Inès Morlon, lycéenne en terminale, a d’abord été attirée par les écoles de commerce parce qu’elle n’avait pas d’idées précises de ce qu’elle voulait « faire plus tard ». C’était aussi le cas pour Rodrigo, diplômé de l’EM Lyon en 2018, et pour Hadrien, diplômé de l'école nantaise Audencia en 2017, « je me suis laissé porter du lycée, vers la prépa puis j’ai intégré une école », raconte le jeune homme.
S’investir avant d’investir
La pluridisciplinarité des cursus offerts par les écoles de commerce et les nombreux débouchés qu’elles promettent est souvent l’atout majeur qui poussent les étudiants à s'intéresser à ces établissements en premier lieu. Mais, au moment de choisir, cela ne doit pas empêcher de bien réfléchir à leur projet au moment de choisir l’école de leur rêve.
Il existe, en effet, près de 380 écoles de commerce en France. Et si chacune possède évidemment ses caractéristiques propres, elles ont toutes en commun de coûter des milliers d’euros à leurs étudiants et à leur famille.
« Pour justifier les frais de scolarité, les écoles présentent cette dépense comme un investissement », explique Marianne Blanchard, professeur de sociologie spécialisée dans l’éducation à l’Université Toulouse 2. Et le retour sur investissement promis est clair : un emploi à la sortie, avec un salaire élevé.
Retour sur investissement
Indicateur financier qui permet de mesurer ce qu’un investissement va rapporter (= le rendement). On l’obtient en calculant le ratio des bénéfices espérés de l’investissement par rapport au coût de l’investissement. Il permet de comparer plusieurs investissements entre eux et de voir lequel sera le plus rentable.
Dans une école de commerce, on sait qu’on paye aussi beaucoup le diplôme, les contacts, la légitimité.
Rodrigo,Diplômé de l’EM Lyon en 2018
Pourtant, si la promesse est identique, toutes les écoles de commerce n’offrent pas les mêmes garanties. L’étudiant et sa famille doivent s’assurer que l’école qui les attire est un bon choix.
Sophie Rouzaud, conseillère d’orientation à Paris pour le réseau Tonavenir, recommande de « bien regarder que l’école dans laquelle vous voulez vous inscrire délivre bien le grade de master à ses étudiants niveau bac+5. Pour les post-bacs, les concours Sésame ou Accès sont des gages de qualité. On peut aussi consulter les classements, mais cela ne doit pas être le seul critère de choix ».
L’experte conseille également d'assister aux journées portes ouvertes et aux forums pour bien connaître les cursus proposés par les établissements.
Il faut aussi veiller à ce que toutes les informations que l’on a sur l’école de nos rêves ne viennent pas justement des supports de communication bien rodés de cette dernière.
Pour diversifier ses sources d’information sur ces écoles, on peut aussi consulter la presse spécialisée, rechercher ce qui se dit de l’établissement sur les réseaux sociaux ou même prendre contact avec des anciens élèves.
Je ne regrette absolument pas mon passage en école de commerce. J’y ai quand même acquis un certain nombre d’outils extrêmement utiles : la comptabilité ou savoir rapidement penser un business model et de capacités, parler en public, créer du contact.
Hadrien,Diplômé d'Audencia à Nantes en 2017
Trajectoires croisées
Rodrigo et Hadrien dressent, par exemple, un portrait nuancé de la scolarité en école de commerce. « Dans une école de commerce, on sait qu’on paye aussi beaucoup le diplôme, les contacts, la légitimité », analyse Rodrigo. « On n’apprend pas grand-chose de concret, beaucoup d’anciens le disent », ajoute Hadrien.
Frustré par ce manque de « savoirs concrets » et animé par la soif de « trouver du sens », Hadrien s’est pour sa part lancé dans un CAP ébénisterie. « Quelques jours après mon jury de diplomation », raconte-t-il. « Avec l’artisanat, j’ai trouvé ce qui me passionnait vraiment ».
Pour autant, Hadrien ne « regrette absolument pas » son passage en école de commerce. « J’y ai quand même acquis un certain nombre d’outils extrêmement utiles : la comptabilité ou savoir rapidement penser un business model et de capacités, parler en public, créer du contact. Dans le monde professionnel, on sent vraiment la différence entre ceux qui ont ces capacités et ceux qui ne les ont pas ».
Après avoir passé un an dans un atelier comme ébéniste professionnel, Hadrien a saisi une opportunité et est revenu dans le monde du business en intégrant une start-up qui met en relation des architectes et des artisans.
« A ce poste sur-mesure, j’utilise ce que j’ai appris durant mon parcours pour mettre en valeur l’artisanat », décrit Hadrien qui a la ferme intention de continuer sa carrière dans cette filière qui le passionne tant.
Rodrigo a suivi une trajectoire plus traditionnelle après ses études. « Je travaille actuellement dans un cabinet de conseil, l’un des débouchés les plus communs pour les jeunes diplômés ».
Pour lui, qui a fait l’une des écoles les plus réputées, la filière école de commerce a tenu ses principales promesses : « trouver un emploi facilement et avec un bon salaire ».
Plus tard dans sa carrière, lui aussi, se verrait bien utiliser son profil école de commerce pour travailler dans un secteur qui l’enthousiasme vraiment : la musique.
Mon cursus en école de commerce a tenu sa promesse : trouver un emploi facilement, et avec un bon salaire.
RodrigoDiplômé de l’EM Lyon en 2018
L’excellence est dans l’expérience
Au sein même des écoles de commerce, on reconnaît sans détour que les matières peuvent manquer de glamour. « On sait qu’étudier la comptabilité et la finance, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sexy, s’amuse Pierre Barreaud, directeur général du campus de l’ISC à Orléans. Mais cela reste des outils indispensables pour monter des projets, créer, innover ».
Il ajoute sa recette pour s’épanouir dans ces études, puis dans le monde du travail : « rêver, oser, travailler et ne jamais abandonner ».
Hadrien et Rodrigo le rejoignent sur ce point. « Ce qui permet vraiment d’avancer et de construire son projet, c’est les expériences, martèle Hadrien, il faut se lancer ! Il faut oser faire des stages dans les secteurs qui vous attirent, c’est comme ça qu’on acquiert de l’expérience et qu’on voit vraiment ce qu’on veut faire ».
Au final, une bonne école de commerce, c’est celle qui donnera les garanties à ses futurs élèves sur son enseignement, mais c’est aussi surtout celle qui leur donnera les outils nécessaires et les opportunités (stages, entreprises étudiantes, associations, semestres à l’étranger ) pour tracer au mieux la voie qui leur conviendra.
Inès, qui a déjà une école en tête, commence d’ailleurs timidement à se projeter au-delà de la prépa, des concours et des frais de scolarité : « je suis une grande passionnée de jeux vidéo et je me dis que je pourrais peut-être faire des stages ou, pourquoi pas, une carrière dans ce secteur ? »
C'est la fin de notre série : Écoles de commerce, jackpot ou arnaque ?