Economie
Devenir trader en ligne, le rêve et les pièges 1/7 | Argent facile, et pourquoi pas moi ?
Devenir trader en ligne, le rêve et les pièges 1/7 | Qui n’a jamais espéré gagner en un clic des sommes colossales d’argent ? La dégringolade de la bourse et sa remontée en flèche m’incitent à m’intéresser aux marchés des actions. Tout ceci est tellement évident que nous sommes des dizaines de milliers à y avoir pensé. Mais est-ce le bon filon ? Les placements non régulés, l’eldorado supposé de la rentabilité, me séduisent aussi...
Erwan Seznec (texte) Simon Geliot (illustration)
J’attendais ce moment depuis des années. Le 12 mars 2020, le CAC 40 connaît la pire journée de son histoire : sa valeur se fracasse de 12,28 % en une seule séance. Un krach provoqué par un pangolin a effacé en quelques semaines quatre années de hausse régulière. Entre le 18 février et le 18 mars 2020, le SBF 120, l’indice boursier français le plus représentatif de la réalité des cours des entreprises, a dévissé de 38 %, revenant à son niveau de février 2016.
Je vais devenir capitaliste
Je repense immédiatement au dicton « vendre au son du clairon, acheter au son du canon », rabâché jusqu’à la nausée par les anciens combattants des guerres boursières. Eux savent que c’est au fond du trou que se ramassent les actions à prix massacré. J’exulte.
Le moment est venu pour moi de devenir capitaliste, de faire fructifier mes économies. À portée de souris ou d’un swype de téléphone, l’argent facile pour tous…
Enfin, facile… Il faut travailler, car le placement de monsieur tout le monde ne rapporte rien. En 2019, l’assurance-vie, investissement préféré des Français (1 790 milliards d’encours !), n’a dégagé que 1,5 % de rendement. Compte tenu de l’inflation (1,1 %), c’est du quasi-surplace.
Voilà un produit très sûr, me dit mon conseiller-clientèle. Il a raison. Je ne cours aucun risque, et surtout pas celui de m’enrichir. Dans dix ans, si je lui confie mes 30 000 euros d’économie, il me restituera 34 800 euros, avant prélèvements sociaux.
L’assurance-vie ? Aucun risque, et surtout pas celui de m’enrichir.Épisode 1. Argent facile, et pourquoi pas moi ?
Ne pas louper le prochain Facebook
Les marchés d’actions sont nettement plus séduisants. Cotée au Nasdaq de New York, par exemple, l’action Tesla est passée de 420 dollars le 20 mars 2020 à 1596 dollars le 20 juin : + 280 % en trois mois ! Et six mois après l’affaire du pangolin, le 19 août 2020, la bourse américaine a dépassé son niveau historique.
Les plus anciens se rappelleront aussi de Facebook. En 2012, personne ne voulait des titres du réseau social. Le cours s’était effondré les premières semaines de cotation, avant d’entamer une ascension quasiment ininterrompue jusqu’à nos jours. Confiée il y a six ans à Mark Zuckerberg, ma cagnotte de 30 000 euros en vaudrait aujourd’hui 360 000…
Une armée de nouveaux boursicoteurs
Tout ceci est tellement évident que nous sommes des dizaines de milliers à y avoir pensé. Google Trends montre que la requête « investir en bourse » a connu un pic la semaine du 8 au 14 mars, juste avant le confinement, suivant une tendance de 2019. « Plus de 150.000 nouveaux investisseurs sont arrivés sur le SBF120 au printemps », révèle Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Le profil du nouveau boursicoteur ? « Un homme, plus jeune que la moyenne des actionnaires individuels, avec des revenus raisonnables, mais pas très élevés », résume Guillaume Prache, le président de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants (Faider). Ce rookie investit en moyenne 2 500 euros. Selon les données de l’AMF, il a 36 ans au moment d’ouvrir son plan d’épargne en action (PEA) et opte pour une banque en ligne. Il attendra ses 48 ans pour être conseillé par une banque traditionnelle.
L’eldorado des placements non régulés
Hélas, pour boursicoter, il faut comprendre en profondeur le modèle d’une entreprise cotée. Ce n’est pas à la portée du premier venu. Il faut, au minimum, lire des notes d’analystes rédigées en anglais et des rapports annuels de 300 pages tout en gardant un oeil sur les entreprises concurrentes. Et puis « les gains amassés rapidement se perdent tout aussi rapidement », m’alerte Guillaume Prache.
Bref, le trading en bourse demande autant de préparation et de vigilance que la navigation en haute mer. Je préfère donc explorer une autre voie a priori moins exigeante et très rentable : les placements non régulés. Bien sûr il y a quelques écueils et pas mal de pirates mais c’est le nec-plus-ultra de l’investisseur téméraire, l’eldorado : risque maximum, rendement astronomique.
Entre fin 2015 et fin 2017, le bitcoin a bondi de 4 700 %. Ici, mes 30 000 euros auraient frôlé le 1,5 million. Et il y a les autres crypto-monnaies, les matières premières : or, argent ou métaux rares. Le terrain de jeu est vaste.
Éco-mots
Placement non régulé
Investissement financier qui n’est pas organisé par un régulateur central.
La tentation du Forex
C’est finalement le marché des devises qui capte mon attention. Les publicités en ligne sont d’un enthousiasme particulièrement communicatif. Ici, on gagne de l’argent en jouant sur les monnaies : on parie le yen japonais à la baisse face au dollar américain, ou bien l’euro à la hausse contre le franc suisse.
Les argumentaires de ces plateformes en ligne sont pédagogiques. L’investisseur est guidé par la main, à travers des interfaces conviviales. Les ordres ont souvent des délais courts : 48 heures. Les annonces font miroiter des rendements rapides et quasiment instantanés. Les promesses de gains virevoltent et finies les soirées assommantes passées à éplucher des comptes d’entreprises. Je décide de me lancer.
Je n’imaginais pas découvrir un environnement aussi tentant et aussi opaque. Des Youtubeurs aux avatars et pseudonymes pernicieux y côtoient des banques internationales. L’écosystème opère aux quatre coins du monde, de Chypre à Israël et jusqu’en Thaïlande. Je rencontre des gens comme vous et moi, prêts à gagner beaucoup d’argent en quelques clics. J’écoute des téléconseillers qui récitent leurs techniques marketing comme des robots. Je suis assailli par des applications innovantes qui font tout pour me convertir.
L’industrie du trading en ligne m’apparaît comme une jungle où les rêves s’entrechoquent avec les dangers. Vais-je en sortir indemne ?
A suivre - Episode 2 | Forex : bizutage aux pays des devises
Dans le prochain épisode : Vous découvrez le fonctionnement du marché des devises et la puissance du marketing de ses courtiers. Ces nouveaux gourous me promettent de gagner de l’argent très facilement. Allons voir. Leur méthode de 'multi-level marketing' est plus que troublante.
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