Alors, nécessairement, ce 10 novembre, à l’AccorHotels Arena, Nike, Red Bull, Louis Vuitton, Mastercard, Foot Locker ou Coca-Cola s’affichent sur les maillots des joueurs et banderoles pour attirer le regard des dizaines de millions de spectateurs. En cinq ans à peine, l’e-sport est devenu un business avec ses sponsors, ses clubs et ses salaires faramineux : un joueur professionnel de League of Legends gagne en moyenne 270 000 euros par an.
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Un nouveau microcosme
« Ça s’est surtout développé à partir de fin 2014. Amazon rachète alors Twitch, la plateforme de streaming diffusant les compétitions e-sportives pour près d’un milliard de dollars. L’audience croît, les sponsors et marques s’y intéressent et investissent. Et en moins de deux ans, tout un microcosme avec de nouveaux métiers se développe », témoigne Yann Mainguy, aujourd’hui directeur sportif du club GamersOrigin.
À l’époque, en 2014 et 2015, il gérait le Meltdown, bar parisien dédié aux jeux vidéo, qu’il a fondé en 2012. « On avait beaucoup d’habitués, des jeunes de 18-19 ans avec un très bon niveau. Du jour au lendemain, ils se sont mis à gagner des sommes très importantes. Ils habitaient encore chez leurs parents et ne savaient pas très bien comment gérer tout ça. Alors ils ont demandé conseil aux aînés, la génération née au début des années 1980 dont je fais partie, des passionnés avec la tête sur les épaules et connaissant parfaitement l’univers des jeux vidéo », ajoute Yann Mainguy.
Ainsi s’est-il retrouvé pendant quelques années agent d’athlètes e-sport.
Retraité à 25 ans
« Notre job est de les représenter. Nous gérons leur image, leur carrière, les démarches administratives et juridiques, comme le font les agents de sportifs traditionnels ou d’acteurs », explique Bertrand Amar, cofondateur de Bang Bang Management (groupe Webedia), la plus grande agence française de talents e-sport avec 28 stars sous contrat.
Pour lui, il y a beaucoup de similitudes entre une star de foot et un athlète e-sport : les revenus sont importants et les carrières sont courtes. À 25-30 ans, c’est déjà l’heure de la retraite. « Il est donc primordial d’être bien entouré et de faire les bons choix », ajoute-t-il. Au quotidien, les missions d’un agent sont très larges.
« Je scoute [repère, NDLR] les futurs joueurs qui pourraient nous intéresser et je les approche. Je participe aux négociations de contrats. Je sers d’intermédiaire entre les médias, les marques et les joueurs. Je propose aux joueurs des activités qui peuvent les aider à s’améliorer (coach mental, physique, kinésithérapeute.). Je suis aussi un lien pour certains parents de jeunes joueurs, pour les aider à comprendre le milieu », égraine Anthony Baudras, agent chez Bang Bang Management.
Il a fait des études de management et a managé une équipe e-sport, Sparta, avant de se retrouver agent. Les profils et parcours sont très différents. Néanmoins, tous les agents sont des fans de jeux vidéo, baignent dans le milieu et sont de fins négociateurs.
1. et 2. Selon le rapport « Global Esports Market » de Newzoo, entreprise spécialisée dans l’analyse du marché e-sport.
« Ce que mon agent m’a apporté »
Bruce Grannec avait 24 ans et un beau palmarès (champion du monde 2006 de PES et 2009 de FIFA) quand il rencontra Sacha et Bertrand, les cofondateurs de l’agence de talents e-sport Bang Bang Management.
« J’ai commencé ma carrière de joueur professionnel à 19 ans. J’arrivais à bien en vivre, même si les sommes n’avaient rien à avoir avec celles d’aujourd’hui. Je me concentrais sur mon jeu et les compétitions. J’avais un coach, un ami qui m’aidait à m’entraîner. Sacha et Bertrand voulaient m’aider à travailler mon image. À l’époque, même si j’étais champion du monde, je n’étais pas très connu. Les réseaux sociaux, ce n’était pas mon truc.
Démarcher les marques, trouver des sponsors, j’en étais incapable, ce n’est pas mon domaine. Ensemble, nous avons créé une chaîne YouTube. Nous avons discuté ensemble du projet, ils m’ont fourni moyens et outils pour le réaliser. Une équipe s’occupe ainsi du montage des vidéos, et de la réalisation d’animation (émojis, retouches photos).
Pour les marques et sponsors, ils me proposent des prestations, comme participer à un tournoi à la Fnac pour le lancement d’une nouvelle console. J’accepte ou je refuse. J’ai toujours le dernier mot. En 2015, quand j’ai décidé d’arrêter ma carrière, ils m’ont aidé et accompagné dans ma reconversion. Aujourd’hui, je suis streamer* et casteur**. »
*Streamer : individu qui retransmet et commente en direct ses parties de jeux vidéo.
**Casteur : personne qui commente les compétitions d’e-sport.