Science Politique
Législatives : ce que peuvent vraiment les députés en économie et en finance
Sélection abonnésLa composition de l'Assemblée nationale conditionne la marge de manœuvre du gouvernement pour imposer ses politiques. Mais quels sont les véritables pouvoirs des députés en matière d’économie et de finance ? Aurélien Baudu, spécialiste en droit des finances publiques, répond.
Cathy Dogon
© Assemblee nationale
C’est le troisième tour de l’élection présidentielle comme diraient certains et les promesses pleuvent à tout va. Mais, en matière économique et financière, que peuvent réellement les députés élus entre le 12 et 19 juin ? Pour l’Éco a posé la question à Aurélien Baudu.
Pourquoi lui ?
Aurélien Baudu, Professeur à l’Université de Lille, spécialisé en droit des finances publiques, et secrétaire général adjoint de la Société française de finances publiques.
Pour l'Éco. Quel est le rôle économique du député ?
Aurélien Baudu. Sous la Ve République, l’initiative en matière financière est exclusivement réservée au gouvernement. Il ne saurait exister de proposition de loi de finances émanant des commissions des finances de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Toutefois, les parlementaires disposent du droit d’amendement, sous réserve de respecter le principe des irrecevabilités financières, fixé par la Constitution, sous l’œil vigilant, mais conciliant du Conseil constitutionnel.
C’est le troisième tour de l’élection présidentielle comme diraient certains et les promesses pleuvent à tout va. Mais, en matière économique et financière, que peuvent réellement les députés élus entre le 12 et 19 juin ? Pour l’Éco a posé la question à Aurélien Baudu.
Pourquoi lui ?
Aurélien Baudu, Professeur à l’Université de Lille, spécialisé en droit des finances publiques, et secrétaire général adjoint de la Société française de finances publiques.
Pour l'Éco. Quel est le rôle économique du député ?
Aurélien Baudu. Sous la Ve République, l’initiative en matière financière est exclusivement réservée au gouvernement. Il ne saurait exister de proposition de loi de finances émanant des commissions des finances de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Toutefois, les parlementaires disposent du droit d’amendement, sous réserve de respecter le principe des irrecevabilités financières, fixé par la Constitution, sous l’œil vigilant, mais conciliant du Conseil constitutionnel.
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Recevabilité financière
Interdiction de toute création ou aggravation d’une charge publique. La diminution d’une ressource publique n’est autorisée que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource. Les parlementaires peuvent néanmoins opérer des mouvements entre les programmes d’une même mission, dans le cadre des crédits ouverts par les projets de loi de finances, sans augmenter le montant total des crédits de celle-ci, peut-on lire sur le site de l’Assemblée nationale.
Qu’est-ce que la commission des finances ?
À l’Assemblée nationale, le travail de la commission des finances s’articule autour de l’ouvrage du rapporteur général du budget (qui est un député de la majorité parlementaire, Laurent Saint-Martin en l’occurrence depuis 2020) et de ceux des rapporteurs spéciaux. Leurs rapports portent souvent des regards croisés entre les missions du budget général de l’État, des comptes spéciaux et des budgets annexes lorsque cela est pertinent dans un souci de renforcement du contrôle parlementaire, et au nom de l’unité et de l’universalité budgétaires.
Le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale et au Sénat joue un rôle clef. Élu chaque année simultanément avec le président de la commission des finances (qui est un député ou un sénateur issu du principal groupe d'opposition parlementaire) et les membres de son bureau, il est reconduit pour l’ensemble de la législature à l’Assemblée nationale et triennalement au Sénat.
Il a ainsi la responsabilité d’assurer le lien entre le gouvernement et le Parlement sur tous les textes financiers et budgétaires examinés à l’Assemblée nationale. Son rôle est différent au Sénat, lorsque la majorité sénatoriale ne soutient pas le gouvernement. Il est chargé de défendre les positions de la commission des finances en séance publique sur l’ensemble des amendements déposés.
C’est lui qui s’occupe du rapport général sur le Projet de loi de Finances (PLF) et du rapport sur les projets de loi de finances rectificatives, de règlement ou de programmation des finances publiques. Son rapport général, établi au nom de la commission des finances, est composé de trois tomes avec une analyse globale du budget replacé dans son contexte économique et financier, puis des dispositions de la première partie du PLF, et enfin des articles non rattachés de la seconde partie.
Qu’est-ce que le PLF ?
C’est le rendez-vous économique le plus important à l’Assemblée nationale puis au Sénat. La discussion du PLF mobilise le Parlement durant 70 jours, du premier mardi d’octobre jusqu’au 20 décembre environ. Le PLF est accompagné des projets annuels de performance et d’annexes générales.
La commission des finances joue un rôle prépondérant dans l’examen de ce texte. Celui-ci débute généralement par l’audition du ministre des Finances et du ministre chargé des Comptes publics suite à la délibération du PLF en Conseil des ministres.
Les sept autres commissions permanentes sont saisies de la seconde partie de la loi de finances. Leurs rapporteurs sont chargés, pour avis, de l’examen des missions relevant de leurs domaines de compétences.
