En novembre 2021, la France compte 5,8 millions de chômeurs au sens de Pôle Emploi. L’Insee, quant à lui, estime à 2,4 millions le nombre de demandeurs d’emploi, soit 8,1 % de la population active.
Julien Pouget, chef du département Conjoncture de l’Insee, s’exprimait le 19 novembre sur Twitter. « Selon l’enquête Emploi, le taux de chômage au troisième trimestre de 2021 est quasi-stable (+0,1 point) par rapport au T2. »
Si ces chiffres sont réjouissants, ils occultent une partie de la population française.
5,8 ou 6,5 millions de chômeurs selon Pôle Emploi ?
Il existe plusieurs façons de comptabiliser le nombre de chômeurs en France. Pôle Emploi les divise en cinq catégories. Les 5,8 millions de chômeurs que l’organisme retient sont classifiés A, B ou C. Mais il recense aussi des personnes en recherche d’emploi répondant à d’autres critères, classifiés dans les catégories D et E.
C’est le groupe principal, celui auquel les médias font le plus référence : la catégorie A regroupe le plus de gens, 3 307 400 au troisième trimestre 2021, soit les personnes sans aucune activité, tenues de justifier leur recherche d’emploi par des candidatures envoyées, participation à des sessions d’aide à la recherche d’un emploi, etc. Elles sont à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier).
Les catégories B et C recensent 2 270 400 personnes ayant exercé une activité réduite de 78 heures maximum (B) ou plus (C) par mois, devant elles aussi prouver leur recherche d’emploi.
Alors que la catégorie A a diminué, la part de demandeurs d’emploi ayant travaillé plus de 78h/mois (catégorie C) a augmenté de 6,5 % au troisième trimestre 2021.
Si ces trois catégories expriment les chiffres officiels du chômage, elles ne disent rien du nombre de personnes indemnisées par Pôle Emploi, comme le précisait Michael Zemmour, professeur associé en économie à Sorbonne, sur Twitter le 10 novembre : « Pour rappel, sur les environ 5,8 millions de personnes inscrites à Pôle emploi en catégorie A-B-C au troisième trimestre 2021, moins de la moitié sont indemnisées au titre de l’Assurance chômage. Si on ajoute la formation et l’Allocation de solidarité spécifique, on est à peine à 55 % d’indemnisés. »
Allocation Solidarité Spécifique (ASS)
Aide sociale accordée en fin de droits au chômage, si les ressources mensuelles ne dépassent pas 1 183,70 € nets. Elle peut être maintenue en cas de reprise d’activité, sous conditions.
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En plus de ces 5,8 millions de chômeurs, s’ajoutent les demandeurs d’emploi des catégories D et E.
412 300 personnes faisaient partie de la catégorie D au troisième trimestre 2021. Sans emploi, elles ne sont pas immédiatement disponibles et ne doivent pas justifier de leur recherche d’emploi. Le plus souvent, elles sont en formation ou malades.
353 800 personnes constituaient la catégorie E au troisième trimestre 2021. Elles sont inscrites à Pôle Emploi, mais déjà pourvues d’un emploi (création d’entreprise, contrat aidé, etc.)
Ces 766 100 personnes regroupées dans les catégories D et E ne sont pas tenues de rechercher un emploi. Alors que le nombre de chômeurs des premières catégories A, B et C diminue, « le nombre d’inscrits en catégorie D augmente de 13,8 % [+25,6 % sur un an] et celui des inscrits en catégorie E de 2,4 % [+12,9 % sur un an] » précise l’enquête Emploi de l’Insee parue le 19 novembre.
Sur ce trimestre, le nombre d’inscrits en catégorie D augmente de 13,8 % [+25,6 % sur un an] et celui des inscrits en catégorie E de 2,4 % [+12,9 % sur un an].
Insee.Ces augmentations s’expliquent notamment par l’attrait croissant pour la formation : +87,3 % de demandeurs d’emploi (catégorie E) suivaient une formation via Pôle Emploi au troisième trimestre 2021 par rapport à 2020, +31,8 % par rapport à 2019. « L’année 2020 a été marquée par le fort développement des formations CPF Autonome, qui ont tiré à la hausse le volume des entrées en formation sur l’année 2020 (+13,0 % par rapport à 2019), compensant la baisse des entrées en formation lors du premier confinement », explique l’organisme sur son site.
