Palmarès annuels des meilleurs hôpitaux, rivalités entre établissements publics et privés, compétition pour recruter spécialistes et chirurgiens. La concurrence joue, même dans un secteur social comme l’hôpital. En économie générale, elle produit des effets positifs dont le principal est de faire baisser le prix d’un produit. Mais la santé n’est pas un marché comme les autres.
En France et dans la plupart des pays développés, les tarifs des actes médicaux sont fixés par les pouvoirs publics, afin de limiter la facture pour ceux qui la paient, les patients et la collectivité. Dans ces conditions, pourquoi encourager la concurrence ? Permet-elle d’améliorer ce qui intéresse tout un chacun, à savoir la qualité des soins ?
Le modèle du forfait
Depuis les années 1980 aux États-Unis et à partir des années 2000 pour les pays européens, un même système de financement des hôpitaux a été adopté.
Pour chaque type d’intervention, appendicite ou pose d’une prothèse, par exemple, les établissements, qu’ils soient publics ou privés, reçoivent une somme définie, un forfait. Si ce modèle du forfait – appelée tarification à l’activité (T2A) en France – s’est généralisé, c’est parce qu’en théorie il permet d’accroître la qualité des prestations médicales. Explication : ne pouvant se faire concurrence par les prix, les hôpitaux et les cliniques cherchent à attirer les patients par le seul autre moyen à leur disposition, à savoir la qualité des soins.
Palmarès annuels des meilleurs hôpitaux, rivalités entre établissements publics et privés, compétition pour recruter spécialistes et chirurgiens. La concurrence joue, même dans un secteur social comme l’hôpital. En économie générale, elle produit des effets positifs dont le principal est de faire baisser le prix d’un produit. Mais la santé n’est pas un marché comme les autres.
En France et dans la plupart des pays développés, les tarifs des actes médicaux sont fixés par les pouvoirs publics, afin de limiter la facture pour ceux qui la paient, les patients et la collectivité. Dans ces conditions, pourquoi encourager la concurrence ? Permet-elle d’améliorer ce qui intéresse tout un chacun, à savoir la qualité des soins ?
Le modèle du forfait
Depuis les années 1980 aux États-Unis et à partir des années 2000 pour les pays européens, un même système de financement des hôpitaux a été adopté.
Pour chaque type d’intervention, appendicite ou pose d’une prothèse, par exemple, les établissements, qu’ils soient publics ou privés, reçoivent une somme définie, un forfait. Si ce modèle du forfait – appelée tarification à l’activité (T2A) en France – s’est généralisé, c’est parce qu’en théorie il permet d’accroître la qualité des prestations médicales. Explication : ne pouvant se faire concurrence par les prix, les hôpitaux et les cliniques cherchent à attirer les patients par le seul autre moyen à leur disposition, à savoir la qualité des soins.
Tarification à l'activité (T2A)
Tarification à l'activité (T2A)
La tarification à l'activité (T2A) désigne la tarification à l’activité, le mode de financement des établissements de santé, publics et privés, en vigueur depuis 2004 en France. À chaque acte médical correspond un tarif sur la base duquel l’Assurance maladie rembourse les hôpitaux et les cliniques.
Aux États-Unis, le chercheur Martin Gaynor (Carnegie Mellon University) a établi un lien direct entre intensification de la concurrence et amélioration de la prise en charge des patients Medicare (les seniors de plus de 65 ans bénéficiant d’une assurance santé publique) victimes d’infarctus du myocarde (1). Sur la même pathologie, la corrélation a aussi été vérifiée dans le secteur public au Royaume-Uni par l’universitaire Zack Cooper (London School of Economics) (2).
L’exception CHU
Le mécanisme comporte toutefois un effet pervers : les établissements risquent de sélectionner les patients les moins gravement malades, ceux dont le coût du traitement est inférieur au montant du forfait, afin d’améliorer leur rentabilité. Surtout, la concurrence par la qualité n’opère pas à tous les coups. « Elle n’existe pas en France », résume Brigitte Dormont, professeure à l’université Paris Dauphine et coauteur avec Carine Milcent d’un récent ouvrage sur le sujet (3).
De nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte, limitant la compétition ou pesant plus qu’elle. « Dans le cas de soins nécessitant une technologie de pointe, les centres hospitaliers universitaires (CHU), souvent les seuls à disposer des équipements nécessaires, ne sont pas sensibles à la concurrence », souligne Carine Milcent, professeure associée à la Paris School of Economics.
Pour que l’émulation qualitative fonctionne, il faut en effet que les patients aient le choix entre plusieurs structures, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment en zones rurales. Ils doivent aussi avoir suffisamment d’informations pour comparer les établissements, une tâche ardue. « Dans les faits, c’est avant tout la proximité géographique qui joue », note Etienne Minvielle, professeur à l’École Polytechnique. « Et dans le cas d’une opération, c’est la réputation du chirurgien plus que celle de son établissement ou sa position dans un classement qui compte. »
La « manipulation » des données
L’autre limite à la corrélation compétition-qualité tient à la difficulté d’évaluer cette dernière. « La qualité des soins recouvre plusieurs dimensions – expertise clinique, hygiène, organisation de l’hôpital, satisfaction du patient, entre autres – et toutes ne sont pas facilement mesurables », explique Roland Cash, consultant en économie de la santé. Sans oublier le risque de manipulation des indicateurs.
Dans le cas des infections nosocomiales, par exemple, on utilise une évaluation des mesures prises pour lutter contre celles-ci et non le taux d’infections déclaré par les hôpitaux, une donnée qu’ils seraient tentés de minimiser pour préserver leur résultat global. L’évaluation des établissements, publiée par la Haute autorité de santé sur le site Scope Santé (4), devrait donc évoluer dans les prochaines années au fil des débats entre pouvoirs publics, chercheurs, praticiens et patients.