Son abdomen mou rend le bernard-l’hermite vulnérable. Pour le protéger des prédateurs, il doit continuellement trouver un habitat dans lequel se glisser. Cet habitat, ce sont les coquilles d’escargot. N’ayant pas les capacités physiques pour tuer ce potentiel colocataire, le bernard-l’hermite doit patiemment attendre qu’il meure. Une fois la coquille libérée par son occupant, le crabe s’y réfugie.
La valse des coquilles
Mais rapidement, le bernard-l’hermite se sent à l’étroit. En se nourrissant, ce crabe grandit toute sa vie. Il a donc continuellement besoin d’une coquille plus grande. Cette quête est vitale : s’il reste dans une coquille trop petite, il va dépérir. Alors pour sa survie, deux solutions s’offrent à lui : arrêter de manger ou trouver un autre refuge. La seconde est, semble-t-il, plus viable.
Cette valse de coquilles chez les bernard-l’hermite suscite une crise du logement au fond des océans. Les plus vieux individus peinent à se loger. Ayant grandi avec l’âge, ils cherchent des coquilles volumineuses. Mais la jeune mortalité des escargots, très sensibles aux variations climatiques et sujets à la prédation, ne libère que de petites coquilles.
Son abdomen mou rend le bernard-l’hermite vulnérable. Pour le protéger des prédateurs, il doit continuellement trouver un habitat dans lequel se glisser. Cet habitat, ce sont les coquilles d’escargot. N’ayant pas les capacités physiques pour tuer ce potentiel colocataire, le bernard-l’hermite doit patiemment attendre qu’il meure. Une fois la coquille libérée par son occupant, le crabe s’y réfugie.
La valse des coquilles
Mais rapidement, le bernard-l’hermite se sent à l’étroit. En se nourrissant, ce crabe grandit toute sa vie. Il a donc continuellement besoin d’une coquille plus grande. Cette quête est vitale : s’il reste dans une coquille trop petite, il va dépérir. Alors pour sa survie, deux solutions s’offrent à lui : arrêter de manger ou trouver un autre refuge. La seconde est, semble-t-il, plus viable.
Cette valse de coquilles chez les bernard-l’hermite suscite une crise du logement au fond des océans. Les plus vieux individus peinent à se loger. Ayant grandi avec l’âge, ils cherchent des coquilles volumineuses. Mais la jeune mortalité des escargots, très sensibles aux variations climatiques et sujets à la prédation, ne libère que de petites coquilles.
Dans cette course à la coquille la plus grande, tous les bernard-l’hermite ne sont pas égaux. Une minorité de ces crabes concentre une partie du capital économique. Précisément, 1% d’entre eux possèderait 3% du poids total des coquillages utilisés, selon une étude de la Stony Brook University aux Etats-Unis à paraître le 15 janvier dans la revue Physica A. Bien qu’elle ne soit pas organisée en institutions, la société de ces crustacés serait donc inégalitaire.
“Dans notre échantillon de crabes, pas de Warren Buffet ni de Jeff Bezos”, nuancent toutefois les auteurs de l’étude, qui se sont basés sur un échantillon de 297 individus.
Ivan D. Chase, Raphael Douady et Dianna K. PadillaAucun des bernard-l’hermite suivis n’avait de coquille démesurément grande par rapport à celle des autres. “Mais il est possible que cela existe dans la nature”, concède l’un des auteurs, le français Raphaël Douady, contacté par Pour l'Eco.
Le monde animal régi par des lois économiques
Pour analyser les inégalités chez le bernard-l’hermite, les trois chercheurs (Ivan D. Chase, Raphael Douady et Dianna K. Padilla) ont utilisé l’indice de Gini.
Coefficient ou indice de Gini
Le coefficient ou indice de Gini mesure le degré d’inégalités d’une distribution. C’est l’écart entre la répartition que l’on observe et une répartition qui serait parfaitement égalitaire. Ce coefficient va de 0, pour l’égalité parfaite, à 1, pour l’inégalité parfaite (une personne a tout, les autres n’ont rien).
Pour les bernard-l’hermite, l’indice de Gini sur la répartition des coquilles est de 0,32. En France, par exemple, l’indice de Gini sur le niveau de vie était de 0,289 en 2018 selon l’Insee. L’économiste français Thomas Piketty recommandait dans son livre Capital au XXIe siècle (Ed. Seuil, 2013) un indice de Gini idéal autour de 0,33.
“Il semblerait cohérent que la répartition de la richesse chez l’humain (les revenus) reflète des mécanismes complexes basés sur la culture ou les institutions sociales, alors que dans la sphère animale, la répartition de la richesse (les plus grosses coquilles) devrait uniquement être dictée par les caractéristiques biologiques que sont : la survie, la croissance des crabes et celle des coquilles d’escargots qu’ils occupent”, nous apprend l'étude.
Biologiques ou économiques, à quelles lois répond alors la répartition des coquilles et ses inégalités chez le bernard-l’hermite ? Les chercheurs ont essayé de comprendre.
1% des bernard-l’hermite ont une coquille supérieure à 0,9 gramme

Répartition de la richesse des bernard-l’hermite, à savoir le pourcentage d’individu possédant une coquille plus ou moins grosse, en milligrammes.
Pour ça, ils ont comparé la distribution de richesse entre bernard-l’hermite (voir plus haut) aux trois modèles connus dans la science écologique (voir plus bas) : vieillesse, taux et âge de mortalité.

La répartition de la richesse chez les bernard-l’hermite ne se calque sur aucun de ces trois modèles. Elle ne dépend donc ni de la durée de vie des bernards-l’hermite ni de leur mortalité. Les chercheurs en concluent que son niveau de richesse ne répond pas à des facteurs biologiques.
Ils l’ont ensuite comparé à la répartition de la richesse chez l’humain.
Chez l'humain, plus d’un ménage sur 10 gagne plus de 3 000 euros par mois

Répartition de la richesse des ménages en France selon leurs revenus mensuels en 2017 selon l’Insee.
Les répartitions de la richesse chez l'humain et le crabe se ressemblent. Et, selon les chercheurs, ce ne serait pas qu’une coïncidence.
Les inégalités, pas forcément liées au capital familial
Le modèle économique des bernard-l’hermite neutralise plusieurs causes d’inégalités existant dans les sociétés humaines. Parmi elles, la plus importante c'est le transfert de richesse entre individus.
Transfert
Revenu qui ne correspond pas à des services économiques effectivement rendus par les bénéficiaires et ne sont pas la contrepartie d'une prestation productive.
Chez l’humain, ce transfert de richesse est souvent intergénérationnel. Il privilégie les individus des familles les plus aisées, au détriment des moins aisées.
Chez le crabe, les coquilles ne se transmettent pas de génération en génération. Bien que deux tiers des bernard-l’hermite réutilisent la coquille d’un de leurs congénères, cette transmission n’est pas privée, comme elle l’est chez l’humain, elle est publique.
Comme ce transfert n'explique pas l’inégale répartition chez les crabes, les inégalités ne seraient donc pas culturelles, ni liées à de quelconques normes, valeurs ou institutions sociales. Elles seraient naturelles.
C’est ce qui pousse les chercheurs à imaginer les bernard-l'hermite comme de bons cobayes économiques. Leurs comportements économiques naturels pourraient aider les chercheurs à comprendre certains comportements humains et à tester sur eux des modèles jusque-là théoriques.