Pourquoi un footballeur professionnel change-t-il de club ? Si l’on en croit quelques stars du ballon rond, les conditions financières entrent toujours moins en compte que l’attrait d’un championnat et de partenaires prestigieux. Les impôts n’auraient-ils aucun rôle ? Certains pays n’ont pourtant pas hésité à modifier leur fiscalité dans le but affiché d’attirer les meilleurs joueurs.
L’Espagne est un cas emblématique. En 2005, elle promulgue un décret royal permettant aux résidents étrangers percevant plus de 600 000 euros par an de bénéficier d’un taux d’imposition de 24 % – c’est 43 % pour les Espagnols lambda. Cette « loi Beckham » est nommée ainsi, car ce fut le joueur anglais David Beckham qui en bénéficia le premier à l’occasion de son transfert de Manchester United vers le Real Madrid. En 2009, Cristiano Ronaldo faisait le même trajet… et bénéficiait de ladite loi.
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Ces deux exemples sont-ils anecdotiques ou reflètent-ils que, plus généralement, la fiscalité est une arme pour attirer les talents ? En matière de foot, en Europe, il y a un avant et un après arrêt Bosman de la Cour de justice européenne, en 1995, qui fit sauter les barrières sur le marché des footballeurs professionnels.
Pourquoi un footballeur professionnel change-t-il de club ? Si l’on en croit quelques stars du ballon rond, les conditions financières entrent toujours moins en compte que l’attrait d’un championnat et de partenaires prestigieux. Les impôts n’auraient-ils aucun rôle ? Certains pays n’ont pourtant pas hésité à modifier leur fiscalité dans le but affiché d’attirer les meilleurs joueurs.
L’Espagne est un cas emblématique. En 2005, elle promulgue un décret royal permettant aux résidents étrangers percevant plus de 600 000 euros par an de bénéficier d’un taux d’imposition de 24 % – c’est 43 % pour les Espagnols lambda. Cette « loi Beckham » est nommée ainsi, car ce fut le joueur anglais David Beckham qui en bénéficia le premier à l’occasion de son transfert de Manchester United vers le Real Madrid. En 2009, Cristiano Ronaldo faisait le même trajet… et bénéficiait de ladite loi.
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Éco-mots
Fiscalité
Ensemble de la réglementation relative aux prélèvements obligatoires (impôts, cotisations...) d'une collectivité territoriale ou d'un État et à leur perception. Ces prélèvements obligatoires constituent leurs revenus.
Trois économistes, Emmanuel Saez, Henrik Kleven et Camille Landais, ont rassemblé des données exhaustives sur les parcours de tous les joueurs de football de première division ayant évolué dans les 14 championnats les plus cotés de l’Union européenne entre 1985 et 2008 – l’arrêt Bosman se situe approximativement au milieu de cette période – afin de mettre en évidence une éventuelle causalité entre la fiscalité et la mobilité sur le marché du football.
L’existence de fréquentes variations dans les régimes fiscaux dont ont pu bénéficier les joueurs voulant s’expatrier permet de répondre à cette interrogation sur la causalité. La comparaison entre l’Espagne qui, en 2004, a fortement abaissé les taxes sur les très hauts revenus et l’Italie qui, à l’inverse, n’a pas connu de variation notable de sa fiscalité, est révélatrice.
Comment l’arrêt Bosman a fait exploser les transferts
En 1990, un club européen ne pouvait posséder plus de trois joueurs étrangers. La même année, Jean-Marc Bosman est en litige avec son club, le Royal football club de Liège, qui refuse son transfert vers l’Union sportive du littoral de Dunkerque. Il porte l’affaire devant la Cour de justice des communautés européennes (devenue la Cour de justice de l’UE).
Le 15 décembre 1995, le verdict tombe : la libre circulation des personnes prévue par le traité de Rome de 1957 concerne tous les citoyens de l’UE y compris, donc, les joueurs de football. En toute logique, l’arrêt Bosman abolit le seuil des trois joueurs étrangers et un club européen peut désormais compter autant de joueurs étrangers qu’il le désire. Quelques années plus tard, Arsenal et Chelsea iront jusqu’à aligner des équipes sans aucun joueur britannique…
Les pays quittés sont pénalisés
La figure indique que la proportion de joueurs étrangers rejoignant le championnat espagnol (en fonction du total des joueurs de ce championnat) augmente substantiellement à partir de 2004. Elle passe ainsi approximativement de 1 % à 1,7 % entre 2004 et 2007. En revanche, cette proportion est restée quasi constante en Italie. Ce qui décrit bien un résultat général de l’étude d’Emmanuel Saez et de ses collègues, à savoir que la mobilité des meilleurs footballeurs professionnels dans l’UE est très sensible aux différences de fiscalité entre les pays de l’Union.
En comparant les décisions de localisation des joueurs évoluant dans la division supérieure des 14 championnats européens les mieux cotés avant et après l’arrêt Bosman, ces auteurs montrent qu’en moyenne, un pays réduisant de 10 % son taux d’imposition sur les très hauts revenus augmente de 2 % le nombre de joueurs étrangers évoluant dans son championnat.
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En Espagne, cette augmentation atteint 5 % pour les joueurs étrangers ayant été sélectionnés au moins une fois dans leur équipe nationale. Mais la demande émanant des clubs de football est relativement rigide, car il y a un nombre limité de clubs dans chaque championnat et que la gestion sportive de chaque club impose une limite à la taille de ses effectifs.

L’étude montre alors que la fiscalité provoque des effets de sélection au sein des footballeurs. Les réductions d’impôts accordées aux étrangers dans un pays donné attirent des joueurs étrangers de qualité, mais évincent plus ou moins rapidement de son championnat des joueurs nationaux ainsi que les joueurs étrangers aux compétences moindres.
Plusieurs études ont abouti à des résultats analogues dans d’autres catégories de main-d’œuvre hautement qualifiée : les baisses de la fiscalité dans un pays attirent ces catégories et, par un effet de sélection, augmente la qualité moyenne de ce type de main-d’œuvre. Elles s’avèrent donc bénéfiques pour les pays d’accueil, mais préjudiciables pour les pays de départ, ce qui incite ces derniers à baisser également leur fiscalité. Une coordination des politiques fiscales aboutirait à la même répartition des talents avec moins de dommages pour les finances des États.
En partenariat avec le Center for Economic Policy Research.