L’Insee, comptable plus strict
Toutes ces catégories confondues, Pôle Emploi reconnaît 6,5 millions de chômeurs. C’est presque trois fois le résultat obtenu en suivant le calcul du Bureau international du travail (BIT).
Bureau international du travail (BIT)
Organisme rattaché à l’ONU chargé d’harmoniser les concepts et définitions relatives au travail et à l’emploi dans le monde, en particulier celles relatives à la population active occupée et aux chômeurs.
L’Insee et les instituts de statistiques européens s’adossent sur sa méthodologie.
Un chômeur au sens du BIT est une personne « âgée de 15 ans ou plus qui est sans emploi au cours de la semaine de référence, est disponible pour travailler dans les deux semaines à venir et a effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi ou a trouvé un emploi qui commence dans les trois mois ».
Au troisième trimestre de 2021, ils étaient 2,4 millions de personnes en France (hors Mayotte), en hausse de 52 000 personnes en trois mois. Selon les comptes de l’Insee, le taux de chômage « oscille entre 8,0 % et 8,1 % [de la population active] depuis le quatrième trimestre 2020, au même niveau qu’au quatrième trimestre 2019, avant la crise sanitaire ».
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« Le taux d’activité atteint d’ailleurs lui aussi un plus haut historique », reprend Julien Pouget, de l’Insee.
Mais le BIT exclut de ses statistiques certaines personnes que Pôle Emploi intègre. « Tout dépend de leur situation par rapport aux critères BIT… plusieurs cas de figure sont donc possibles ! », nuance le statisticien. C’est le cas des personnes en formation, absentes du calcul du BIT mais présentes dans la catégorie D de Pôle emploi. « Concernant les jeunes, la progression de l’alternance est une des raisons de la forte hausse de leur taux d’activité. »
Le chef du département de la Conjoncture de l’Insee continue : « Le retour de nombreuses personnes vers le marché du travail se traduit notamment par une forte baisse du “halo autour du chômage” ».
Halo du chômage
Selon l’Insee, intègre une personne sans emploi qui soit, a recherché un emploi mais n’est pas disponible pour travailler ; soit n’a pas recherché d’emploi, mais souhaite travailler et est disponible pour travailler ; soit souhaite travailler mais n’a pas recherché un emploi et n’est pas disponible pour travailler.
Au troisième trimestre 2021, ce halo du chômage représentait 1,9 million de personnes. Le bureau international les isole de ses calculs parce qu’elles souhaitent un emploi sans en rechercher ou ne sont pas disponibles immédiatement.
Non comptabilisées comme demandeuses d’emploi au sens du BIT, ce sont néanmoins d’autant plus de personnes qui s’ajoutent donc 2,4 millions en recherche active et disponibles, portant à 4,3 millions de personnes sans emploi.
Le halo du chômage a baissé ce trimestre : -175 000 personnes, soit -0,4 point en trois mois et -0,3 point par rapport à fin 2019. « Les personnes relevant du halo autour du chômage ont un profil assez proche des personnes au chômage : elles ont en commun d’être plus jeunes et moins diplômées que les personnes en emploi. Le halo est toutefois plus féminin que le chômage (55,3 % de femmes pour le halo, contre 48,2 % pour le chômage) et moins diplômé (30,5 % de personnes avec au plus le brevet pour le halo, contre 25,0 % pour le chômage) » précise l’Enquête Emploi de l’institut public.
Travailler plus…
En plus de ce halo, l’Insee estime, sans les intégrer au calcul du BIT, le nombre de personnes en sous-emploi. Déjà embauchées à temps partiel, elles souhaiteraient travailler davantage. En 2020, 3 millions de personnes étaient dans cette situation, soit 11,0 % des personnes en emploi, « un niveau jamais atteint ».
Sous-emploi
Signifie qu’un facteur de production n’est pas pleinement utilisé. Cette notion est particulièrement employée pour parler du chômage. L’analyse keynésienne considère que l’économie peut-être durablement en situation de sous-emploi.
7,3 millions de personnes recherchent finalement du travail, traversant des réalités diverses. Toutes ne sont pas dépourvues d’emploi, elles peuvent travailler très peu (plus ou moins 78h/mois) ou chercher à travailler plus. Elles sont plus ou moins actives dans leurs recherches, plus ou moins disponibles selon leur état de santé ou des formations en cours.