Depuis l’invasion de leur pays, en février 2022, 100 000 Ukrainiens ont été accueillis sur le sol français. Parmi eux, 20 000 enfants sont scolarisés – en école primaire, pour une large majorité. Depuis leur arrivée, de nombreux enseignants sont d’accord sur un point : à leurs yeux, les Ukrainiens sont meilleurs en maths.
Pourtant, en moyenne, les enfants immigrés ont des résultats scolaires, des orientations et des diplômes moins favorables que les enfants « natifs » : à titre d’exemple, à l’entrée en sixième, les résultats moyens aux évaluations nationales des élèves issus de l’immigration sont inférieurs à ceux des non-immigrés. Les immigrés ukrainiens font-ils exception à la règle ?
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Héritage scolaire
Si les enfants immigrés réussissent généralement moins bien à l’école, l’explication est à trouver du côté de leur origine sociale plutôt que dans leur qualité d’immigrés. Largement avancée depuis les années 1960, cette idée est réaffirmée par le sociologue Mathieu Ichou, en 20181. Avec un niveau de vie médian de 1 358 euros mensuels (contre 1 812 pour les non-immigrés), les immigrés constituent en France, dans leur ensemble, une population plutôt défavorisée.
Pour autant, Mathieu Ichou suggère de ne pas se contenter d’étudier les moyennes, mais de prendre en compte la grande diversité des situations individuelles. Par exemple, tous les parents immigrés n’ont pas le même niveau de diplôme, alors que celui-ci est déterminant dans la réussite des enfants.
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À l’heure actuelle, les données concernant celui des immigrés ukrainiens sont malheureusement indisponibles, mais on sait que les immigrés européens sont plus diplômés : 39 % d’entre eux sont diplômés du supérieur, contre 12,7 % pour l’ensemble de la population immigrée.
Or, la position sociale des parents est un élément central dans l’explication des inégalités scolaires, car elle se traduit directement en dispositions plus ou moins favorables à la réussite scolaire. Plus les parents bénéficient d’un bon diplôme dans leur pays d’origine, plus leur enfant aura tendance à bien réussir scolairement dans le pays d’accueil.
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Une question d’ambition
À milieu social équivalent, les enfants d’immigrés semblent aussi avoir davantage d’ambition que les enfants « natifs ». En étudiant les familles originaires du Maghreb, les sociologues Yaël Brinbaum et Catherine Delcroix ont montré (en 20162) que les familles immigrées, bien que moins pourvues en capitaux, vont davantage mobiliser différents types de ressources, qu’elles puisent dans la famille élargie, le voisinage ou les services collectifs tel que les bibliothèques municipales.
Aussi, les parents immigrés et notamment les mères considèrent le système scolaire français comme une grande chance et ils croient à ses vertus. Les familles transmettent à leurs enfants leur ambition d’ascension sociale. Nul doute que ces observations sont vraies aussi pour les familles ukrainiennes, surtout quand on sait que cette immigration récente est composée à 80 % de femmes et d’enfants.
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1. Dans l’ouvrage Les Enfants d’immigrés à l’école. Inégalités scolaires, du primaire à l’enseignement supérieur (PUF).
2. Dans l’article « Les mobilisations des immigrés pour la réussite scolaire de leurs enfants », Migrations Société n°28.