C’est un triste record. Après un plus haut historique en 2021, le déficit commercial de la France a plus que doublé en 2022, pour atteindre 163,6 milliards d’euros, selon les douanes1. Ce solde, obtenu par la soustraction du montant des importations de biens du pays à celui des exportations, est invariablement négatif depuis 2002. L’explication ? Notre économie cumule les trois facteurs aggravants du déficit commercial : désindustrialisation, croissance démographique et dynamisme de la consommation.
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En bref, nous consommons (beaucoup) plus de biens que nous en produisons. Et le déficit commercial a un jumeau maléfique, le déficit public. La théorie économique des « twin deficits » établit en effet que ces deux formes de déficits s’autoalimentent. Un déficit commercial n’est donc soutenable à long terme qu’à condition que le déficit public le soit aussi. Or la dette publique de la France est déjà très élevée et son financement a brutalement renchéri depuis l’été 2022.
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Face à ce sombre tableau, deux nuances peuvent toutefois être apportées. D’abord, cette balance commerciale tendant vers le rouge carmin ne doit pas faire oublier que la balance des services, elle, vire au vert. Après un excédent déjà record de 36,4 milliards d’euros en 20212, l’exercice 2022 s’est une nouvelle fois achevé sur une performance historique, la France ayant vendu pour 49,9 milliards d’euros de services de plus au reste de monde qu’elle n’en a importé3.
Ensuite, l’aggravation brutale du déséquilibre sur les biens est en partie conjoncturelle. Le doublement du déficit commercial entre 2021 et 2022 s’explique avant tout par l’envolée des prix des énergies. À eux trois, le solde des hydrocarbures (-49,6 milliards d’euros), de l’électricité (-10 milliards) et du pétrole raffiné (-9,6 milliards) pèsent pour plus de 40 % du déficit total.
Importatrice nette de voitures
Mais ces circonstances atténuantes ne doivent pas masquer le caractère structurel du déficit commercial français. Car le solde hors énergies est lui aussi en chute libre. En 2002, la France vendait pour environ 16 milliards d’euros de plus de produits manufacturés au reste du monde qu’elle n’en importait.
Vingt ans plus tard, ce solde manufacturier s’est effondré à -78,5 milliards d’euros. Les excédents générés dans certains postes comme les produits agricoles (+5,6 milliards) ou les cosmétiques (+15,4 milliards) sont loin de compenser des déficits structurels dans de multiples secteurs allant du textile aux équipements ménagers en passant par les voitures.
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D’un point de vue économique comme écologique, il n’est forcément pas souhaitable que la France se (re)mette à produire des T-shirts et des casseroles. À court et moyen terme, deux choix s’offrent donc à notre pays. Soit nous nous résignons au déficit sur les biens en misant sur notre excédent dans les services. Soit nous diminuons nos importations en consommant moins. L’essor continu des achats de biens prouve que nous n’avons, pour l’instant, pas entamé ce virage vers la sobriété matérielle.
Sources
1. « Le chiffre du commerce extérieur », Direction générale des douanes et des droits indirects, 7 février 2023.
2. « La balance des paiements et la position extérieure de la France », Banque de France, rapport annuel 2021.
3. « La balance des paiements », Banque de France, Stat Info, décembre 2022.