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Allocation de rentrée scolaire : « une aide de survie » dont contrôler l'utilisation « serait un contre-sens »

Chaque année, les familles les plus modestes reçoivent cette aide financière de l’État. Pour Guillaume Berthoin, responsable de cours Politiques sociales et familiales à l’université Paris 1, transformer cette aide en bons d'achat pour contrôler les dépenses des familles serait contraire à son objectif.

Manon Touchard
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© pexels

Cette année le coût de la rentrée scolaire est en hausse de 1,04 % pour un élève entrant en 6e selon l’Association Famille de France et atteint 199,34 euros. Le montant de l'ARS est-il suffisant pour que les familles les plus précaires soient en mesure de fournir les équipements nécessaires à la scolarité de leurs enfants ? Sa forme actuelle est-elle optimale ?

Pour Guillaume Berthoin, responsable de cours Politiques sociales et familiales à l’Université Paris 1, l’ARS est essentielle pour les familles les plus modeste, dans l'incapacité d'épargner et en difficulté pour faire face aux dépenses de la rentrée scolaire. 

Pour l'Éco. À quoi sert l’ARS ?

Guillaume Berthoin. L'ARS est une prestation versée par les Caf et la Msa aux familles avec des enfants scolarisés et disposant de faibles revenus : par exemple, les familles avec un enfant doivent gagner moins de 2 100 euros par mois (le seuil de pauvreté pour une personne seule avec un enfant est d’environ 1 561€).

Cette allocation permet de faire face aux dépenses occasionnelles en début d’année scolaire. C’est pourquoi son montant varie selon le nombre d’enfant(s) et leur âge. Une famille pourra toucher entre 370,31 € et 404,28 € par enfant.

Le montant de l’ARS n’est-il pas trop élevé au regard des frais de fournitures scolaire ?

Quand on évoque l’ARS on pense immédiatement aux fournitures scolaires. Mais les familles sont confrontées d’autres charges : vêtements, ou encore inscription des enfants à des activités extra scolaires et périscolaires. L’ARS doit aussi permettre de réduire les inégalités d’accès à ces activités. 

Le nouveau Pass’Sport pour les inscriptions aux activités sportives extrascolaires

C’est une nouveauté de cette rentrée, l’État offre désormais un chèque de 50 euros aux familles bénéficiant de l’ARS pour financer tout ou partie de l’inscription des enfants dans une association sportive entre septembre 2021 et juin 2022.

Tout comme pour l’ARS, la majorité des familles n’ont pas eu à faire la demande pour recevoir la lettre à présenter lors de l’inscription. Le Pass’Sport octroie une réduction immédiate sur le coût de l’adhésion ou de la licence.

En tout, 3,3 millions de familles sont éligibles au Pass’Sport en France cette année.

Et puis, la rentrée, c’est aussi la période des gros « investissements » pour les familles : ordinateurs et bureaux sont autant d’équipements indispensables au bien-être et à l’épanouissement de l’enfant dans sa scolarité.

Les montants alloués sont certes plus élevés que le coût réel des fournitures scolaires mais ils ne peuvent couvrir l'ensemble des coûts liés à de tels investissements.

Pour faire écho aux polémiques récentes, non seulement les ventes d’écrans plats n’augmentent pas à la rentrée comme certains le laissent entendre mais, quand bien même, la télévision est le principal moyen d’information et un outil de divertissement pour nombre de ménages. Il faut sortir de cette logique de stigmatisation et d’infantilisation des ménages les plus précaires.

Estimez-vous que les montants sont adaptés aux besoins des familles ?

On l’a dit, les montants sont inférieurs aux dépenses. La question du niveau de la prestation peut toutefois être posée afin de savoir dans quelle mesure la sécurité sociale soutient les familles. C’est un choix politique. Philosophiquement parlant on parle d’une prestation qui permet de survivre et non de vivre pour des familles qui n’ont pas de capacité d’épargne.

Durant tout le reste de l’année, les prestations sociales permettent aux familles les plus pauvres uniquement de quoi survivre chaque mois ce qui rend nécessaire ces « coups de pouce ». Cela montre bien que l'Etat donne le minimum : impossible pour elles d'épargner 200 euros pour la rentrée des classes.

Une réflexion peut également être menée sur le montant pour chaque tranche d’âge. Selon certaines associations de parents, le montant serait trop faible pour les enfants les plus âgés et une proposition est faite de diminuer le montant de la prestation pour les enfants les plus jeunes au profit des enfants de plus de 16 ans.

Je suis absolument contre l’idée d’un bon d’achat qui renvoie à une vision culpabilisante des prestations et à une suspicion de détournement des aides par les allocataires.
Guillaume Berton,

responsable de cours Politiques sociales et familiales à l’Université Paris 1

La revalorisation de l’allocation rentrée scolaire de 2020 n’est plus d’actualité

En 2020, le gouvernement avait annoncé une revalorisation de l’ARS à hauteur de 100 euros par avance pour faire face aux conditions particulières de la première rentrée en pleine pandémie de Covid-19.

Cette année, les montants versés de l’ARS n’ont pas tenu compte de cette revalorisation exceptionnelle et ponctuelle et sont revenus à des niveaux proches de ceux de 2019.

Certains députés proposent de fournir l’ARS sous la forme de bons utilisables uniquement pour l’achat de fournitures. Qu’en pensez-vous ?

Je suis absolument contre l’idée d’un bon d’achat qui renvoie à une vision culpabilisante des prestations et à une suspicion de détournement des aides par les allocataires. Encore une fois, l’ARS ne couvre pas l’ensemble des frais liés à la rentrée. Dans cette mesure, je ne vois pas l’intérêt de contraindre la dépense sur des biens en particulier. Cela risque à l’inverse de stigmatiser les bénéficiaires.

Actuellement, la prestation permet un libre choix des familles qui ne sont pas obligées de consommer exactement ce qu’on veut qu’elles consomment. Les choix restent à la marge aux vues des montants tout de même assez faibles.

La mise en place de bons d’achats ou de chèques rentrée entrainerait des coûts de gestion et d’envoi importants. Il y a également le risque que certains commerçants ne les acceptent pas ou que les coupons soient abimés ou perdus. Au-delà de cela, c’est stigmatiser les ménages. Ne nous imposons pas toutes ces difficultés.