En effet, les poids lourds étrangers sont l’une des causes de la détérioration des autoroutes françaises. Ces autoroutes doivent investir pour entretenir la chaussée. Cela coûte cher et ces dépenses affectent directement les usagers ne conduisant pas de poids lourds, c’est-à-dire le contribuable français. Il serait normal que les poids lourds étrangers versent une compensation pour que les autoroutes – des entreprises privées – investissent dans cette meilleure qualité de circulation.
responsable du département culture générale et humanités
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De plus, les poids lourds étrangers sont responsables d’une partie des émissions de gaz à effet de serre. L’écotaxe de 2014 n’était donc pas anodine. Taxer un moyen de transport qui consomme bien plus de carburant et rejette bien plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, n’est-ce pas normal ? Ce projet n’a rien de déroutant et il a fait ses preuves dans d’autres pays européens, que ce soit en Allemagne, en Suisse et même chez nos amis anglo-saxons.
Poids lourd
Véhicule routier de plus de 3,5 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC) affecté soit au transport de marchandises et d’animaux (porteur, véhicule articulé, train routier), soit au transport de personnes (bus, car, trolleybus).
Les principes européens ne sont pas favorables à une écotaxe frappant les poids lourds étrangers. L’ancien ministre des Finances Michel Sapin l’avait rappelé, en octobre 2018 : « On ne taxe pas un camion étranger parce qu’il est étranger. » Cela irait contre un principe fondamental de l’UE, la libre circulation des personnes dans l’espace européen. N’est-ce pas déloyal envers les compagnies de transport françaises, qui paient des impôts en France, de voir leurs homologues étrangers ne payer aucun frais ?
Une écotaxe est-elle une mesure impossible à mettre en place ? C’est précisément parce que cela est possible que la question soulève autant de contestations et que le débat ne cessera pas.
Alexandre Cochard, Ipag Business School.
« Non, fabriquons des camions moins polluants »
La taxation des poids lourds représente un frein au libre-échange qui a permis une forte amélioration des conditions de vie pour l’ensemble des populations. En plus, le dispositif prévu en 2014 avait fait l’objet de nombreuses contestations allant de Lutte ouvrière à la Fédération des transporteurs français qui la qualifiaient de taxe injuste.
Libre-échange
Contraire du protectionnisme. Les biens et services peuvent être échangés entre les pays avec facilité, en limitant l’intervention des autorités sur les marchés.
Toute augmentation des taxes dans le domaine des transports, sous la forme d’une écotaxe, a un impact direct sur les prix à la consommation. La taxation à outrance a toujours provoqué des effets inverses à ceux attendus. Certains secteurs d’activité comme l’agriculture et l’agroalimentaire auraient du mal à faire face à cette fiscalité.
Les Bretons travaillant dans l’industrie agroalimentaire ont peur d’une telle taxe, car leur situation géographique enclavée les oblige à beaucoup utiliser leur véhicule. Le montant total des taxes que paient les camions s’élève environ à six milliards d’euros par an. En plus, les chauffeurs routiers étrangers ont déjà dû assumer une hausse du prix du gazole et des taxes environnementales dans leur pays.
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L’installation de portiques au-dessus des routes a été un échec. En effet, ceux-ci devaient collecter la taxe, alors qu’initialement, il s’agissait uniquement de vérifier l’enregistrement des camions auprès de la société Écomouv’, propriétaire et opératrice des portiques.
Cherchons d’autres approches. Ne continuons pas de croire qu’une écotaxe applicable aux transporteurs étrangers est la solution. En 2014, l’abandon de l’écotaxe avait provoqué une hausse de deux centimes du prix du litre de gazole. Il serait plus judicieux de fabriquer des poids lourds émettant moins de CO2 et de réduire la vitesse pour les camions.
Et puis, en nous assurant que les camions voyagent complètement chargés, on réduirait le nombre de camions sur les routes. Ainsi, on protégerait le climat et le consommateur tout en facilitant la libre circulation des personnes et des marchandises.
Mylène Delphin-Poulat, Ipag Business School.