« Le cœur de mon métier est de développer une méthode de production de cellules à visée thérapeutique », explique Claire Saucourt, chargée de la recherche et du développement (R & D) pour une start-up spécialisée en ingénierie tissulaire. Concrètement, voilà 10 ans que cette bio-ingénieure développe un procédé de fabrication de cellules visant à soigner le cœur après une crise cardiaque : « On prend des cellules chez un patient après son infarctus du myocarde, on les cultive en laboratoire et on les réinjecte dans la partie du cœur qui a été lésée pour le régénérer », détaille-t-elle. Cette thérapie est actuellement en test : « On a transféré le procédé à des centres de thérapie cellulaire à Nantes et à Newcastle (Angleterre) où est réalisé l’essai clinique auprès de patients », indique la bio-ingénieure.
Des tissus en 3D ?
Régénérer des organes abîmés, en reconstruire à partir de biomatériaux, transformer des cellules pour qu’elles aident à lutter contre le cancer : « La thérapie cellulaire a de beaux jours devant elle », assure Claire Saucourt. Tout comme ce nouveau métier de bio-ingénieur tissulaire. « La thérapie cellulaire n’est pas nouvelle, mais elle a longtemps été restreinte à la réparation de la moelle osseuse », rappelle la professeure Hélène Rouard, responsable du service ingénierie tissulaire et cellulaire à l’Établissement français du sang (EFS). « Au cours des 10 dernières années, les avancées scientifiques ont ouvert la voie à la réparation d’autres types de tissus que la moelle osseuse. » Ces avancées scientifiques concernent les cellules souches, ces cellules capables de s’autorenouveler et de se différencier en d’autres types cellulaires, mais aussi la façon de les envisager. « La nouveauté réside dans le fait qu’on ne raisonne plus sur la cellule comme étant seule, mais on la pense dans son environnement. On est passé à une réflexion tridimensionnelle », explique Hélène Rouard. Ce passage de deux à trois dimensions explique qu’on parle maintenant d’ingénierie. « Dans le corps, un tissu existe en trois dimensions. Pour reproduire ces trois dimensions en laboratoire, on met les cellules sur un support qui va leur servir de matrice et qu’elles vont pouvoir coloniser », détaille Hélène Rouard. C’est une forme d’impression 3D.
Une nouvelle façon de soigner
Cultiver ainsi des cellules est « très délicat, assure Claire Saucourt. Il y a de gros risques de contamination bactérienne par les opérateurs. On travaille en salle blanche, où tout doit être extrêmement propre », souligne-t-elle. L’une des difficultés, c’est que les cellules réagissent différemment selon qu’elles viennent d’une personne ou d’une autre. « Il y a beaucoup de différences d’un patient à un autre, ce qui complique la caractérisation du procédé », explique Claire Saucourt. Mais c’est justement cet aspect qui rend l’ingénierie tissulaire si prometteuse : ce sont les propres cellules du patient qui sont réintroduites dans son corps donc il n’y a théoriquement pas de risque de rejet comme lors d’une greffe d’un organe ou d’un tissu provenant d’un donneur. Actuellement, Claire Saucourt partage son temps entre le développement de la deuxième version de son procédé de fabrication de cellules, la constitution des dossiers réglementaires pour démontrer aux autorités que la thérapie ne présente aucun danger pour les patients et la formation des centres de thérapie cellulaire qui testent son procédé. Pour exercer ce métier d’avenir, Hélène Rouard estime qu’il faut être rigoureux, passionné et curieux. « Avoir une formation informatique poussée est de plus en plus incontournable », ajoute-t-elle, car les multiples données récoltées sur les cellules nécessitent un traitement informatique. « Il faut aussi être patient et tenace, conclut Claire Saucourt. Ne pas baisser les bras et toujours garder en tête l’objectif final : soigner les gens. »