« Je m’étais imposé d’avoir une des écoles du top 5, sinon ça n’aurait pas été la peine », raconte Rodrigo Munoz, diplômé de l’EM Lyon en 2018.
Pour lui qui a dû contracter un lourd crédit pour intégrer une école de commerce, le classement de ces écoles a été un critère de choix plus que déterminant.
« Vu l’investissement que cela représente, je voulais être sûr que j’aurais un bon emploi à la sortie », poursuit-il.
Poupées russes de classements
Inès Morlon, actuellement élève en terminale, se réfère elle aussi beaucoup aux classements des écoles de commerce dans ses recherches. Même si son choix n’est pas encore définitivement arrêté, elle est très attirée par une école de commerce dont le campus se situe près de chez elle justement parce qu’« elle est bien classée », explique-t-elle.
Alexandra, sa mère, qui s’investit beaucoup pour aider Inès dans son choix d’orientation, leur porte une confiance aveugle, « si l’école est classée, on sait qu’elle est reconnue, on a des garanties ».
Mais quels sont donc ces classements qui jouent un rôle si déterminant sur les choix d’orientation des étudiants ? La réponse est simple et extrêmement bien référencée sur Google.
Si l’école est classée, on sait qu’elle est reconnue, on a des garanties comme parent
Alexandra,Mère d'Inès, lycéenne qui souhaite faire une école de commerce
En tapant les bons mots-clefs, on tombe sur des articles publiés par des médias comme Le Figaro, Challenges ou encore l’Etudiant. Dans ces articles, on trouve des listes, quasiment identiques les unes aux autres, qui classent les écoles de commerce reconnues en fonction de critères variés allant du nombre de professeurs au taux d’insertion professionnelle en passant par… la place dans les classements internationaux.
Des poupées russes de classements qui deviennent un véritable casse-tête pour les écoles. « Pour être dans les classements, il faut déjà être reconnu », explique Patricia Bournet, directrice des programmes bachelor à la Toulouse Business School.

Un besoin de reconnaissance
Une école reconnue, c’est une école qui a reçu de l’Etat le droit de délivrer un master. Les accréditations, quant à elles, sont le sceau de reconnaissance de plusieurs organisations internationales.
« Pour obtenir les reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur et les différentes accréditations, c’est déjà un lourd travail qui nous prend beaucoup de temps car ce sont des process exigeants. Il faut fournir les preuves que l’on remplit toujours les critères et qu’on continue à investir », résume Patricia Bournet.
Une fois que les écoles se sont assurées le droit de figurer dans le classement, elles doivent encore se battre pour y maintenir, voire y améliorer, leur place.
« Il y a une course au meilleur campus, une course aux meilleurs enseignants-chercheurs, au développement international », raconte Patricia Bournet.
« C’est un enjeu de crédibilité, d’attractivité », conclut la responsable de la Toulouse Business School.
Et l’attractivité joue un rôle pivot dans le business model des écoles de commerce qui, même si elles sont pour beaucoup des associations à but non-lucratif, doivent quand même réussir à dégager assez de revenus pour pouvoir fonctionner et investir.
Association à but non-lucratif
Regroupement d'individus qui décident de mettre en commun des moyens, afin d'exercer une activité ayant un but premier autre que leur enrichissement personnel. En France, elles sont appelées « association loi 1901 » et peuvent exercer des activités commerciales à condition de ne pas distribuer les excédents aux dirigeants. Elles peuvent toutefois rémunérer les collaborateurs qui exercent une activité salariée.
A la Skema, par exemple, les frais de scolarité représentent « plus de 80% du budget de l’école », explique Patrice Houdayer, directeur des programmes, de l’international et de la vie étudiante. A la Toulouse Business school, ce chiffre monte à 90%.
L'attractivité ou la mort
Ainsi, pour fonctionner, les écoles doivent impérativement récolter des frais de scolarité et pour récolter des frais de scolarité, une seule solution : il faut attirer des étudiants.
En bref, si les écoles se donnent un mal fou pour monter dans les classements, c’est pour s’assurer assez d'étudiants pour pouvoir continuer à fonctionner.
L’ISC, institut supérieur du commerce de Paris, fait partie des écoles qui « souffrent d’être un peu plus basses dans les classements », comme l’explique Jean-Christophe Hauguel, directeur de l’établissement mais aussi président du système Sigem.
Le système Sigem se charge de centraliser les affectations dans les programmes grandes écoles des business school après les concours, de ce fait, il sert aussi à mesurer l’attractivité des écoles de commerce.
En regardant les chiffres publiés par le système en 2020, on constate sans surprise que les écoles les plus attractives sont celles qu’on trouve en haut des classements.
Celles qui sont plutôt vers le bas, comme l’ISC (23ème au classement du Figaro Étudiant, par exemple), ont moins d’élèves affectés que de places dans leurs programmes.
Si les écoles de commerces sont aujourd’hui des acteurs aussi importants dans l’enseignement supérieur, c’est parce qu’elles ont réussi à s’appliquer à elles-mêmes ce qu'elles enseignent à leurs étudiants : savoir se vendre
Marianne Blanchard,Professeur de sociologie à l’Université Toulouse 2
Entrer ou ne pas entrer en école de commerce
« Chaque année, environ 3% des places proposées ne sont pas affectées », explique Jean-Christophe Hauguel. Beaucoup d’élèves, comme Rodrigo, préfèrent ne pas entrer en école de commerce plutôt que d’investir pour en intégrer une qu’ils jugent trop mal classée.
Pour remplir les promotions, ces écoles diversifient leurs recrutements. « Nous avons aussi des étudiants étrangers et beaucoup d’admissions sur titre, les étudiants qui ne viennent pas de prépa », explique le directeur de l’ISC.
Pour survivre, l’établissement a aussi diversifié ces programmes en proposant des « cursus bachelor, MBA ou DBA ». « Si on ne comptait que sur le programme grande école, on ne serait pas là aujourd’hui », admet Jean-Christophe Hauguel.
Enfin l’ISC, « comme toutes les écoles de commerces, à l'exception peut-être des toutes mieux classées, investi beaucoup dans le marketing afin de se faire connaître », poursuit le directeur.
« Si les écoles de commerces sont aujourd’hui des acteurs aussi importants dans l’enseignement supérieur, c’est parce qu’elles ont réussi à s’appliquer à elles-mêmes ce qu'elles enseignent à leurs étudiants : savoir se vendre », explique Marianne Blanchard, professeur de sociologie à l’Université Toulouse 2, qui a consacré sa thèse à ces établissements.
Alors, quel est leur secret ? Quelles sont les stratégies des écoles de commerce pour se faire connaître ? Ces stratégies sont-elles toujours parfaitement honnêtes ?
À suivre dans : Écoles de commerce, jackpot ou arnaque ?