Pour les étudiants qui choisissent la voie des écoles de commerce, le coût des études est vertigineusement plus élevé que pour ceux qui choisissent de faire un BTS ou d’aller à l’université.
En cause ? Les frais de scolarité (le prix d’une année à l’école) dont l’étudiant doit s’acquitter pour pouvoir assister aux cours et profiter des services proposés par l’établissement. « Dans certaines écoles de commerce, les frais de scolarité sont même simplement un prix de base, car certains services sont en option », décrit Patricia Bournet, directrice du programme bachelor de la Toulouse Business School (TBS).
Selon les données du site spécialisé l’Étudiant, le prix moyen d’une année de scolarité en école de commerce en 2020 s’élevait à 11 197 euros.
En Chiffres
11 197 euros
Le coût moyen d’une année en école de commerce selon le magazine l’Étudiant en 2020.
À titre de comparaison, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) a calculé qu’en 2017, le niveau de vie moyen des individus s’établissait à 23 920 euros par an, en France métropolitaine.
Niveau de vie
Indicateur de l’Insee qui calcule le revenu disponible d’un individu en tenant compte de la taille du ménage auquel il appartient. Le revenu disponible est le revenu à la disposition des ménages pour la consommation et l’épargne une fois déduits les prélèvements sociaux et fiscaux.
À lire notre article : “Comment mesure-t-on le niveau de vie”
On imagine ainsi le poids que peuvent représenter ces frais de scolarité dans le budget mais aussi dans la tête des étudiants et de leur famille. Inès, elle, mesure sa chance. « Je n’ai pas à m’inquiéter du prix, souffle-t-elle. Ça m’enlève un stress de savoir que la famille peut se le permettre ».
Un diplôme à crédit
La famille de Rodrigo Munoz, elle, ne pouvait pas « se le permettre ». En 2014, après une licence d’économie à Paris, le jeune homme voulait intégrer une école de commerce pour son master mais ses parents « n’avaient clairement pas les moyens ».
Il décide alors, comme beaucoup de ses camarades, de contracter un prêt étudiant pour intégrer l’EM Lyon, une école de commerce prestigieuse dont les frais de scolarité annuels s’élèvent aujourd’hui à 17 500 euros pour les deux premières années du programme grande école, cursus auquel Rodrigo était inscrit. « J’ai emprunté 47 000 euros, en tout, en deux fois, de quoi payer les frais de scolarité mais aussi le loyer et de quoi vivre », détaille-t-il.

Malgré le crédit, l’étudiant a dû travailler pendant son cursus à l’EM Lyon. « J’ai fait pas mal de petits boulots l’été et ponctuellement pendant l’année. J’ai travaillé comme serveur, comme extra pour un traiteur… »
Diplômé depuis maintenant deux ans, Rodrigo rembourse actuellement près de 700 euros de crédit par mois : « J’aurais terminé de rembourser en 2023 ».
Un envol des prix ces dernières années
S’il devait emprunter aujourd’hui Rodrigo aurait certainement de plus grosses mensualités à verser à sa banque car « les prix des écoles de commerce sont en forte augmentation depuis quelques années », déclare Marianne Blanchard, professeur de sociologie spécialisée dans l’éducation à l’Université Toulouse 2.
Parmi les écoles reconnues (celles qu’on retrouve dans les classements du Figaro et de l’Étudiant, par exemple), Skema, située à Lille, est celle qui a le plus augmenté le prix de son programme grande école depuis 2016. Les frais de scolarité annuels sont passés d’un peu plus de 10 000 euros à 15 000 euros pour la rentrée 2020, soit 50 % d’augmentation !
Patrice Houdayer, directeur des programmes, de l’international et de la vie étudiante à Skema, reconnaît « une hausse importante » mais il rappelle que l’école est « une association loi 1901, à but non lucratif. Elle ne dégage donc aucun profit, l’argent est intégralement investi dans le développement de l’école ».
« C’est la course aux étoiles »
Céline Soulas,Enseignante-chercheuse à la Burgundy Business School
Investi dans quoi ? « Nous avons recruté des enseignants-chercheurs de haut niveau, nous avons développé nos campus à l’étranger et nous avons acheté pour des dizaines de millions d’euros d' équipements de pointe », répond M.Houdayer.
Interviewés par Pour l’Éco, des responsables de la Toulouse Business School et de la Rennes School of Business, font une réponse similaire. Les trois écoles insistent aussi sur le recrutement d’enseignants-chercheurs (des professeurs titulaires d’un doctorat) comme un pôle de dépense de plus en plus important.
Étrange obsession académique de la part de ces établissements qu’on aurait imaginés plus enclins à mettre en avant leurs liens avec le monde de l’entreprise qu’avec le monde de l’université et de la recherche.
« C’est la course aux étoiles », décrypte Céline Soulas, elle-même enseignante-chercheuse à la Burgundy Business School depuis 16 ans.
Selon elle, « les écoles s’arrachent des enseignants-chercheurs qui vont publier dans des revues spécialisées » car le pourcentage d’enseignants-chercheurs dans le corps professoral et le nombre de publications de ces enseignants-chercheurs sont pris en compte par les médias qui font les classements et par les organismes qui donnent les accréditations, précieux sésames pour entrer, et demeurer, dans le cercle des écoles d’élite.
Une course malsaine aux classements ?
« En cas de perte d’une accréditation, on peut carrément fermer la boutique », lâche Patricia Bournet. « Nous sommes obligés d’investir toujours plus, pour les conserver et tenir notre place dans les classements qui sont scrutés attentivement par les futurs étudiants ».
Bref, la course entre les écoles de commerce pour améliorer ou maintenir leur place dans les classements, est une cause majeure, sinon la seule, de la hausse des frais de scolarité. Cet emballement financier, certains, comme Céline Soulas, n’hésitent pas à le qualifier de « malsain ».
Mais, au fond, que mesurent ces classements et ces accréditations ? Pourquoi sont-ils aussi vitaux pour les écoles de commerce ? Et quel rôle jouent-ils dans leur business model ?
Business model
Modèle d’organisation économique (dépenses et recettes) d’une activité mise dans le contexte de son marché.
À suivre dans : Écoles de commerce, jackpot ou arnaque ?