Sociologie
Des retraites dorées pour les baby-boomers, vraiment ?
ENQUÊTE VIDEO - La guerre des générations est-elle justifiée ? Chaque mois, dans le Grand écart, décortiquez les différences en un graph pour penser les bonnes solutions. Dans ce onzième épisode, Julie Desrousseaux compare le poids des dépenses sociales liées à la vieillesse et celles liées à la jeunesse.
Julie Desrousseaux
© Pour l'Eco
La jeunesse d’aujourd’hui est-elle une génération sacrifiée, les baby-boomers une génération dorée ?
À force de lire des rapports qui prétendent répondre à la question, on se rend vite compte qu'il y autant de réponses (politiques) à la question des inégalités intergénérationnelles que de manières dont on veut (politiquement) se poser la question : accès à la propriété, chômage, dette, niveaux de vie relatifs... Raison de plus pour bien comprendre les indicateurs que chacun avance.
Quel niveau de vie pour quelle génération ?
Les jeunes et les retraités ont en effet un point commun : ils vivent au-delà de leurs revenus, et comblent ce besoin de financement notamment par les prestations sociales que leur verse l'État - que ce soit en nature (écoles, hôpitaux) ou en espèces (allocations familiales, pensions de retraites).
Saviez-vous que depuis dix ans, date qui correspond à l'entrée des premiers baby-boomers à l'âge de la retraite, les pensions de retraite ont progressé moins vite que la richesse nationale par habitant ? On vous dessine ce fait surprenant, en couleurs et en graphs, dans l'épisode 11 de notre série Grand écart.
La retraite, symbole des inégalités intergénérationnelles
Pour certains, c'est la preuve que les retraités d'aujourd'hui se taillent, individuellement, une part moindre du gateau public que les générations qui les ont précédées1. Pour d'autres, c'est le signe d'un rééquilibrage cohérent avec le contexte socio-économique qui n'est plus celui d'avant la crise économique de 20082.
Privilégiés, les retraités français ?
Qu'ils soient les nantis parfois décrits ou pas, les retraités français s'en sortent tout de même mieux que leurs homologues étrangers. En moyenne dans l’OCDE, les seniors de plus de 65 ans ont en 2016 un niveau de vie correspondant à 87 % de celui de l'ensemble de la population, contre 103 % dans l’Hexagone.
D'ailleurs, cela ne devrait pas durer : le niveau de vie des retraités, par rapport au niveau de vie de l’ensemble de la population, devrait réduire continuellement à partir de 2020, pour revenir à son niveau des années 803.
Moins de dépenses pour la jeunesse
A l'autre extrémité de la vie, les transferts publics - ou dépenses sociales - qui bénéficient à la jeunesse (éducation, familles...) ont diminué depuis 30 ans4. Aujourd'hui, 38 % des 15-29 ans sont en situation de précarité, c'est 7 % des plus de 50 ans.
Alors que le taux de pauvreté des plus de 65 ans est resté stable autour de 3 % de 2002 à 2018, il est passé de 8 % à 12 % pour les moins de 25 ans5. La pauvreté a changé d'âge.
Plus grave selon certains, ce sont les inégalités non pas entre les générations (jeunes et seniors) mais au sein d'une même génération - les jeunes - qui ont explosé. Aucune génération de 18-30 ans n'a connu autant d'inégalités avec leurs pairs que la jeunesse d'aujourd'hui6.
Pour financer leurs besoins, notamment lors d'études de plus en plus longues, les 18-24 ans comptent aujourd'hui davantage sur leur famille. Sur 100 euros de consommation d’un jeune de moins de 25 ans, 36 % sont assurés par des transferts intrafamiliaux en 2011 contre seulement 30 % en 1984. Et quand les transferts privés se substituent aux transferts publics, les inégalités grimpent forcément entre filles de médecin et fils de métallurgiste.
Une question d'interprétation ?
Tous ces chiffres renvoient chacun à sa propre définition de ce que seraient des rapports équitables entre les générations.
Pour vous, les inégalités doivent-elles se mesurer par le taux de pauvreté des jeunes et des seniors, par la part des dépenses publiques qu'accapare chaque catégorie d'âge, par la capacité de devenir propriétaire de son logement ? Est-ce plus juste de comparer les jeunes - ou les seniors - d'aujourd'hui à ceux d'hier, ou bien de mettre chaque génération présente en face des réalités socio-économiques de leur temps ?
Générations et inégalités, pour aller plus loin :
1 et 4. Protection sociale : qui paie le coût du vieillissement de la population?, France stratégie, Décembre 2021
2 et 3 et 5. Inégalités économiques entre générations en France, A. Masson, 2021
(6) Toutes les générations sont-elles égales ?, H. d’Albis, Université Ouverte ENS de Lyon-Université de Lyon 1
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