Inégalités : la gratuité des transports, loin d'être une solution miracle

Le droit aux transports publics gratuits… L’idée ressurgit à chaque échéance électorale. Récemment, durant les régionales, et bientôt sans doute pour les présidentielles. Philippe Poutou en a déjà fait un axe de campagne et il y a fort à parier qu’une fois candidate, Anne Hidalgo lui emboîtera le pas.

À première vue, un économiste pourrait trouver ce vieux serpent de mer un peu curieux. Aujourd’hui, les transports en commun représentent une part très faible du budget des ménages français (1,5 % selon l’Insee, trains longue distance compris), en comparaison du budget logement (21 %) ou alimentaire (16 %).

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Par ailleurs, il n’a jamais été démontré que l’utilisation des transports en commun dépendait des moyens financiers des usagers. Il manque surtout aux travailleurs pauvres de quoi se loger dans les centres-villes ou de s’y rendre facilement grâce à un réseau fonctionnel.

À Paris, une dépense marginale

Mais là est la faiblesse des politiques : les idées simples à haute teneur idéologique. Comme en matière scolaire, la gratuité des transports ne serait-elle pas la meilleure manière d’assurer l’égalité (des chances) ? Eh bien non, justement !

Avec les transports gratuits, c’est tout l’inverse qui se produit : le risque d’une perte de chances, avec un réseau désinvesti, mal entretenu, et in fine, bien plus pénalisant pour les gens vivant en périphérie.

Crédits : Gilles Rapoport.

Prenons l’Île-de-France : le réseau pâtit déjà d’un désinvestissement chronique, alors même que 38 % des ressources de financement viennent des titres de transport.

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Naturellement, les faibles revenus, les habitants en bout de ligne ou ceux qui vivent dans des endroits mal desservis en souffrent bien plus que les cadres à haut revenus, logés dans la capitale et bénéficiant d’un réseau dense et performant. À Paris, ces derniers sont nombreux, très solvables et le passe Navigo est une dépense bien marginale de leur budget élevé.

Si l’objectif de la gratuité est purement social, alors mieux vaut améliorer les tarifs sociaux pour les chômeurs, les faibles revenus et les familles nombreuses, plutôt que d’exonérer tout le monde, y compris les riches.

Quand bien même la finalité serait de modifier en profondeur les usages, la gratuité ne serait pas davantage une solution. En effet, toutes les expériences réalisées en France ou à l’étranger ont montré que la gratuité n’avait pas incité les automobilistes à monter dans le bus.

Pour éradiquer la voiture des centres-villes, il n’y a pas de miracle : il faut augmenter l’offre de transport, et taxer les automobilistes. Électoralement, c’est beaucoup moins porteur…

Crédits photo : lucianf via Flickr. CC BY 2.0.