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La parité en politique aide-t-elle vraiment les femmes ?
Politique économique
La parité en politique aide-t-elle vraiment les femmes ?
Le corps électoral ayant un biais en faveur des hommes, les quotas de genre incitent les partis à présenter des candidatures masculines dans les circonscriptions où le résultat s’annonce serré.
André Sylberberg, directeur de recherche émérite, Centre d’économie de la Sorbonne
© Fred MARVAUX/REA
En France, les femmes restent sous-représentées parmi les élus. Une explication résiderait dans la persistance d’un certain « machisme » au sein des principales formations politiques.
Et si la faute incombait en réalité plutôt aux électeurs ? C’est ce que laisse penser une étude récente1.
Elle suggère qu’en moyenne, les électeurs préfèrent plutôt des hommes pour les représenter, et aussi que la loi sur la parité a probablement eu des effets pervers.
De nombreuses enquêtes ont documenté que les écarts de rémunération entre hommes et femmes sont fortement corrélés aux opinions sur la place du genre en politique : il a ainsi été établi que, dans un territoire, plus la différence des rémunérations entre eux est grande, plus les électeurs de ce territoire pensent que les hommes sont plus aptes aux fonctions politiques que les femmes.
C’est pourquoi on peut repérer, dans chaque commune, les préférences des électeurs à l’égard du genre par l’écart, à caractéristiques égales, des rémunérations hommes-femmes. On obtient ainsi une mesure très fine (puisque à l’échelon communal) des préférences des électeurs.
Le calcul des partis
En corrélant cette mesure avec la part des femmes candidates aux élections législatives entre 1988 et 2017, il est possible de mettre en évidence que plus l’écart de revenu entre les hommes et les femmes est important, plus la représentation de celles-ci parmi les candidats est faible.
Les auteurs de l’étude ont pu chiffrer qu’une circonscription dont l’écart des revenus dépassait de 5 % l’écart moyen national était associée à une baisse de 10 % de la probabilité qu’une femme se présente dans cette circonscription.
Ils estiment également que l’attitude des électeurs à l’égard des femmes peut jouer sur le résultat des élections dans environ 15 % des circonscriptions – une proportion très importante.
Le graphique établit une corrélation entre les attitudes des électeurs à l’égard du genre et le choix des candidats. Mais peut-on véritablement déduire que les partis politiques s’abstiennent de présenter des candidates dans les circonscriptions ayant une attitude moins favorable envers les femmes car, dans cette hypothèse, ils prévoient une probabilité plus faible d’y gagner les élections ? La réponse est vraisemblablement oui.
Quotas et conséquences
Pour le prouver, l’étude exploite les conséquences de la loi sur les quotas de genre introduite en France en 2000 et qui prévoit des pénalités financières pour les formations politiques ne respectant pas la parité parmi les candidatures.
L’étude met effectivement en évidence que les quotas poussent les partis politiques à sélectionner plutôt des hommes dans les circonscriptions « contestables » – définies comme celles qui affichent moins de trois points d’écart entre le pourcentage des votes pour l’ensemble des partis de « droite » et l’ensemble des partis de « gauche » à l’élection présidentielle précédant les élections législatives.
Une telle stratégie est a priori logique : puisque les électeurs ont globalement un biais en faveur des candidats masculins, il devient « optimal » de présenter des hommes dans les circonscriptions où le résultat s’annonce serré. Or, sur la période étudiée, la proportion de circonscriptions contestables atteint environ 30 %.
Un homme, par sécurité…
Les auteurs construisent alors un modèle reproduisant les résultats électoraux antérieurs à la loi de 2000 sur la parité. Puis ils simulent, dans ce modèle, l’introduction de cette loi. Ils montrent que, malgré les pénalités financières, une augmentation de 10 % de la proportion de circonscriptions contestables réduit la part des femmes élues d’environ 25 %.
Compte tenu du biais du corps électoral en faveur des hommes en politique, la proportion de 30 % de circonscriptions contestables apparaît donc suffisamment importante pour expliquer pourquoi les deux principales coalitions (gauche, droite) n’ont sélectionné en moyenne que 35 % de candidates, au lieu de 50 %, sur la période étudiée.
Le corps électoral ayant un biais en faveur des hommes, les quotas de genre incitent les formations politiques à présenter des candidatures masculines dans les circonscriptions où le résultat promet d’être serré. Ce qui se traduit, finalement, par une sous-représentation des femmes parmi les élus. Les mentalités ne se changent pas (uniquement) à l’aide de quotas.
La loi, l’amende et le choix
La loi sur la parité votée en 2000 stipule que les partis politiques sont tenus de présenter aux élections législatives autant de femmes que d’hommes.
S’il y a plus de 2 % d’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe, l’aide publique à laquelle a droit chaque parti politique est diminuée de manière conséquente. Par exemple, un parti qui présenterait 60 % d’hommes et 40 % de femmes verrait son aide diminuée de 30 %.
Aux législatives de 2012, ce sont Les Républicains qui ont payé le plus de pénalités financières (18 millions d’euros) suivis par le Parti socialiste (6,4 millions d’euros). Aux législatives de 2017, les écarts avec la parité ont été plus faibles. Les Républicains arrivent encore en tête des mauvais élèves avec près de 1,8 million d’euros d’amende suivis cette fois pas la France Insoumise – 252 500 euros d’amende.
Pour aller plus loin
1. “Voter bias and women in politics : Evidence from French parliamentary elections”, Thomas Le Barbanchon et Julien Sauvagnat, VOX, CEPR Policy Portal, 8 décembre 2018