Face à l’inflation qui s’établit au mois d'août à 9,1% % sur un an en zone euro, la Banque centrale européenne a décidé de frapper fort. Elle a annoncé une hausse historique ses taux d’intérêt directeurs, de 0,75 pts. Mais est-ce la bonne décision ?
Taux d’intérêt directeur
C’est le taux d’intérêt qu’une banque centrale, telle que la BCE ou la FED, appliquera aux banques commerciales (Crédit Agricole, BNP Paribas, etc) pour les prêts. Si le taux d’intérêt directeur augmente, il devient plus cher d’emprunter auprès de la Banque Centrale, et inversement si les taux baissent.
Certains argumenteront que face à la hausse des prix, la BCE ne pouvait pas rester les bras croisés : après tout, l’objectif premier de son mandat ordonne la stabilité des prix, avec un taux d’inflation ciblé autour de 2 %.
Un choc d’offre…
Pour comprendre l’inflation actuelle, il faut revenir au contexte post-pandémie. Pendant les confinements successifs, les ménages ont constitué un surplus d’épargne, de l’ordre de 157 milliards d’euros (un record), car beaucoup de magasins étaient fermés. Lorsque la reprise post-confinement a été amorcée, la consommation est repartie de façon spectaculaire, entraînant un excès de la demande par rapport à l’offre qui n’était pas prête à un tel regain de l’activité.
Certains argumenteront que face à la hausse des prix, la BCE ne pouvait pas rester les bras croisés : après tout, l’objectif premier de son mandat ordonne la stabilité des prix, avec un taux d’inflation ciblé autour de 2 %.
Un choc d’offre…
Pour comprendre l’inflation actuelle, il faut revenir au contexte post-pandémie. Pendant les confinements successifs, les ménages ont constitué un surplus d’épargne, de l’ordre de 157 milliards d’euros (un record), car beaucoup de magasins étaient fermés. Lorsque la reprise post-confinement a été amorcée, la consommation est repartie de façon spectaculaire, entraînant un excès de la demande par rapport à l’offre qui n’était pas prête à un tel regain de l’activité.
Cet excès de demande a provoqué des tensions d’approvisionnement dans les chaînes de valeur, ce qui a mécaniquement fait monter les prix. Les entreprises ont subi, dans le même temps, la politique “zéro Covid” de la Chine, qui les a privés de nombreux composants et matériaux essentiels à leur activité. A tout cela s’est ajoutée l’invasion russe en Ukraine qui a entraîné une forte hausse des prix de l’énergie (gaz, pétrole), affectant beaucoup les coûts de production des entreprises. On appelle ce phénomène un choc d’offre négatif.
Choc d’offre
Variation imprévue des conditions de production qui affecte les producteurs. Par exemple, un tsunami est destructeur d’usines et donc de capital. À l’inverse, l’arrivée de travailleurs immigrés accroît le nombre de travailleurs donc accroît les capacités de production. Une baisse des impôts payés par les entreprises accroît la rentabilité et donc incite à produire plus (et/ou à baisser les prix de vente). À l’inverse, une hausse du prix de l’énergie a évidemment l’effet inverse : les coûts de production augmentent et n’incitent pas les entreprises à produire plus.
En France, la hausse des prix de l’énergie est chiffrée à 39,2 % en mai 2022 selon l’INSEE, entraînant l’augmentation des prix de tous les autres secteurs, comme l’alimentation (+7,5 % en un an), très dépendante du coût de l’énergie.
La diffusion de l’inflation est telle que, hors énergie, les chiffres de l’inflation anticipés par la Banque de France pour 2023 et 2024, sont respectivement estimés à 3 % et 2,2 %. La BCE, en augmentant ses taux, veut voir la hausse générale des prix diminuer, au détriment de la croissance.
