Economie

Michaël Orand, Dares : « On observe un pic de ruptures conventionnelles à 61 et 62 ans » 

C'est un des enjeux de la réforme des retraites : maintenir les travailleurs en emploi jusqu'à 64 ans. Encore faut-il assez de travail pour les seniors. Michaël Orand, économiste statisticien à la Dares, fait le point sur la situation.

,
Illustration de l'article Michaël Orand, Dares : « On observe un pic de ruptures conventionnelles à 61 et 62 ans » 

© DR

NLLF-PhotoCitatonTemplate_orand.png

Pourquoi lui ? Michaël Orand, économiste statisticien, chef de la mission d’analyse économique à la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

Pour quelles raisons peut-on se retrouver sans travail à 50, 60 ou 64 ans ?

Le taux de chômage des seniors est plus faible que la moyenne de la population : 6 % contre 7 % dans la population totale. Mais il faut tenir compte des personnes qui sont inactives mais pas encore à la retraite, les « ni en emploi, ni en retraite ». 

À 60 ans, 25 % des séniors sont dans ce cas-là, soit environ 200 000 personnes. Cela inclut des gens « inactifs – toute leur vie, comme les femmes au foyer, mais aussi des gens souffrant de maladies longues, etc. Finalement, on estime à que l'effet lié à l'âge sertait de 15 points environ, soit la hausse entre 50 ans et 60 ans de la part de « ni emploi, ni en retraite ».

On peut l’analyser dans le cadre des parcours de transition vers la retraite pour celles et ceux qui ont quitté un peu précocement le marché du travail. Ça cache plusieurs situations. Certains sont au chômage, mais comme ils sont à un âge avancé et projettent une retraite dans quelques mois, ils ne recherchent pas activement un emploi. Ils sortent donc des chômeurs au sens des statistiques de la Dares.

D’autres personnes bénéficient d’une retraite progressive, d’une préretraite d’entreprise ou ne travaillent plus, mais touchent encore un salaire. En revanche, on ne constate pas un comportement consistant à arrêter volontairement de travailler quelques années avant la retraite. Ça, c’est marginal.

Comment expliquez-vous l’augmentation du taux de chômage chez les seniors entre 2020 et 2021 ?

Globalement, on constate une hausse du taux d’emploi depuis une dizaine d’années, notamment depuis les réformes des retraites de 2003 et 2010, qui ont décalé l’âge de départ. Mécaniquement, ça augmente le taux d’emploi d'environ 1 % par an : parmi tous ces gens qui seraient partis à la retraite si ces réformes n’avaient pas eu lieu, il y en a donc bien une partie qui continue de travailler.

Une autre petite partie, elle, reste au chômage ou inactive un peu plus longtemps : entre 2014 et 2021, pour les 60-65 ans, ils seraient 5 % des seniors dans ce cas. Cette dernière tendance peut alimenter une hausse du taux de chômage. En effet, le nombre de gens en emploi ne compense pas exactement le nombre de gens qui ne sont pas à la retraite alors qu’ils l’auraient été avant les réformes, notamment à 61 et 62 ans. Ça contribue à réduire l’écart de taux de chômage entre les seniors et le reste de la population sur la période post-réformes, entre 2014 et 2021.

Mais le taux de chômage des seniors reste plus faible que pour l’ensemble de la population.

Les sénateurs de droite ont proposé un CDD senior et un index senior lors du projet de réforme des retraites. Cela signifie bien que c’est un enjeu, même pour la droite. Comment l’expliquez-vous, si la situation n’est pas si grave ?

La situation n’est pas particulièrement préoccupante. Toutefois, à 61 et 62 ans actuellement, on observe un pic de ruptures conventionnelles : + 2 points par rapport à la tranche d'âge précédente. C’est ce que l’on appelle à la Dares « l’effet horizon ». On ne sait pas comment le qualifier, on sait un peu le quantifier.

rupturesconventionnelles.PNG

Source : Unedic FNA

Notre intuition, c’est que le système de protection sociale permet à des employeurs ou des salariés qui y trouvent un intérêt de se séparer à 60 ans, parce qu’ils savent qu’ils auront droit au chômage pendant deux ans, jusqu’à pouvoir accéder à leur retraite. 

Au vu des statistiques, ce n’est pas le principal problème. Mais oui, inciter les employeurs à garder les salariés, ça peut être une façon de lutter contre ce phénomène. On voit d’ailleurs que ce pic autour de 60 ans s’est décalé depuis 2009, au fil des réformes. À l’époque, il était plutôt à 58 ans, deux ans avant 60 ans et maintenant, il est plutôt à 60 ans ou deux ans avant, 62 ans. 

Le principal effet des réformes des retraites : les gens restent en emploi plus longtemps et les transitions vers la retraite se passent, dans la grande majorité des cas, assez bien. Il n’y a pas tant de monde qui passe par la case chômage ou inactivité avant la retraite.

  1. Accueil
  2. Politique économique
  3. Emploi
  4. Michaël Orand, Dares : « On observe un pic de ruptures conventionnelles à 61 et 62 ans »