L'essentiel.
- Le 28 septembre 2022, les juges du tribunal de commerce Lille Métropole ont prononcé la liquidation judiciaire de Camaïeu. Ses 2 600 salariés ont été licenciés.
- L'État avait déjà aidé à plusieurs reprises l'entreprise, via des subventions directes et des avances.
- L'affaire pose la question du rôle de l'État face à la "destruction créatrice" théorisée par l'économiste Schumpeter
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L’enseigne Camaïeu avait été reprise en août 2020 par Hermione People and Brands (HPB), qui est également propriétaire de Go Sport, Gap France, La Grande Récré, Galeries Lafayette en franchise. Camaïeu cumulait alors 280 millions d'euros de dettes.
La nouvelle direction s’était alors donnée deux ans pour relancer l’entreprise. Compte tenu de toutes les difficultés de marché rencontrées, on peut se demander si suffisamment de cash a été investi pour rénover en profondeur le modèle vieillissant de l'entreprise. Et ce d’autant plus que la marque a subi en juin 2022 une cyberattaque qui l'a paralysée durant quatre mois.
Dans ce contexte, l’Etat peut-il ou doit-il intervenir pour consolider les emplois ?
Selon Roland Lescure, le ministre délégué à l’Industrie, « l'État a été très présent aux côtés de l'entreprise. On a déjà accordé à Camaïeu d'une part 20 millions d'euros de subventions directes, d'autre part une avance de 20 millions d'euros consistant à retarder la dette fiscale et sociale accumulée par l'entreprise ». Échaudé, l’État n'était pas prêt à remettre la main à la poche.
Pour maintenir l'activité de la chaîne, HPB a demandé de nouveau en septembre à l’État un soutien en lui réclamant de manière urgente 48 millions d'euros supplémentaires sur un total nécessaire évalué à 80 millions d'euros. Cette fois-ci, Bercy a dit non, ne jugeant aucun des plans de relance crédible, c'est-à-dire permettant in fine de rendre l’enseigne pérenne. De cette manière, l’État a affirmé qu'il n'a pas vocation à se substituer aux actionnaires.
Les acteurs politiques locaux avaient bien tenté de faire pencher la balance en faveur de Camaïeu. Le patron LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand avait « demandé à avoir un échange sur Camaïeu avec la Première ministre » Elisabeth Borne, qu'il a accompagnée en visite dans l'Oise, a indiqué son cabinet à l'AFP. Pour la Région, « la seule solution, c'était une avance remboursable de la part de l’État ». Mais y croyait-il vraiment ou cette posture relevait-elle du passage politique obligé, compte tenu de sa fonction ?
L'État face à la destruction créatrice
Mais alors, dans cette logique de défense à tout prix de l’emploi, l’État, prêteur en dernier ressort, sauverait toutes les entreprises à court terme sans auune assurance sur leur viabilité future.
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Même en injectant l’argent demandé, le créneau occupé par Camaïeu est trop concurrentiel et ses failles structurelles demeurent. Le marché n'est-il pas tout simplement en train de se restructurer dans ce qui serait une douloureuse mais bien banale destruction Schumpétérienne ?
Dans ce cas, inutile de lutter contre l'évidence. L’essentiel est alors d’accompagner les salariés au cas par cas pour leur permettre de pouvoir se réinsérer avantageusement auprès d’acteurs ayant un modèle plus en phase avec la nouvelle réalité du marché de la mode. Si seulement la mise en oeuvre opérationnelle de la destruction créatrice était aussi simple que la théorie ...
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