Louis Douls chausse les randonneurs en vert. Il est ingénieur produit et responsable du développement durable chez Forclaz, la marque de trekking de Decathlon.
« Mon objectif est assez simple et rapide à résumer : fournir aux consommateurs des chaussures de marche qui, de leur fabrication à leur fin de vie, nuisent le moins possible à l’environnement. En revanche, atteindre cet objectif est long et compliqué », pose-t-il.
Éco-mots
Développement durable
Concrètement, le développement durable est une façon d’organiser la société de manière à lui permettre d’exister sur le long terme. Cela implique de prendre en compte à la fois les impératifs présents, mais aussi ceux du futur.
C’est tout un modèle de production et économique à réinventer. Et toute une cohorte d’acteurs, des fournisseurs aux consommateurs, en passant par les transporteurs, producteurs et distributeurs, doivent avancer ensemble dans la même direction, celle du développement durable.
C’est tout un modèle de production et économique à réinventer. Et toute une cohorte d’acteurs, des fournisseurs aux consommateurs, en passant par les transporteurs, producteurs et distributeurs, doivent avancer ensemble dans la même direction, celle du développement durable.
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Fabriquer les composants des chaussures (la semelle en caoutchouc et la tige, c’est-à-dire la partie supérieure de la chaussure, en textile) consomme beaucoup d’énergie, notamment électrique. Plus que la phase d’assemblage.Or, en Chine, où une grande part de l’électricité est produite à partir du charbon, la production d’un kilowatt-heure c’est 700 grammes de CO2 rejetés dans l’atmosphère. En France, avec le nucléaire, nous sommes sur un ratio plus de 10 fois inférieur, soit 60 grammes de CO2 par kilowatt-heure. Donc mon rôle, en plus de m’occuper des procédés de fabrication, est d’inciter les acheteurs de mon entreprise à se fournir auprès d’usines installées dans des pays où la production électrique est la moins polluante.
Louis DoulsÉco-produit cherche modèle économique
Autre facteur de pollution : la teinture du textile des chaussures. « Pour colorer les fils de polyester, traditionnellement, on les plonge dans un bain de teinture. Cette phase est très consommatrice en eau. L’idée ici est de recourir à la technique de “teinture dans la masse”.
Autrement dit, au moment où on fabrique le polyester, quand on mélange l’acide téréphtalique et l’éthylène glycol, on ajoute les pigments. Le tout est mis dans une sorte de gros mixeur, cela va produire un gel coloré qui est ensuite étiré pour obtenir des fils de polyester », poursuit l’ingénieur.
Enfin, un bon moyen d’éviter l’épuisement des ressources de notre planète est de concevoir des produits qui durent, quitte à effectuer de temps en temps une petite réparation. « Mais faire réparer ses chaussures chez un cordonnier coûte encore aussi cher, voire plus cher que d’acheter des chaussures neuves premier prix », explique Louis. Le chemin sera long vers un modèle économique basé sur le développement durable.
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L’éco-conception est née dans les années 1990. Jusque-là, les actions environnementales des entreprises étaient surtout curatives. Il s’agissait de traiter les effluents en sortie d’usine. À partir du milieu des années 1990, quelques entreprises entreprirent d’agir en amont, dès la conception.
D’autres les rejoignirent dans cette démarche la décennie suivante, quand furent adoptés en Europe et en France les débuts d’une réglementation obligeant les entreprises à mesurer et à réduire l’impact environnemental de leurs produits tout au long de leur cycle de vie.
Justifier la hausse de prix
« Jusqu’à récemment, l’éco-conception était essentiellement abordée sous l’angle de la technique et du coût », explique Aude Serrano, directrice pédagogique de l’ESG Green, une école de commerce inaugurée en avril dernier.
Il y a un produit à fabriquer, une poupée, par exemple. Elle doit garder le même aspect, à peu près le même prix de vente, mais être moins polluante. Il revient aux ingénieurs et designers de s’appuyer sur leurs connaissances des matières, matériaux et processus de fabrication pour trouver des solutions.
Depuis environ cinq ans, les entreprises repensent leur modèle économique pour faire de l’environnement un facteur de compétitivité. Elles cherchent de plus en plus de profils “école de commerce” ayant une sensibilité en développement durable et une connaissance des réglementations et obligations des entreprises.
Aude SerranoL’éco-conception infuse ainsi les métiers du marketing, notamment celui de chef de produit, qui s’occupe d’une gamme de produits, de leur élaboration à leur distribution. Son rôle : créer de la valeur économique autour de ce nouveau produit moins polluant et donc en général plus coûteux à fabriquer, et cela tout au long de la chaîne.
« Une augmentation du prix de vente peut être nécessaire, mais avant, il faut bien sonder les consommateurs pour voir quels arguments utiliser afin de les inciter à dépenser plus. La mise en place d’un service de réparation est une autre source de rentrée. Au service marketing de le penser pour qu’ils répondent aux besoins et usages des clients », développe Aude Serrano.
Quelles formations ?
Les filières techniques et les écoles d’ingénieurs se sont emparées les premières du sujet de l’écoconception. Les universités de Rennes 1 et de Lille proposent des licences professionnelles qui forment des techniciens spécialisés en écoconception.
Et les écoles d’ingénieurs comme ParisTech, l’Ensam, les CESI et INSA offrent à leurs étudiants de dernière année une spécialisation sur ce thème. Le groupe ESG d’écoles de commerce a inauguré en avril dernier l’ESG Green.
À la rentrée prochaine, les bacheliers intéressés autant par les métiers du marketing que par le développement durable pourront se former en trois ans, avec le Bachelor Green Marketing et décider ensuite s’ils veulent poursuivre sur un mastère.
Le pari fou de l’emballage vert
Ces biscuits font fureur sur Instagram. Ils ressemblent aux petits-beurre, mais – c’est leur originalité – ils sont porteurs d’un message. « Tant pis pour le bikini », « In biscuits we trust » ou encore « C’est un coup de food » peut-on lire sur leur mine dorée.
La PME qui les fabrique, Shanty Biscuits, a été créée en 2013 par Shanty Baehrel. Elle compte aujourd’hui 15 salariés et fabrique plusieurs milliers de biscuits par jour, qu’elle livre chez les particuliers et dans les entreprises.
Réduire l’empreinte carbone fait partie des missions que s’est assignée la PME. Plus facile à dire qu’à faire. « Il fallait trouver une alternative au film plastique qui puisse maintenir la durée de conservation et la qualité de nos produits. Le nouvel emballage doit aussi être transparent : les clients veulent voir le biscuit et son message », explique la dirigeante.
En 2018, quand elle se renseigne, elle est obligée de remettre le projet à plus tard. « Le surcoût d’un film végétal était alors impossible à absorber. Aujourd’hui, l’augmentation de nos volumes nous permet de faire cette transition », explique-t-elle.
Il a fallu aussi trouver des partenaires, ici des forêts gérées de façon responsable, car le film est fabriqué à partir de fibres de bois. Et tester pendant plusieurs mois le film végétal afin de vérifier qu’il est bien biodégradable et compostable.