« La clé du mystère ? Un accroissement très fort de la population active, c’est-à-dire le retour ou l’arrivée sur le marché du travail de beaucoup de personnes, notamment des jeunes », explique Jean-Luc Tavernier, directeur de l’Insee, dans un post LinkedIn.
Concrètement, une partie de la population française qui n’était ni en emploi, ni comptée dans les chiffres du chômage est revenue sur le marché du travail.
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Ce dont se réjouissent les économistes est donc une baisse massive et surprise du halo du chômage, de 175 000 personnes en trois mois. Pour les spécialistes de l’emploi rien n’est en effet pire qu’une diminution du chômage en trompe-l’œil, seulement liée au découragement des chercheurs d’emploi, ce qui de fait, les sort des statistiques officielles. Et c’est ici l’inverse.
Au deuxième trimestre 2020, en pleine crise sanitaire et au milieu du confinement, le nombre de personnes dans le halo autour du chômage s’est envolé, passant de 1,7 million fin 2019 à 2,5 millions au deuxième trimestre 2020. Le troisième trimestre 2020 marque lui une baisse sensible.
Halo du chômage
Correspond aux personnes disponibles pour travailler, mais ne réalisant pas de réelles démarches pour trouver un emploi (par exemple par découragement) et celles qui ne sont pas disponibles immédiatement (par exemple en formation), mais qui souhaitent travailler. Elles ne répondent pas aux critères retenus pour être considérées comme chômeurs.
Autre aspect réjouissant de ces résultats, la part des jeunes de 15 à 29 ans, ni en emploi ou en formation (Neet - Not in Education, Employment or Training) diminue également de 1,0 point, à 11,6 %, du fait de la progression de l’emploi des jeunes, en particulier en apprentissage.

Ce rebond s’accompagne d’ailleurs de tensions sur le marché du travail. Les derniers chiffres sur les emplois vacants au troisième trimestre publiés par la Dares (direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques qui dépend du ministère du Travail) pour le troisième trimestre, faisaient état d’un taux de 2 %, soit un plus haut depuis vingt ans, c’est-à-dire 292 800 emplois vacants au 3e trimestre 2021, 11 % de plus qu’au trimestre précédent.

Grâce au chômage partiel massivement utilisé durant la pandémie pour préserver son tissu productif, la France bénéficie d’une reprise économique plus vigoureuse que la moyenne européenne. Depuis le premier trimestre 2021, la France est l’un des rares pays de la zone euro à avoir dépassé son niveau d’avant crise. Ce n’est ni le cas de l’Allemagne, ni de l’Italie par exemple.
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De quoi encourager Emmanuel Macron et le gouvernement à parler de plein-emploi, mot qui semblait avoir disparu du vocabulaire politique français depuis des décennies.
Nous ne devons pas viser 7 % de chômage, mais bien le plein-emploi.
Emmanuel Macron,Allocution télévisée du 9 novembre 2021
Le 14 novembre, Élisabeth Borne, ministre du Travail, a même avancé une date pour ce retour au plein-emploi : 2025. Mais est-ce atteignable ? Il faut déjà s’entendre sur sa définition (voir encadré) et son niveau. Le chef de l’État a d’ailleurs eu la prudence de ne mentionner aucun chiffre.
Plein-emploi
Situation dans laquelle il n’existe pas de difficulté particulière à trouver un emploi. Le chômage se situe à un taux inférieur à 5 % au sens de l’Organisation internationale du travail (OIT). Une situation de plein-emploi ne signifie pas pour autant que le chômage a complètement disparu et un chômage d’adaptation appelé chômage frictionnel (ou taux de chômage « incompressible ») demeure.
Taux de chômage incompressible (chômage frictionnel)
Chômage d’adaptation lié aux périodes inévitables d’inactivité entre deux emplois et au délai nécessaire pour accéder au marché du travail à la fin des études. Ce délai est principalement dû au temps normal et nécessaire pour trouver un emploi (recherche, candidature, sélection, etc.) d’où son autre nom de chômage « naturel ».
Ce « chômage incompressible » varie légèrement suivant les pays, leurs différentes législations (âge de départ en retraite, coût du travail, fonctionnement de l’assurance-chômage, niveau du salaire minimum, degré de rigidité des règles encadrant les relations entre les employeurs et leurs collaborateurs) et l’adéquation entre l’offre et la demande de travail (performance du système éducatif et des dispositifs de formation, démographie…).
Il est par exemple plus faible aux États-Unis, où le marché du travail est plus flexible, et où le taux de chômage est tombé à 3,6 % en 2019. Pour la France, le chiffre évoqué est généralement d’un taux de chômage inférieur à 4,5 %. La dernière fois que l’on a vu ça en France, c’était en… 1978 !
Le faux plein-emploi britannique
La définition du plein-emploi basée sur le seul taux de chômage a pour défaut que celle-ci ne tient pas compte du sous-emploi, c’est-à-dire des personnes travaillant à temps partiel, mais qui souhaiteraient travailler davantage ou les inactifs qui ont renoncé à chercher un emploi, mais qui pourraient revenir sur le marché du travail.
C’est le cas notamment du Royaume-Uni qui connaît en 2019 le plein-emploi, mais au prix d’un niveau de sous-emploi élevé, en raison du développement de formes d’emplois précaires et temporaires.