Pourquoi lui ?
Bruno Deffains est directeur du Centre de recherche économie et droit à l’Université d’Assas. Il a coécrit un rapport intitulé « Le coût de la prison (à qui profite le crime ?) », en collaboration avec Jean-Paul Jean, président de chambre honoraire à la Cour de cassation.
Est-il possible d’évaluer le coût de la prison ?
Tous les gouvernements récents ont eu de vraies difficultés à le faire. C’est assez fascinant de voir à quel point nous sommes dotés d’outils statistiques très pointus dès qu’il s’agit d’évaluer l’éducation, la culture ou les performances économiques, mais combien nous n’avons rien ou presque dès que ça touche à la prison.
La Cour des comptes estime que le principal indicateur renseigné par l’administration pénitentiaire pour comparer les établissements selon leur mode de gestion, à savoir le coût par détenu et par journée de détention, ne présente pas un niveau suffisant de fiabilité.
Elle qualifie la méthodologie utilisée pour bâtir cet indicateur de « relativement fruste ».
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Votre livre se demande à qui « profite le crime ». Alors, qui sort gagnant de cette stratégie carcérale ?
Le problème central est sans doute que les prisons constituent une industrie lucrative à la fois pour leur gestion et pour leur production. En 1987, Albin Chalandon, garde des Sceaux, a ouvert la voie à ce qu’on a appelé les « prisons privées ».
Entre 2006 et 2017, l’État a signé énormément de partenariats public-privé (PPP) pour confier une partie de la gestion des prisons au privé. Si le gouvernement a décidé, depuis 2018, de ne plus y avoir recours, ces contrats ont largement profité à quelques grands groupes du BTP tout en endettant fortement l’État.
En 2015, les loyers des PPP pénitentiaires, portant sur 14 des 187 établissements existants, ont représenté jusqu’à 40 % du budget pénitentiaire.
Le paradoxe, c’est que cette « industrie carcérale » est parfois considérée par les gouvernements comme un facteur de développement et de nombreuses collectivités territoriales se portent candidates lorsqu’un projet de construction de prison est décidé, tout ceci dans le but de favoriser l’emploi local.
Aux États-Unis, l’industrie de la prison est devenue le troisième employeur du pays.
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Avec quels résultats ?
Depuis 30 ans, les gouvernements successifs ont beaucoup investi dans la construction de nouvelles places de prison. On a souvent considéré que la sévérité de la peine et de la détention servirait de leçon et empêcherait la récidive.
Or on s’aperçoit que c’est non seulement faux, mais que c’est même plutôt le contraire. En matière de peines alternatives, la France est sous-développée. Il y a une prise de conscience récente, mais elle ne suffit pas pour rattraper notre retard.
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