« L’Allemagne paiera ». Le mot du ministre français des Finances, Louis-Lucien Klotz, fait alors consensus dans la France des années 1920. À tort ? Les réparations allemandes fixées par le Traité de Versailles (1918) étaient-elles acceptables ? Comment sortir du surendettement ? Comment répartir l’effort entre créanciers et débiteurs ? Autant de questions dont l’écho actuel est fort à un moment où l’endettement des États dépasse pour la première fois en temps de paix le niveau atteint en temps de guerre.

La question des réparations
Novembre 1923 : l’Américain Charles Dawes rassemble à l’Hôtel Astoria de Paris un comité éponyme de financiers pour éviter le défaut de paiement de l’Allemagne. Vaincue, jugée responsable de la guerre par le traité de Versailles, l’Allemagne doit en effet des « réparations ». La France considère cet argent comme un dédommagement, bien dérisoire au regard du million et demi de soldats français morts. Ces sommes sont pourtant considérables : Jean-Charles Asselain a calculé qu’elles pesaient chaque année 2 % du revenu national français de 1925 à 1929. Surendettée, l’Allemagne réclame un délai en janvier 1923. Pour obtenir leurs réparations, la France et la Belgique envoient leurs troupes occuper la Ruhr, le cœur industriel allemand. Mais si l’Allemagne ne peut plus exporter son charbon, comment pourrait-elle se procurer les devises nécessaires au paiement des réparations ? Le mark s’effondre sous le coup de l’hyperinflation. Exsangue financièrement, l’Allemagne négocie. Au comité Dawes, son ministre Hjalmar Schacht obtient un répit, le temps de rétablir la stabilité de sa monnaie.
« L’Allemagne paiera ». Le mot du ministre français des Finances, Louis-Lucien Klotz, fait alors consensus dans la France des années 1920. À tort ? Les réparations allemandes fixées par le Traité de Versailles (1918) étaient-elles acceptables ? Comment sortir du surendettement ? Comment répartir l’effort entre créanciers et débiteurs ? Autant de questions dont l’écho actuel est fort à un moment où l’endettement des États dépasse pour la première fois en temps de paix le niveau atteint en temps de guerre.

La question des réparations
Novembre 1923 : l’Américain Charles Dawes rassemble à l’Hôtel Astoria de Paris un comité éponyme de financiers pour éviter le défaut de paiement de l’Allemagne. Vaincue, jugée responsable de la guerre par le traité de Versailles, l’Allemagne doit en effet des « réparations ». La France considère cet argent comme un dédommagement, bien dérisoire au regard du million et demi de soldats français morts. Ces sommes sont pourtant considérables : Jean-Charles Asselain a calculé qu’elles pesaient chaque année 2 % du revenu national français de 1925 à 1929. Surendettée, l’Allemagne réclame un délai en janvier 1923. Pour obtenir leurs réparations, la France et la Belgique envoient leurs troupes occuper la Ruhr, le cœur industriel allemand. Mais si l’Allemagne ne peut plus exporter son charbon, comment pourrait-elle se procurer les devises nécessaires au paiement des réparations ? Le mark s’effondre sous le coup de l’hyperinflation. Exsangue financièrement, l’Allemagne négocie. Au comité Dawes, son ministre Hjalmar Schacht obtient un répit, le temps de rétablir la stabilité de sa monnaie.
En Chiffres
2 %
Soit le poids de la dette par rapport au revenu national français de 1925 à 1929
L’Allemagne signe le plan Dawes en août 1924. Grâce aux crédits américains (le Congrès des États-Unis n’a pas ratifié le traité de Versailles) et aux concessions de la France, qui accepte à la fois une amputation de sa créance d’environ 60 % et de quitter la Ruhr, la dette est rééchelonnée, avec un versement faible en 1925 et un relèvement progressif calé sur le redressement de l’économie allemande. Le plan Young, signé en juin 1929, prolonge le plan Dawes et prévoit un échéancier jusqu’en 1988 ! La crise d’octobre 1929 rebat toutes les cartes. De plus, le plan Young lie réparations allemandes et dettes interalliées selon une de clé de répartition grossière : deux tiers pour les États-Unis, un tiers comme solde aux États d’Europe. Mais fauchée par la crise de 1929, l’Allemagne réclame l’aide des États-Unis. En 1931, le président Herbert Hoover autorise donc un « moratoire », c’est-à-dire une suspension de la dette. L’Allemagne, mais aussi les Alliés, s’engouffrent dans la brèche pour ne plus rembourser… sauf la Finlande, surnommée alors « Brave Little Finland ».
Les leçons du surendettement
Quels enseignements tirer ? La dette publique porte la signature de l’État qui engage son « crédit », sa réputation. La capacité à honorer sa dette a donc partie liée avec la valeur de la monnaie nationale.
Récuser la dette, c’est détourner durablement les investisseurs du pays qui a fait banqueroute et affecter la confiance en la monnaie, en général attaquée. Or la stabilité de la monnaie est un bien collectif : que la confiance disparaisse et c’est toute l’économie qui s’en trouve atteinte et la société qui se délite. C’est la première leçon de l’effondrement du mark. Un changement de monnaie devient alors indispensable, qui passe par une étape intermédiaire dont le principal (sinon unique) objet est de rétablir la confiance : ce fut le miracle du rentenmark, pseudo-monnaie censée être garantie sur le potentiel agricole et industriel allemand. Il fallait au moins cela pour la rendre crédible, et l’on comprend dès lors que son existence fut brève, très vite remplacée par le reichsmark.

Deuxième leçon : pour qu’un pays puisse s’en acquitter, la dette doit être soutenable, l’effort de remboursement acceptable. L’intermédiation américaine du comité Dawes visait à sortir par le haut du conflit financier franco-allemand très dur de 1923-1924.
Alléger la dette au prix de concessions importantes de la France permettait à l’Allemagne de rembourser ses anciens créanciers et de retrouver une capacité d’emprunt, sans laquelle aucun remboursement n’était possible.
Pour la Grèce d’aujourd’hui, comme pour l’Allemagne d’hier, l’allègement de la dette est donc finalement le meilleur moyen pour les créanciers d’être (partiellement) remboursés.
La Grèce a évité la banqueroute générale parce que sa dette était libellée en euros et grâce au soutien massif du Mécanisme européen de stabilité (MES) créé pour l’occasion. Toutefois, le prix du surendettement est lourd, à la fois en termes de perte de niveau de vie – conséquence de l’effort d’ajustement que le paiement des intérêts de la dette impose – mais aussi en termes de perte d’indépendance nationale, laquelle a souvent pour corollaire une fièvre nationaliste. C’est précisément en novembre 1923 qu’Hitler fit un putsch avorté à Munich…
« De cette montagne de dettes, faisons un feu de joie »
Troisième leçon : la Première Guerre mondiale a introduit une profonde rupture dans le financement des guerres : jadis, le vainqueur finançait sa guerre en imposant un tribut au vaincu ; désormais, c’est au vainqueur qu’il appartient de payer, au moins partiellement. On comprend la recommandation de Keynes en 1919 (« de cette montagne de dettes, faisons un feu de joie ») soit difficile à admettre et que la potion soit amère, tout comme elle l’est aujourd’hui pour le contribuable allemand réduit à financer les dettes de la Grèce : dans les années 2010, la presse populaire allemande a pu titrer à l’intention des débiteurs grecs : « Donnez-nous Corfou ! »