Ne pas confondre taux et taux directeur
Le taux d’intérêt classique représente le prix de l’argent et du temps. C’est le pourcentage d’une somme empruntée par un emprunteur à un prêteur, fixé lors de la conclusion du contrat en compensation du service ainsi rendu.
Il s’ajoute au montant du capital à rembourser et il est en général annuel. Il constitue donc à la fois un coût (pour l’emprunteur) et un revenu (pour le prêteur).
Le taux d’intérêt directeur est le taux d’intérêt qu’une banque centrale, telle que la BCE ou la FED, appliquera aux banques commerciales (Crédit Agricole, BNP Paribas, etc) pour les prêts.
Qui y gagnera ? Qui y perdra ? Pour l’Éco fait le point.
- Menace sur la croissance
Quand l’inflation augmente trop rapidement, la banque centrale dispose d’un outil pour ralentir cette hausse des prix : rehausser le taux d’intérêt directeur. Ainsi, l’argent emprunté par les banques commerciales auprès de la banque centrale devient plus cher.
Éco-mots
Inflation
Dans une économie de marché, les prix des biens et des services peuvent varier. Certains augmentent, d’autres diminuent. On parle d’inflation lorsqu’il y a une hausse des prix généralisée et non pas seulement de certains produits. Il en résulte que vous pouvez acheter moins de biens et de services pour un euro. Inversement, un euro vaut moins qu’avant. L‘inflation est donc une perte de pouvoir d’achat de la monnaie.
Les banques commerciales reportent cette hausse sur leurs clients. Les prêts immobiliers et les prêts à la consommation pour les ménages et les prêts pour investir dans de nouvelles machines pour les entreprises deviennent plus onéreux.
Cela a des conséquences sur la demande et la croissance, qui vont logiquement avoir tendance à baisser. Les ménages et les entreprises vont revoir leurs anticipations de consommation et de production à la baisse, ce qui va freiner l’activité économique.
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- La dette publique sous surveillance
Quand le taux d’intérêt directeur augmente, les charges d’intérêt de la dette, c’est-à-dire les montants que l’État doit rembourser à ses emprunteurs chaque année, augmentent. En 2020, l’État français a consacré 2,3 % (soit environ 33 milliards d’euros) de son budget au remboursement de ses dettes. La part de ces remboursements dans le budget de l’État ne fait que baisser depuis la fin des années 90.
Source : Fipeco et Insee
Lecture : La dette publique a augmenté sur cette période (1996-2021), mais les montants à rembourser (charges d’intérêts) baissent.
Cependant, une hausse de 1 point du taux d’intérêt directeur pourrait coûter « au bout de dix ans 39 milliards d’euros par an » aux finances publiques françaises, met en garde François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.
Les États ont profité d’une longue période de “taux zéro” (voire négatifs) pour se refinancer à bas coûts et pour allonger leurs échéances de remboursement. Une bonne nouvelle pour l’ensemble des acteurs financiers car cela lisse les risques sur le long terme. En moyenne, la dette des pays de la zone euro s’étale actuellement sur 7,9 ans contre 6,7 ans en 2010.
L’inflation actuelle, qui s’établit autour de 5,4 % en France, est également un facteur positif pour les finances publiques.
Il est important ici de parler du taux d’intérêt réel, c’est-à-dire le taux d’intérêt nominal corrigé de l’inflation. Avec un taux d’intérêt égal à 1 % et une inflation égale à 5,4 %, le taux réel d’emprunt est négatif (-4,4 %).
La dette publique des États n’est pas un problème à court terme, mais doit être observée avec vigilance. Ce n’est pas le cas du montant de la dette privée (entreprises et ménages) qui devient inquiétant.
Dette des agents non financiers privés (en % du PIB)
Source : Banque de France
Lecture : Aux États-Unis, la dette privée représente 158,4 % de son PIB au troisième trimestre 2021 contre 148 % pour la France sur la même période. Pour rappel, lors de la crise de 2008, l’endettement privé en France représentait moins de 100 % du PIB.
- L’épargne mieux rémunérée
S’il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour la croissance, heureux sont les épargnants. Quand le taux d’intérêt augmente, l’argent devient plus coûteux, mais génère plus de revenus pour celui qui prête son argent. Par exemple, si je prête 100 euros à une entreprise ou à un État et que le taux d’intérêt passe de 0,5 % à 1 % alors je serai remboursé à hauteur de 101 euros contre 100,5 euros auparavant.
Le bon outil au bon moment ?
La hausse des taux d’intérêt directeurs n’a pas un impact réel sur l’inflation actuelle. En effet, l’inflation est tirée par les prix de l’énergie et des matières premières, c’est ce qu’on appelle en économie un choc “exogène”. La Banque Centrale n’a pas le pouvoir de contrôler le prix du pétrole, du gaz ou du blé. « C’est comme si nous voulions taper sur une mouche avec un marteau » confie Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Échos, au micro de BFM Business.
Pour endiguer la hausse de l’inflation, il faudrait « une hausse colossale des taux d’intérêt, ce qui provoquerait une chute de la demande et nous mènerait vers la récession », exprime sur le même plateau Jean-Marc Daniel (membre du comité éditorial de Pour l’Éco), professeur émérite à l’ESCP Business School.
Avec une croissance qui atteint 0,2 % en zone euro au premier trimestre 2022, le choix d’une hausse du taux d’intérêt relève du dilemme. Une augmentation prématurée des taux directeurs se ferait au détriment de la croissance, déjà fragile.
Cependant il était difficile pour la BCE de rester les bras croisés face à une telle poussée inflationniste. Et le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’a rappelé : « Le plus dur est devant nous. »
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Choc exogène
Un choc exogène peut être défini comme un événement d’origine extérieur qui a des effets négatifs sensibles sur l’économie mais qui échappe au contrôle du gouvernement ou d’une Banque Centrale.