Les Français n’ont pas le moral. En tout cas, c’est ce que semble indiquer une étude YouGov publiée le 1er janvier dernier. Sans surprise, leurs principales préoccupations sont liés à la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques. L’inflation des prix de l’énergie et de l’alimentation freine également l’élan positif des Français, déjà bien entamé par la période Covid.
Inflation, dette et déficit
Cette perte de confiance s’explique par une année 2022 rude pour l’économie, à la fois pour les ménages et les entreprises. En janvier, selon l’Insee (Institut national de la Statistique et des études économiques), les prix à la consommation avaient augmenté de 6 % sur un an, dont 13,2 % pour l’alimentation et 16,3 % pour l’énergie.
La dette publique a augmenté de 40 milliards d’euros, pour s’établir à 113,7 % en fin d’année 2022, sous l’effet des dépenses publiques de soutien à l’économie. Le déficit commercial a atteint un niveau inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de - 164 milliards d’euros et le nombre de faillites d’entreprises a augmenté de près de 50 % sur l’année par rapport à 2021.
En 2023, ralentissement sans crise
Ainsi présentée, l’économie française a tout pour inquiéter. Et pourtant, la crise économique ne pointe toujours pas le bout de son nez dans les statistiques. En 2023, malgré des craintes à l'automne, l’économie française n’est pas entrée en récession, détaille l’Insee dans son point de conjoncture publié le 7 février.
Autre bonne nouvelle, l’institut prévoit un ralentissement de l’inflation d’ici le printemps à « seulement » 5 %, indique que le taux de chômage de 7,3 % est resté stable ( il a même décliné par rapport à 2019). L’activité industrielle, elle, est ralentie dans les secteurs énergivores mais cette perte est compensée par des secteurs plus dynamiques comme la production de matériel de transport. La production d’électricité, notamment issue du nucléaire, est repartie à la hausse depuis novembre. Et si les faillites d’entreprises ont fortement augmenté, elles restent toujours largement inférieures aux niveaux d'avant Covid.
Ainsi, la croissance française reste positive en ce début d’année avec un taux de 0,3 %. Même constat au niveau européen. La Commission européenne, dans ses prévisions publiées le 13 février, prévoit un taux de croissance de 0,8 % pour l’ensemble de l’Union européenne, 0,9 % pour la zone euro et 0,6 % pour la France cet hiver.
Les entreprises gardent confiance
Pour Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l’OFCE (Sciences Po), la morosité de la consommation des ménages (qui a reculé de 1,5 % en 2022) est compensée, « curieusement », par « les investissements des administrations publiques, qui ont puisé dans leur budget, et surtout la confiance et l’investissement des entreprises ».
Ce taux d’investissement est de « 9,5 % supérieur à celui d’avant la crise », affirme-t-il. « Les entreprises embauchent et investissent car leurs carnets de commandes sont pleins pour au moins les 6 prochains mois ! Même si la production n’est pas repartie, leurs contrats sont déjà signés. Elles anticipent donc la reprise au delà des problèmes conjoncturels. Voilà pourquoi 2023 devrait être plus dynamique. »
Éric Heyer tempère toutefois l'optimisme né de cet équilibre fragile : « Certes, les chiffres n’indiquent pas de crise et notre richesse est supérieure de 1,2 % à celle de 2019. Mais sans cette crise nous aurions pu créer 1,2 % de croissance par an ! Nous ne sommes pas en crise si l’on considère le 0 % comme base. Mais nous le sommes par rapport à ce que nous aurions puj avoir ».
Attention à 2024 ?
Pour l’économiste, les vraies difficultés devraient apparaître en 2024. « Avec la fin des aides et du quoi qu’il en coûte, le soutien de l’État va continuer de s’estomper et sa politique budgétaire va peut-être s’orienter vers la rigueur. En outre, l'économie va souffrir de la politique monétaire de remontée des taux d’intérêt, dont les effets seront visibles plutôt l’année prochaine, comme ceux de la perte de compétitivité des entreprises européennes liée à la crise de l’énergie. »
