Pour remplacer la remise à la pompe pour tous, qui prendra fin le 31 décembre 2022, Élisabeth Borne a annoncé mercredi qu’une indemnité carburant de 100 euros sera versée aux 10 millions de travailleurs les plus modestes à partir de début janvier 2023.
En apparence, la mesure a du sens. L’exécutif applique de fait l’une des préconisations de longue date des économistes de l’environnement (Christian Gollier, 2019).
À lire > Christian Gollier : « Baisser les taxes sur le prix du carburant serait un cadeau pour les riches »
Ceux-ci constatent que le coût relatif de la transition écologique est beaucoup plus élevé pour les ménages modestes que pour les plus aisés, c’est-à-dire que les premiers doivent y consacrer une part plus importante de leur budget que les seconds.
Par exemple, une hausse du prix des carburants ou l’achat d’un véhicule électrique pour remplacer un véhicule thermique sont des dépenses qui pèsent proportionnellement davantage dans le budget d’une famille vivant avec deux Smic que dans celui d’une famille disposant de revenus supérieurs.
Pour remplacer la remise à la pompe pour tous, qui prendra fin le 31 décembre 2022, Élisabeth Borne a annoncé mercredi qu’une indemnité carburant de 100 euros sera versée aux 10 millions de travailleurs les plus modestes à partir de début janvier 2023.
En apparence, la mesure a du sens. L’exécutif applique de fait l’une des préconisations de longue date des économistes de l’environnement (Christian Gollier, 2019).
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Ceux-ci constatent que le coût relatif de la transition écologique est beaucoup plus élevé pour les ménages modestes que pour les plus aisés, c’est-à-dire que les premiers doivent y consacrer une part plus importante de leur budget que les seconds.
Par exemple, une hausse du prix des carburants ou l’achat d’un véhicule électrique pour remplacer un véhicule thermique sont des dépenses qui pèsent proportionnellement davantage dans le budget d’une famille vivant avec deux Smic que dans celui d’une famille disposant de revenus supérieurs.
Aider sans brouiller le « signal-prix »
Pour aider les plus modestes, une solution simpliste consisterait à baisser les taxes sur les matières premières énergétiques.
Mais cette mesure aurait pour conséquence de brouiller ce que les économistes nomment le « signal-prix ». Un prix élevé des énergies fossiles constitue en effet une forte incitation pour les ménages comme pour les entreprises à en réduire leur consommation et/ou à en optimiser leur usage par l’innovation.
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La solution la plus efficace semble donc de combiner des taxes élevées incitant à la transition énergétique à des subventions ciblées à destination des ménages pour qui la facture deviendrait insoutenable.
Une telle préconisation figure d’ailleurs explicitement dans le chapitre I du rapport sur les grands défis économiques récemment remis à Emmanuel Macron par Jean Tirole et Olivier Blanchard.
À première vue, « l’indemnité inflation » semble donc constituer un dispositif pertinent pour amortir au moins partiellement le choc financier subi par les plus modestes sous l’effet de la hausse des prix des carburants.
Demande stimulée, offre contrainte
La théorie économique nous met en garde contre les effets potentiellement inflationnistes de cette mesure. L’octroi de cette prime devrait en effet créer un (léger) surcroît de demande, d’autant plus que ses bénéficiaires sont des agents économiques dont la propension marginale à consommer (John Maynard Keynes, 1936) est élevée.
Propension marginale à consommer (PmC)
Désigne la part du revenu supplémentaire dévolue à la consommation. John Maynard Keynes a montré qu’elle est fonction décroissante du revenu. Autrement dit, quand un ménage pauvre perçoit un surcroît de 100 euros de revenus, il a tendance à le consommer en grande partie, voire en totalité, sa PmC s’approchant de 1.
De plus, cette stimulation de la demande intervient alors que l’offre de biens manufacturés et de matières premières est particulièrement contrainte.
De la pénurie de semi-conducteurs affectant notamment l’industrie automobile à l’épuisement structurel des ressources en énergies fossiles en passant par les mauvaises récoltes agricoles du moment, plusieurs facteurs mettent actuellement sous tension des marchés importants.
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Or, à offre quasi-constante car contrainte, l’analyse économique nous indique qu’une stimulation de la demande a de fortes chances d’aboutir à une hausse des prix. La prime du gouvernement Castex pourrait ainsi alimenter l’inflation qu’elle est censée compenser…
L’inflation, phénomène en expansion ?
Ce risque est d’autant plus à prendre au sérieux qu’après une décennie d’atonie l’inflation s’impose à nouveau dans le paysage macroéconomique. En France, l’indice des prix à la consommation harmonisé publié par l’Insee est en augmentation de 2,7 % sur un an, tandis que la hausse des prix a été mesurée à 3,3 % en zone euro en septembre, bien au-delà de la cible de 2 % visée par la Banque centrale européenne.
Par ailleurs, « l’indemnité inflation » sera versée alors que la demande est d’ores et déjà stimulée par les plans de relance nationaux et européens.
Et l’inflation pourrait connaître une nouvelle poussée en France si les ménages aisés se décidaient à liquider le stock d’épargne qu’ils ont accumulé ces deux dernières années – quelque 75 milliards d’euros ont été épargnés entre mi-mars 2020 et mi-juin 2020, dont 55 milliards durant le premier confinement.
Bien que les prévisionnistes se montrent pour l’instant rassurants, plusieurs éléments constitutifs d’une potentielle spirale inflationniste sont donc réunis.
Spirale inflationniste
Cercle vicieux où l’inflation s’amplifie sous l’effet d’un enchaînement entre l’augmentation des prix et celle des salaires (d’où son autre nom de spirale « prix-salaires »). En effet, si les salariés demandent une revalorisation de leurs salaires, les profits des entreprises vont diminuer, ce qui va les inciter à augmenter le prix de leurs produits (on répercute les hausses de salaire).
Tout se passe comme si, à trop se préoccuper de relancer la demande, les responsables politiques n’avaient pas considéré les capacités de la production à suivre le rythme. L’économiste John H. Cochrane y voit une « vengeance de l’offre » dont la montée de l’inflation constituerait le retour de bâton.
Pour aller plus loin
Les références précises des travaux académiques ou assimilés, cités dans l’article par ordre d’apparition :
Christian Gollier, Le climat après la fin du mois (2019).
Olivier Blanchard, Jean Tirole (dir.), Les grands défis économiques (2021).
John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936).
John H. Cochrane, « The Revenge of Supply », Project Syndicate (22/10/2021).
Les questions au programme de SES au lycée dont des notions ou des mécanismes sont abordés dans cet article
Première : « Qu’est-ce que la monnaie et comment est-elle créée ? »
Terminale : « Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ? » et « Quelle action publique pour l’environnement ? »