Il ne faut pas confondre la loi financière et les lois ordinaires en matière économique et financière. S’agissant de cette dernière catégorie, on peut prendre l’exemple de la loi du 24 décembre 2018 mettant en œuvre les mesures d’urgence économiques et sociales présentées par le président de la République le 10 décembre 2018 en réponse à la crise du mouvement des « Gilets jaunes ».
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Loi de finances
Texte législatif qui détermine les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, modifié, à l’occasion de ses 20 ans, par la loi organique du 28 décembre 2021.
Quels sont les autres grands rendez-vous économique à l’Assemblée nationale ?
S’agissant des lois financières, il y a au Parlement la discussion du projet de loi de finances rectificative de fin d’année qui vient ajuster les prévisions de recettes ainsi que les ouvertures de crédits de la loi de finances initiale.
Traditionnellement, une loi de finances rectificative est présentée en fin d’année, en novembre, pour corriger les prévisions et ajuster les niveaux de crédits au regard des besoins de l’exécution budgétaire. Sa préparation et son examen au Parlement se déroulent en parallèle de la discussion du PLF de l’année.
En période de circonstances exceptionnelles, comme en 2020 avec la crise sanitaire, le gouvernement est contraint d’initier des projets de loi de finances rectificative en cours d’année pour tenir compte du déséquilibre économique et financier.
Par ailleurs, parmi les lois financières, la loi de règlement, renommée « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année » par la loi organique du 28 décembre 2021, est impérativement transmise au Parlement avant le 1er juin de l’année suivant l’exécution budgétaire concernée. Cette loi financière arrête le montant définitif des ressources et des charges du budget de l’État pour l’année considérée en comptabilité budgétaire, et porte le compte général de l’État, qui en exprime les comptes non plus en comptabilité budgétaire, mais en comptabilité patrimoniale. En vertu de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les comptes de l’État sont certifiés par la Cour des comptes.
L’Assemblée nationale, en matière d’économie, suit le rythme des Quatre saisons de Vivaldi : la préparation budgétaire durant l’hiver, le printemps de l’évaluation des politiques publiques, l’été du contrôle de l’exécution budgétaire, et le marathon budgétaire de l’automne !Aurélien Baudu,
Professeur à l’Université de Lille
Il n’y a donc pas trois moments, mais plutôt quatre temps comme le disait le baron Louis, ministre des finances de Louis XVIII, connu pour sa règle des Quatre temps alternés !
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« Quatre temps alternés »
Ce mécanisme règle l’alternance des interventions de l’exécutif et du Parlement dans le processus décisionnel budgétaire. Dans un premier temps, l’exécutif élabore un projet de budget, qui, dans un second temps, est débattu, amendé le cas échéant, et adopté par le Parlement. Dans un troisième temps, le budget adopté est mis en œuvre par l’exécutif et, quatrièmement, l’Assemblée nationale contrôle a posteriori cette mise en œuvre.
La réforme de la LOLF à l’occasion de ses 20 ans vient renforcer la succession de ces quatre phases bien cloisonnées et rythmées, comme dans les Quatre saisons de Vivaldi, car cela correspond à la pratique et à la procédure budgétaire contemporaine, avec désormais l’assistance de la Cour des comptes, et de certaines institutions associées à elle, comme le Haut conseil des finances publiques, à équidistance du Parlement et du gouvernement : la préparation budgétaire durant l’hiver, le printemps de l’évaluation des politiques publiques, l’été du contrôle de l’exécution budgétaire, et le marathon budgétaire de l’automne !
Parmi les lois financières, il faudrait également évoquer les lois de financement de la Sécurité sociale. Elles déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses.
À quoi servent les commissions d’enquête ?
Les commissions d’enquête sont apparues en France avec le régime parlementaire, le droit d’enquête étant considéré comme un corollaire du droit de contrôle du Parlement.
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Commission d’enquête parlementaire
Depuis 2008, la Constitution prévoit que « des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information ».
Sous la XIVe législature (2012 -2017), il y a eu par exemple une commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité…
Il est important de ne pas confondre les commissions d’enquête avec un autre outil qui existe depuis 2003, les missions d’information temporaires.
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Mission d’information temporaire
Créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur proposition du Président de l’Assemblée nationale.
Par exemple, il y a eu une mission d’information sur l’écotaxe poids lourds, suite à cette gabegie pour les finances publiques, dénoncée par la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2017.
Enfin, il faut insister sur un autre outil plus méconnu du grand public. Les commissions parlementaires compétentes peuvent commander des rapports publics thématiques ou particuliers à la Cour des comptes et/ou aux chambres régionales et territoriales des comptes, sur la gestion des services ou organismes soumis à leur contrôle.
Par exemple, sous la XVe législature (la dernière, NDLR), la commission des finances de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour la réalisation d’une quinzaine d’enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu’elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois. Parmi les dernières en date, on peut citer le bilan de la privatisation des aéroports en 2018 ; les dépenses fiscales en matière de logement en 2019 ; les heures supplémentaires dans la fonction publique en 2020 ; l’évolution des dépenses publiques pendant la crise sanitaire en 2021, etc.
Sur la même période, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour la réalisation de vingt-cinq enquêtes sur des sujets distincts. Enfin, la Cour des comptes doit répondre aux demandes d’assistance formulées par le président et le rapporteur général des commissions des finances de chacune des assemblées dans le cadre de leur mission d’évaluation et de contrôle.
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