Jeune retraité, Michel-Henri André a exercé pendant plus de 40 ans à Sainte-Menehould, dans la Marne. Dans son cabinet de chirurgien-dentiste, il raconte n’avoir « jamais refusé un seul patient. Franchir la porte, c’est déjà choisir son praticien et montrer qu’on lui fait confiance. »
Pour lui, cette notion est la base de toute relation médicale, « c’est elle qui fait que le patient adhère au soin ». Aujourd’hui, « c’est la dérive. La confiance a cédé le pas à une sorte de mercantilisme, comme si le médecin devenait une espèce de prestataire de service ! »
En quelques décennies, la relation médicale a été bouleversée. Pendant plusieurs siècles, le médecin représentait le savoir et l’autorité. Le patient était passif et obéissant. À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, ce dernier a demandé plus d’informations.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : la démocratisation des études supérieures, le développement d’internet, mais aussi la multiplication des scandales sanitaires.
Jeune retraité, Michel-Henri André a exercé pendant plus de 40 ans à Sainte-Menehould, dans la Marne. Dans son cabinet de chirurgien-dentiste, il raconte n’avoir « jamais refusé un seul patient. Franchir la porte, c’est déjà choisir son praticien et montrer qu’on lui fait confiance. »
Pour lui, cette notion est la base de toute relation médicale, « c’est elle qui fait que le patient adhère au soin ». Aujourd’hui, « c’est la dérive. La confiance a cédé le pas à une sorte de mercantilisme, comme si le médecin devenait une espèce de prestataire de service ! »
En quelques décennies, la relation médicale a été bouleversée. Pendant plusieurs siècles, le médecin représentait le savoir et l’autorité. Le patient était passif et obéissant. À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, ce dernier a demandé plus d’informations.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : la démocratisation des études supérieures, le développement d’internet, mais aussi la multiplication des scandales sanitaires.
La confiance a cédé le pas à une sorte de mercantilisme, comme si le médecin devenait une espèce de prestataire de service !
Michel-Henri AndréChirurgien-dentiste.
Avec l’augmentation des pathologies chroniques (type cancer ou sida), des malades ont également acquis des expertises complémentaires à celles des professionnels de santé et les ont communiquées sur la Toile. Si bien qu’à partir des années 2000, on parle d’un « modèle collaboratif » entre le soignant et le patient.
Ce dernier est devenu acteur à part entière de sa santé et doit exprimer son consentement libre et éclairé aux actes et traitements qui lui sont proposés. Ce rôle et ces droits ont été formalisés en 2002 par la loi Kouchner.
Ruée vers la pédagogie
« Construire une relation d’égal à égal ? Je trouve ça plutôt bien, assure Claire Laurent, généraliste à Bordeaux. C’est bénéfique. Je suis là pour partager mon savoir, je ne me place pas en surplomb ».
Pour ce médecin, la pédagogie fait partie du métier. Elle est encore plus nécessaire aujourd’hui pour gagner la confiance des patients.
Confiance : la barrière du masque
Les gestes barrières ont bouleversé les habitudes lors des consultations. Pendant le premier confinement, Carole Greber, en dernière année d’internat, a multiplié les consultations par téléphone, depuis le service pédiatrique du Centre hospitalier universitaire de Nancy. « Au bout du fil, les patients n’hésitaient pas à nous poser leurs questions. »
Mais la téléconsultation n’est pas toujours appropriée, notamment « lorsque le patient se rend pour la première fois chez un spécialiste ou quand il s’agit de diagnostics lourds », témoigne Cécilia Riedl, gynécologue obstétricienne spécialisée en cancérologie. « Le masque m’empêche de capter les émotions de mes patients, déplore-t-elle, du coup je ne peux pas réagir en conséquence ».
Et puis, « on ne se serre plus la main, regrette le cardiologue Thomas Pospiech, alors que c’est très important dans la relation médicale. Pour certains patients, serrer la main du médecin, c’est lui envoyer un message : “Je mets ma santé entre vos mains, je vous donne ma confiance”. »
Les professionnels de santé ont d’ailleurs déployé des techniques pour mieux répondre aux questions. Thomas Pospiech, cardiologue dans une clinique du sport, utilise des schémas et des outils, par exemple des tuyaux, des plaques qui bougent, des fils électriques, pour se faire comprendre : « En tant que médecins, nous avons tendance à oublier que tout le monde ne pratique pas le vocabulaire médical et technique. »
Les questions des patients sont inspirantes et stimulantes pour le soignant. Pour Antoine Moussiegt, généraliste à Marseille, c’est l’occasion « de se remettre en question. Un patient qui vous interroge, ça aide à voir les choses différemment. » Cela aide à choisir la meilleure approche, le traitement adapté.
La médecine n’est pas une science exacte : « On ne tient pas le même discours pour le même problème de santé si le patient a 25 ou 75 ans, s’il est stressé ou calme. Je dois m’adapter en permanence. »
Comme un abonnement premium
Cette nouvelle « collaboration » a toutefois des limites et le médecin affronte lui aussi les dérives de la société de l’instantanéité. « Certains patients veulent tout, tout de suite », s’agace Antoine Moussiegt, qui constate l’augmentation des prises de rendez-vous en un clic via la plateforme Doctolib.
« Ils veulent une réponse dans la minute, un rendez-vous dans la journée. Comme quand ils souscrivent à un abonnement premium sur Amazon, ils refusent d’attendre. » Même constat à la clinique du sport où exerce Thomas Pospiech : « Les gens demandent des ordonnances par mail, sans consultation, façon click and collect. »
Dix ans d’études, des années d’expérience, mais les gens pensent savoir mieux que nous
Thomas Pospiech,Cardiologue.
Non seulement les patients sont exigeants, mais ils se permettent de remettre en question les diagnostics des médecins. « Dix ans d’études, des années d’expérience, mais les gens pensent savoir mieux que nous », souffle le cardiologue bordelais.
Souvent, la personne arrive au cabinet avec une idée de pathologie en tête, trouvée sur internet, et c’est au médecin de se justifier. « Quand mon diagnostic va à l’encontre de ce que le patient a lu, j’ai du mal à le convaincre. »
Voilà pourquoi de plus en plus de gens demandent un deuxième voire un troisième avis, complète la généraliste Claire Laurent.
Obligation de moyens
Le médecin s’engage à faire tout ce qui est en son pouvoir pour soigner le mieux possible son patient (analyses, diagnostic, traitement, etc.). Le praticien est également soumis à l’obligation d’information, mais il n’est pas soumis à une obligation de résultat. Il n’est pas tenu de garantir la guérison de ses patients.
Un visage connu
La pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Si les soignants ont été applaudis au début de la première vague, les théories du complot ont fleuri sur les réseaux sociaux et les débats houleux à la télévision entre médecins ont alimenté la confusion.
« On nous a reproché de nous écharper sur les plateaux télé, de nous contredire, témoigne Thomas Pospiech. Ça n’a pas redoré le blason du médecin. »
Claire Laurent tient toutefois à nuancer : « Les patients font la différence entre les médecins en général, le ministère de la Santé et leur praticien, qui a un visage, une voix, qui connaît leur histoire et leur famille. Ils s’en remettent encore beaucoup à notre avis, constate-t-elle. Sur les vaccins, par exemple, ils nous questionnent tous les jours. Ça prouve bien qu’ils ont encore confiance. »