Cet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne.
Le scandale qui vient de secouer les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea soulève la question de la bonne prise en charge de celles-ci.
Fin 2017, la France comptait 1,4 million de bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), réservée aux personnes de plus de 60 ans reconnues dépendantes. Leur nombre pourrait s’élever à deux millions en 2040.
D’un point de vue financier, la France consacre 1,5 % de son PIB à la dépendance et on estime qu’il faudra augmenter cet effort dans les proches années. La puissance publique se trouve donc dans la nécessité de penser une solution financière qui pourrait passer par la création d’une « cinquième branche » de la Sécurité sociale couvrant les risques liés à la perte d’autonomie.
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Pour faire face à l’ampleur des besoins, l’assurance privée pourrait jouer un rôle important. Aujourd’hui, 20 % des dépenses liées à la dépendance (santé, aide à la perte d’autonomie et hébergement) restent à la charge des familles et on estime que ce chiffre pourrait s’élever à 25 % à l’horizon 2060.

Apparu il y a une vingtaine d’années, le marché de l’assurance dépendance est encore peu développé en France. Ces contrats offrent une protection financière à ceux qui perdent leur autonomie. Les prestations sont généralement versées en complément des prestations publiques et permettent de faire face aux coûts supplémentaires, qu’il s’agisse d’aide à domicile ou de frais d’hébergement.
Aléa moral et anti-sélection
Mais l’assurance privée se heurte à deux phénomènes bien connus des économistes : l’aléa moral et l’anti-sélection.
D’abord, les individus se sachant assurés peuvent être incités à modifier leur comportement, car ils savent que leurs frais seront pris en charge. C’est l’aléa moral. Par exemple, selon cette logique, le fait de prendre une assurance dépendance risque d’inciter les personnes dépendantes, lors de la survenue de ce risque, à se tourner plus tôt que nécessaire vers un hébergement plutôt que de rester à domicile, ce qui correspondrait à une augmentation des dépenses de santé.
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Ensuite, assureurs et individus n’ont pas exactement accès aux mêmes informations en ce qui concerne la perte d’autonomie. C’est l’asymétrie d’information.
Devant le risque de dépendance, on peut supposer que l’assureur dispose d’une meilleure connaissance des facteurs de risque et de leur probabilité de survenue alors que les individus peuvent en avoir moins conscience d’autant que, comme le note Wiener (1994), ce risque se situe dans un avenir lointain. De ce fait, seuls les individus ayant conscience du risque contractent une assurance.
Le financement de la perte d’autonomie promet un débat essentiel autour de la meilleure combinaison possible à trouver entre ressources publiques et acteurs privés.