… menant à un choc de demande
Mais si la banque centrale possède des outils efficaces pour lutter contre un excès de demande, sa capacité à répondre à un choc d’offre est beaucoup plus limitée : elle ne peut pas faire sortir du gaz ou du pétrole du sol européen ! « Augmenter les taux ne va pas réduire les prix de l’énergie, et tout le monde le sait », confirme Stanislas Jourdan, directeur de l’association Positive Money Europe, dans les colonnes du Monde.
En relevant les taux d’intérêt directeurs, le risque est de casser l’investissement des entreprises et la consommation des ménages, conduisant à un choc de demande négatif. La Banque de France a d'ailleurs abaissé sa prévision de croissance à 2,3 % pour le pays, contre 3 % prévu en mars dernier.
Choc de Demande
Un choc de demande est une variation imprévue de la demande globale adressée aux producteurs. Cette variation peut être positive et pousser les producteurs à produire plus et/ou à augmenter les prix ; elle peut être négative et, à l'inverse, entraîner une baisse de la production. Ces chocs de demande peuvent être très divers : hausse des dépenses publiques, baisse des impôts payés par les ménages ou par les entreprises (elles peuvent acheter, donc demander plus de machines, investir). Une hausse des taux d’intérêt va inciter les entreprises et les ménages à freiner leur investissement et leur consommation.
Colombes contre faucons
Dans ce contexte, deux camps s’affrontent parmi les dirigeants de la BCE : les “colombes” et les “faucons”. Les premiers soutiennent le statu quo : Ils rechignent à augmenter les taux directeurs car, selon eux, l’inflation est provoquée par un choc externe et la BCE ne dispose pas des outils nécessaires pour casser la hausse des prix sans mener à la récession. Les faucons, eux, défendent une politique monétaire restrictive, et veulent maîtriser l’inflation au plus vite, en prenant le risque de la récession.
« La zone euro ne fait pas face à une surchauffe économique », affirme pourtant Christine Lagarde, consciente que la hausse des taux ne répond pas pleinement au problème de l’inflation actuelle.
D’autant que l’inflation en zone euro ne frappe pas tous les pays de la zone euro avec la même intensité. Des pays comme la Lituanie, les Pays Bas ou encore la Grèce connaissent une inflation à deux chiffres, elle atteint même 20 % en Estonie. La France est relativement peu touchée puisque son inflation est évaluée à 5,2 % en mai 2022 selon l’INSEE.
Autre effet négatif d’envergure : la hausse des taux directeurs accroît les divergences de taux d’emprunts des différents États Européens. Le taux d’emprunt à 10 ans italien a triplé en l’espace de six mois, passant de 1,2 % à 3,6 % aujourd’hui. Le taux à 10 ans français s’établit aujourd’hui à environ 2 %, soit son niveau le plus élevé depuis 2014.

Source : Banque de France
La stagflation, le risque de fragmentation des pays européens, sont des conséquences à envisager. La transition monétaire risque d’être délicate. Et la BCE marche plus que jamais sur des œufs.
Quels sont les outils de la BCE pour lutter contre l’inflation ?
Pour lutter contre l’inflation, la BCE compte sur deux outils : l’augmentation des taux d’intérêt directeurs et l’arrêt des rachats de titres publics. Le taux d’intérêt va augmenter de 0,25 point en juillet, puis de 0,25 ou 0,5 point selon la situation en septembre. Cette hausse met fin à une longue période de “taux zéro”.

Source : Banque Centrale européenne
La remontée des taux signifie qu’emprunter de l’argent devient plus cher, et donc les banques commerciales, se refinançant auprès de la Banque Centrale, vont répercuter cette hausse dans le prix de leurs prêts. Investir dans de nouvelles machines, de nouveaux locaux devient plus cher pour les entreprises, de même pour les prêts immobiliers des ménages.
La BCE va également arrêter ses opérations de "quantitative easing” à partir de juillet. Ces rachats de titres publics (obligations d’État) permettaient aux États de se refinancer à bas coûts et de stimuler l’investissement public. Pour rappel, la BCE a injecté près de 2 280 milliards d’euros de liquidités dans ces rachats d’actifs depuis 2015.