Economie
Harry Potter. Les jumeaux Weasley, rares sorciers innovants
Pour les lecteurs, l’univers de Harry Potter est magique. Pour les économistes, c’est un système dystopique sans croissance où règnent la corruption, les monopoles et un État arbitraire.
Clément Rouget
© Jaap Buitendijk
« Fred et Georges lui ont dit qu’ils voulaient ouvrir un magasin de farce et attrapes, mais maman ne veut pas, explique Ron Weasley à son meilleur ami, Harry Potter. Elle veut qu’ils entrent au ministère de la Magie, comme papa. » Les doutes de Molly Weasley sont compréhensibles : le choix de carrière des deux frères aînés de Ron est tout à fait iconoclaste dans le système économique figé des sorciers.
Sur le Chemin de Traverse, haut lieu commercial londonien où ils souhaitent s’installer, aucune nouvelle boutique n’a ouvert depuis années et les sorciers-consommateurs retrouvent la même offre de génération en génération. Ollivanders, le monopolistique magasin de baguettes, indique même sur sa devanture avoir ouvert ses portes en 382 avant J.-C. !
État omnipotent et anti-libéral
Entreprendre n’est pas un réflexe dans un monde où l’immense majorité des débouchés professionnels se trouvent au sein de l’omnipotent ministère de la Magie.
D’autant que l’action de la toute-puissante administration vise surtout à entraver l’initiative privée et la concurrence. Une des seules missions connue de Percy Weasley, frère aîné de la famille, est par exemple d’empêcher l’importation de chaudrons étrangers pour ne pas mettre à mal les chaudronniers locaux.
Pas de prêts bancaires
Au-delà d’un État conservateur et inefficient, les sorciers qui voudraient entreprendre font aussi face à une absence d’institutions financières modernes : ni Bourse ni banque d’investissement !
Gringotts, la seule banque du monde magique britannique – encore un monopole ! – est simplement utilisée par les sorciers comme un moyen de déposer de l’argent dans un coffre-fort, sans générer d’intérêts, et n’offre pas non plus de prêts.
Issus d’une famille pauvre, les jumeaux Weasley sont d’ailleurs désespérés par l’absence d’options pour se financer et envisagent même, pour trouver les fonds nécessaires à l’ouverture de leur échoppe, de faire un pari sportif lors de la coupe du monde de quidditch.
Heureusement pour les jumeaux, le plus célèbre des sorciers leur donnera l’argent nécessaire pour lancer leur entreprise. « Harry, range ton argent ! Ici, tu peux prendre ce que tu veux sans payer. Ton prêt de démarrage nous as permis de lancer notre magasin, nous ne l’oublierons jamais. »
Éco-mots
Love money
Désigne les investissements réalisés par les proches et les amis d'un entrepreneur dans sa start-up. Il s'agit généralement d'investissements en capital ou en prêts effectués par des personnes qui connaissent bien l'entrepreneur et croient en son projet, plutôt que par des investisseurs professionnels ou des institutions financières. Ces investissements peuvent être importants pour les start-up en démarrage qui ont du mal à obtenir des financements auprès d'autres sources (banques, fonds d'investissement.
Les balais de Quidditch, l’exception
Si Schumpeter lisait Harry Potter, il serait dépité. Le seul secteur industriel innovant est celui des balais utilisés pour le sport fétiche des sorciers.
Chaque année apparaissent des modèles de meilleure qualité (Nimbus 2000, Nimbus 2001, l’Éclair de Feu…) et offrent un avantage indéniable aux compétiteurs qui peuvent se les procurer. Seulement, même cette rare innovation reste cantonnée au monde sportif, sans bénéficier à l’ensemble de l’économie.
Pour aller plus loin
Potterian Economics, Avichai Snir et Daniel Levy, 2022.
Harry Potter and the Goblin Bank of Gringotts, Zachary Feinstein, 2017.
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