instituts nationaux de statistiques à travers le monde.
En se fondant sur les prévisions contenues dans l’édition 2019 des « Perspectives économiques » publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’enseignant-chercheur en économie et finances publiques publiant sous le pseudonyme @fipaddict a a montré que, parmi les membres de ce club des pays riches, seuls les États-Unis avaient fait mieux que la France.
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Au T4 2021, le PIB français est finalement inférieur de 1,5 % à son montant estimé par l’OCDE en 2019, le décalage étant de -0,8 % outre-Atlantique mais de -3,2 % outre-Rhin. En d’autres termes, à part les États-Unis, aucun grand pays industrialisé ne s’est autant rapproché de sa trajectoire pré-crise que la France au T4 2021.
Non, la crise économique n’est pas « effacée » par ce regain de croissance
Il faut néanmoins prendre garde à ne pas surinterpréter le +7 % de croissance économique mesuré par l’Insee. Invité sur France 2 à commenter ce chiffre quelques minutes après sa publication par l’Insee, Bruno Le Maire, a déclaré : « C’est un rebond spectaculaire de l’économie française. […] Cela efface la crise économique. »
Si la première affirmation ne souffre d’aucune contestation possible, la seconde est plus que discutable. D’abord car le PIB 2021 (2 296,1 milliards d’euros) est en baisse de 1,6 % par rapport au PIB 2019 (2 333,1 milliards d’euros), soit une différence de 37 milliards d’euros tout de même.
Ensuite parce que le raisonnement du ministre de l’Économie fait fi du terrain perdu, c’est-à-dire de la croissance économique prévue mais qui ne s’est pas réalisée entre 2019 et 2021, la valeur ajoutée totale s’étant repliée de 8 % en 2020.
Dans son billet de blog intitulé « L’arithmétique de la crise : bien comprendre les chiffres de la croissance en temps de Covid-19 », Julien Pouget, chef des conjoncturistes de l’Insee, insiste sur l’importance de considérer ce que l’économie nomme la « situation contrefactuelle », en l’occurrence les valeurs qu’auraient pu prendre le PIB si la pandémie n’était pas survenue.
Situation contrefactuelle
Désigne la situation qui serait survenue sur un marché en particulier ou dans l’ensemble d’une économie en l’absence d’un évènement ou d’une action d’un agent économique, généralement l’État. Pour mener des raisonnements toutes choses égales par ailleurs et évaluer ainsi la pertinence de certaines mesures de politique économique, les économistes construisent des scénarios contrefactuels pour comparer le résultat obtenu avec ou sans la mesure dont l’effet est évalué.
Dans une note de juillet 2021, l’institut juge pertinent de prendre pour valeur de référence une augmentation annuelle de 1,2 % du PIB. En l’absence de Covid-19, le PIB 2019 se montant à 2 333,1 milliards d’euros, le PIB 2021 aurait ainsi pu s’élever à environ 2 389,4 milliards d’euros.
Sur la base de cette hypothèse de taux de croissance, la perte de valeur ajoutée entre le PIB 2021 estimé et le PIB 2021 effectif se chiffrerait alors à 93,3 milliards d’euros.
À la question « Ces 7 % de croissance économique en 2021 constituent-ils une vraie performance économique de la France ou un simple effet de rattrapage ? », la seule réponse qui vaille semble donc : « Les deux mon capitaine ! ».
Indéniablement, en 2021, le PIB français s’est redressé plus vigoureusement que celui d’économies comparables. Mais ce rebond ne constitue qu’un rattrapage très partiel du terrain perdu à cause de la crise de la Covid-19.
La question au programme de SES au lycée dont des notions ou des mécanismes sont abordés dans cet article :
Terminale : « Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ? »