Sur son compte Instagram, Pour l’Éco vous a posé la question. Une large majorité (72 %) de nos lecteurs y est défavorable. Après notre éclairage, de quel avis serez-vous ?
« La contribution à l'audiovisuel public sera supprimée de manière pérenne dès cette année et le financement de l'audiovisuel public sera assuré dans le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle de pluralisme et d'indépendance des médias » a confirmé ce jeudi le gouvernement.
Après avoir été un des thèmes de l’élection présidentielle, la décision de supprimer la redevance télé est conforme à la promesse de campagne d'Emmanuel Macron. « On supprimera les impôts qui restent, la redevance en fait partie. Ça, c’est du pouvoir d’achat », avait déclaré le président-candidat lors d’un déplacement.
L’enjeu n’est effectivement pas neutre. L’audiovisuel public (France Télévisions, Arte, TV5Monde, France Info, France Inter, Mouv’…) coûte 138 euros par an à 28 millions de foyers. 11,50 euros par mois de dépense contrainte – plus que l’abonnement premier prix de Netflix –, est-ce encore légitime ?

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Impopulaire contribution
Pour les Français, rien n’est moins sûr. Dans un sondage Elabe pour évaluer les mesures du programme d’Emmanuel Macron, 83 % se prononcent en faveur de la suppression de la redevance. Seul le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants pour les Ehpad est accueilli avec plus d’enthousiasme. Un véritable plébiscite.
Sur notre compte Instagram, Thomas n’est pas du même avis : « À l’heure où la propriété des médias se concentre entre les mains de quelques-uns, il est important de garder un service public indépendant et donc une redevance. »
Matthew est plus mitigé. Il préférerait laisser le choix « de payer ou non la redevance ». Un modèle peut s’en rapprocher. Aux États-Unis, la radio publique NPR est financée en partie par des dons. Et Matthew comprend les arguments en faveur de la privatisation. « Dans le cadre d’une chaîne privée, le spectateur peut faire valoir son point de vue en ne regardant pas les programmes. Celle-ci perdra alors de l’argent et devra s’adapter. Ce n’est pas le cas pour les chaînes publiques, soutenues financièrement par l’État, indépendamment de leurs audiences. »
Emmanuel Macron ira-t-il jusqu'à privatiser tout ou une partie de l'audiovisuel public pour compenser la suppression de la redevance ? À priori non selon le gouvernement, il s'agirait seulement d'un changement du mode de financement. « On a besoin d'un audiovisuel public fort dans un contexte de désinformation, dans un contexte où les géants du numérique font circuler des informations qui ne sont pas toujours sourcées, on a besoin d'un audiovisuel public parce qu'il participe aussi à la création française », avait par exemple indiqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Inter. Se pose alors la question du gain réel de pouvoir d'achat en cas de simple transfert de fiscalité...
En Suisse, sauvée par le peuple
Les Suisses ont eu à répondre à la question en 2018, suite à une initiative populaire. « Tout est parti d’une discussion de trois jeunes libertariens autour d’une bière. Peu consommateurs des programmes publics, ils ne voyaient pas pourquoi ils devraient continuer à payer la redevance. C’était un anachronisme, à leurs yeux, dans une société digitale où l’on ne paye que ce que l’on consomme », raconte à L’Obs Gilles Marchand, directeur de l’audiovisuel public suisse.
Finalement rejetée par 71,6 % des Suisses, la proposition a malgré tout eu le mérite d’offrir un vrai débat de société. Certains partisans du « No Billag » s’interrogeaient par exemple sur la diffusion de Game of Thrones ou de la Formule 1 sur le service public. « La Suisse a vraiment réfléchi à la raison d’être de son audiovisuel public, reconnaît Gilles Marchand. Au cours de ces mois, nous avons entendu – et je pense que cette revendication est universelle – ce qu’une population attend de son service public : de la différence, de la spécificité par rapport aux plateformes digitales et aux chaînes commerciales. »