Mettre face à face l’enseignement supérieur en France et aux États-Unis, c’est « comparer l’incomparable ». Tel est le titre d’une étude réalisée, en 2016, par Michel Mudry, fondateur du cabinet de conseil Ither Consult, pour Campus France, l’organisme de promotion de la formation tricolore à l’étranger.
Fonctionnement des universités, conception de l’éducation, place des entreprises diffèrent de part et d’autre de l’océan Atlantique. Le constat est identique sur le financement. Il est assuré à 78 % par des fonds publics en France contre 34 % aux États-Unis, selon les chiffres de l’OCDE. « C’est le contribuable qui paie en France. Aux États-Unis, c’est l’usager », résume Michel Mudry.

Un droit ou un service
Cela s’explique par une histoire et une philosophie différentes. Née au Moyen-Âge, l’université française a été modelée par un État centralisateur concevant l’éducation comme un droit pour chaque citoyen. Les premiers établissements américains, dont Harvard, sont apparus seulement à partir du XVIIe siècle et sous l’impulsion d’initiatives privées, avant d’être rejoints par des structures publiques.
Outre-Atlantique, c’est la logique de marché qui s’applique. Les établissements font une offre de services à des étudiants. Ces derniers investissent dans une formation devant produire un bon rendement.
En voie d’américanisation ?
À chaque approche son organisation. Vivant des dotations publiques, les universités françaises jouissent de peu d’autonomie, mais demandent de faibles droits d’inscription : 170 euros par an en licence pour les Européens, 2 770 euros pour les autres ; respectivement 380 euros et 3 770 euros en doctorat. Elles bouclent leur budget avec des contrats de recherche, notamment. Les aides (au logement, au mérite, à la mobilité), les bourses, sont octroyées par l’État sur critères sociaux.
Touchant des subventions limitées, les établissements privés (écoles de commerce, de gestion, d’ingénieurs…) font payer des frais de scolarité plus élevés et recourent à la formation en continu et au mécénat. S’ils restent minoritaires, représentant 18 % des étudiants du supérieur, ils préfigurent l’« américanisation » du système français.
Le principe des bourses US
Aux États-Unis, les établissements reçoivent peu de fonds publics. Ils facturent donc d’importants frais de scolarité : en moyenne 9 410 dollars par an dans le public et 32 410 dollars dans le privé, selon le College Board, organisme de promotion de l’enseignement supérieur. Un tarif qui double, triple voire quadruple si l’étudiant vient d’un autre État ou de l’étranger.
Le mécénat, les contrats de recherche et la vente de services (formation, santé, logement, édition) sont très développés. Beaucoup d’universités tirent aussi des revenus de placements financiers effectués via un fonds de dotation (endowment funds) alimenté par des dons privés (dont ceux des alumni, les anciens élèves de l'école).
Point méconnu : près de 60 % des étudiants américains bénéficient de bourses, attribuées sur critères académiques et financées par les établissements, l’État ou le gouvernement fédéral. Ils sont également très nombreux à emprunter.
Un système à deux vitesses
Ces deux modèles distincts butent toutefois sur un même problème : la difficulté à maintenir leur équilibre dans un contexte de compétition accrue et de désengagement de l’État. Outre-Atlantique, la baisse tendancielle des fonds publics a conduit à une inflation des frais de scolarité qui risque de provoquer une crise des prêts étudiants. Un jeune emprunteur sur cinq a des difficultés à rembourser. En France, les pressions budgétaires sur les universités font craindre le creusement d’un système à deux vitesses, opposant un privé capable de se financer et de valoriser ses formations à un public accessible à tous, mais sous-doté. Et si chaque système apprenait des faiblesses de l’autre ?