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Métier. À quoi ressemble le quotidien d’une handballeuse professionnelle ?

Physiquement très exigeant, offrant de grandes satisfactions collectives, le métier de handballeuse est réservé à une petite élite sportive. Il impose une reconversion, autour de l’âge de 34 ans, à prévoir soigneusement et longtemps à l’avance.

Lucile Chevalier
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Illustration de l'article Métier. À quoi ressemble le quotidien d’une handballeuse professionnelle ?

© Getty Images

« Mes journées commencent par une heure et demie de musculation avec l’équipe », pose Pauline Plotton, 24 ans, 1,83 m et demi-centre au club Stella Saint-Maur Handball (deuxième division). Elle débute par des petites foulées pour s’échauffer ; suivent des pompes et des dips pour muscler les bras, des squats, fentes et box jumps pour les jambes, des crunchs et la planche pour avoir des abdos en béton et enfin, elle termine sa matinée avec des étirements. Après le déjeuner très équilibré alliant céréales complètes, laitage, légumes, fruits, œufs et poissons, Pauline et ses coéquipières (sept joueuses et sept remplaçantes) reviennent au club pour une séance vidéo. Au programme : le visionnage des derniers matchs de l’équipe qu’elles affronteront samedi prochain. « Nous analysons leur jeu d’attaque et de défense, pour identifier leurs forces et leurs failles », poursuit-elle. Suivent deux heures d’entraînement, puis des soins pour celles qui le souhaitent : bain froid, massages ou séances de kinésithérapie.

Le handball, inventé en Allemagne au début du XXe siècle, est le sixième sport le plus pratiqué en France. Il compte 450 000 licenciés, contre plus de deux millions pour le football, un million pour le tennis ou encore près de 700 000 pour l’équitation. Mais seulement 200 handballeuses exercent ce sport professionnellement et à plein temps en première division (comprenant 13 clubs) comme en deuxième (13 clubs aussi). Pauline Plotton comme Manon Loquay, 24 ans, 1,75 m et pivot chez les Neptunes (club de Nantes de première division), font partie de ces élues. Elles appartiennent à un microcosme très soudé. « Mes amis, les plus belles rencontres qui m’ont fait avancer, je les ai trouvés dans le handball, chez les joueuses comme parmi les accompagnateurs. On se comprend, on vit les mêmes choses », témoigne Manon. Nombreuses sont celles qui ont dû quitter le foyer familial, à l’orée de l’adolescence, pour intégrer une filière sportive. Les samedis soir, il y a les matchs à domicile ou à l’extérieur. Adieu les fiestas ! Quant aux virées au McDo, elles sont très exceptionnelles. Le corps est un outil de travail dont il faut prendre le plus grand soin. « Cela va faire un peu bateau, mais c’est l’amour du hand et cette envie de se dépasser qui permettent de surmonter les sacrifices », témoigne Pauline.

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Tester ses limites

Au départ, aucune des deux jeunes femmes ne pensait ni ne souhaitait devenir pro. « J’ai découvert le handball à 11 ans, en primaire, lors d’un cours de sport. J’ai tout de suite accroché. Avec une amie, on a convaincu toutes nos copines de classe de s’inscrire au club d’à côté, à Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique). À la rentrée de sixième, nous avions notre équipe. C’était encore un plaisir amateur, un loisir. C’est au fur et à mesure, quand tu passes les sélections pour les Espoirs, que ça commence à devenir sérieux, que tu te dis “je vais tenter le coup” », confie Manon. Même son de cloche chez Pauline qui, un peu avant le bac, quand elle était aux Espoirs de Toulouse, a eu cette « envie de voir jusqu’où [elle] pourrai [t] aller ».

La première sélection se fait au moment de rentrer au lycée : pour intégrer une des sections d’excellence sportive ou les Pôles Espoirs. « Chaque département organise une journée de tests », relate Pauline. Toutes les sélections, pour les filières au lycée comme pour intégrer les centres de formation des clubs, se déroulent en deux parties. « Il y a les tests physiques : explosivité, vitesse, force et réactivité. Ensuite, les candidates sont évaluées sur leur jeu », décrit Sylvie Pascal-Lagarrigue, ex-internationale de handball et directrice technique nationale adjointe à la Fédération française de handball.

Après les Espoirs à Toulon, Pauline a intégré le centre de formation de l’OGC Nice, puis a signé son premier contrat professionnel, en 2018, au CAB Handball à Bègles, avant de partir pour Saint-Maur, en décembre 2021. Quant à Manon, elle est restée à Nantes, chez les Neptunes. Au bout de neuf saisons et après avoir remporté, en 2021, la Ligue européenne, elle fait ses valises, direction Toulon.

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Quelles formations ?

Pour devenir professionnelle, tout se joue entre 14 et 16 ans. L’Éducation nationale a créé les sections sportives scolaires pour allier, dès le collège, sport et études. Au collège, ce sont les programmes d’accession au haut niveau. Il y en a 2 970 en France. Au lycée, il y a les sections d’excellence sportive (742). Le football y est le plus représenté, viennent ensuite le handball, le rugby et le basket-ball. Le week-end, lors des matchs, les sélectionneurs des clubs repèrent les joueurs les plus prometteurs et les recrutent pour leur centre de formation. Ces nouvelles recrues y passeront de deux à quatre ans avant de décrocher leur premier contrat professionnel.

Penser l’après dès le début

« L’arrêt de ma carrière a été un enfer. Tu te retrouves seul dans ton appartement avec tes cicatrices, tes souvenirs du passé et ton RSA. Je n’étais pas préparé à la” vraie vie” », témoigne Raphaël Poulain, ancien professionnel de rugby. La retraite des sportifs arrive en général vers 34 ans1, bien avant les 64 ans prévus par la nouvelle loi sur les retraites. Et encore, 34 ans, c’est dans le meilleur des cas, s’il n’y a pas eu de blessure grave avant. D’où l’importance de penser l’après-carrière bien en amont, comme les handballeuses Manon Loquay et Pauline Plotton. Elles ont préparé de front leur première carrière, celle de handballeuse professionnelle au centre de formation de leur club, et leur futur emploi. Entre deux entraînements, Manon bûchait ses cours de kinésithérapie, Manon bossait l’œnologie (bac +6). « Cela permet d’être plus sereine. J’ai vu l’angoisse des trentenaires arrivées en fin de carrière et sans diplôme. Il fallait absolument qu’un club les prenne pour la prochaine saison, sinon elles n’avaient rien : ni salaire ni logement, ni plan », confie Pauline. Pour aider les athlètes à se reconvertir, Pôle emploi a mis en place un service dédié. Il existe aussi des cabinets spécialisés, comme Collectif Sports et l’EM Lyon propose quatre programmes dédiés aux grands sportifs pour les aider à s’insérer dans le monde de l’entreprise.

1. Selon l’étude “A lifespan perspective on career of talented and elite athletes : Perpectives on high intensity sports”, de Paul Wylleman et Anke Reints, Scandinavian Journal of Médecine & Science in Sports, 2010.

Salaires moyens des handballeuses professionnelles

D1 et D2 : 2 752 € brut par mois

Ligue Butagaz Énergie (D1) Femmes – salaire moyen : 3 056 € brut par mois contre 2 000 € en 2008-2009. Rémunération minimum : 1 561 € brut par mois.

D2F (D2) – Salaire fixe minimum : 1 490 € brut par mois, soit 1 147 € net.

Source : Ligue Féminine de Handball.

Pour aller plus loin

    Notes

    Techniques : 5/5

    Insertion : 1/5

    Environnement : 2/5

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