Après les jeunes, les seniors pourraient bien être les prochains à payer la facture du Covid-19. « Dès que le gouvernement va débrancher les aides, il va y avoir, partout, des plans de licenciements. Les seniors seront souvent les premiers visés, parce qu’ils coûtent plus cher et ensuite, ils peinent plus que tous les autres publics à retrouver un emploi », s’inquiète Benoit Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH).
Cela s’est déjà vu, il y a 11 ans, lors de la précédente crise. Début 2009, « les plans de départs volontaires s’enchaînent. Et les salariés de 55 à 64 ans sont nombreux à quitter leur entreprise », écrivait alors le journaliste Éric Delon dans Les Échos.
« Certains subissent des pressions, mais beaucoup se portent volontaires, par fatigue ou encore par solidarité vis-à-vis des salariés plus jeunes », constatait Alain Petitjean, à l’époque directeur général du cabinet de conseil Sodie (groupe Alpha). Comme si les jeunes étaient plus légitimes à occuper un emploi que leurs aînés. C’est en effet l’idée qui domine dans le « système ».
Après les jeunes, les seniors pourraient bien être les prochains à payer la facture du Covid-19. « Dès que le gouvernement va débrancher les aides, il va y avoir, partout, des plans de licenciements. Les seniors seront souvent les premiers visés, parce qu’ils coûtent plus cher et ensuite, ils peinent plus que tous les autres publics à retrouver un emploi », s’inquiète Benoit Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH).
Cela s’est déjà vu, il y a 11 ans, lors de la précédente crise. Début 2009, « les plans de départs volontaires s’enchaînent. Et les salariés de 55 à 64 ans sont nombreux à quitter leur entreprise », écrivait alors le journaliste Éric Delon dans Les Échos.
« Certains subissent des pressions, mais beaucoup se portent volontaires, par fatigue ou encore par solidarité vis-à-vis des salariés plus jeunes », constatait Alain Petitjean, à l’époque directeur général du cabinet de conseil Sodie (groupe Alpha). Comme si les jeunes étaient plus légitimes à occuper un emploi que leurs aînés. C’est en effet l’idée qui domine dans le « système ».
L’âge est le deuxième critère de discrimination à l’embauche après le sexe.
Stéphanie Lecerf,présidente de l'association À compétence égale.
L’économiste Yannick L’Horty, enseignant-chercheur à l’Université Gustave-Eiffel (Paris-Est), explique : « Du milieu des années 1970 au milieu des années 1990, pour réguler le chômage et permettre aux jeunes de trouver un job, les politiques publiques ont chassé les aînés du marché de l’emploi avec des dispositifs de pré-retraite ou des dispenses de recherche d’emploi pour les chômeurs de plus de 50 ans. Ces dispositifs ont peu à peu été supprimés au cours des 20 dernières années. Depuis, les différentes réformes visent plutôt à repousser l’âge du départ à la retraite. Mais dans l’inconscient collectif, l’idée reste ancrée : la place des seniors n’est pas en emploi, mais à la retraite. »
En repoussant l’âge d’ouverture des droits à la retraite de deux ans, la réforme de 2010 a eu un impact immédiat. Le taux d’activité des plus de 60 ans a fortement augmenté. Mais leur taux de chômage a lui aussi augmenté, plus de seniors devant rester quelques mois de plus au chomage.
Stéphanie Lecerf, présidente d’À compétence égale, une association de recruteurs engagés dans la lutte contre la discrimination à l’embauche, renchérit : « L’âge est le deuxième critère de discrimination à l’embauche après le sexe. Mais c’est celui qui est le mieux accepté par la société. »
713 jours pour retrouver un poste
Sur le marché de l’emploi français, on devient « vieux » à 50 ans. Crise ou pas, c’est à partir de cet âge que les difficultés commencent. « Les probabilités d’être en emploi baissent alors de manière continue jusqu’à l’âge du départ à la retraite », poursuit Yannick L’Horty. Ainsi, en 2019, avant le Covid, 88 % des 25-49 ans étaient en emploi contre 77 % des 55-59 ans et seulement 35 % des 60-64 ans, selon l’Insee. Et mieux vaut ne pas se faire licencier après 55 ans : en moyenne, selon la Dares, il faut 315 jours à un chômeur pour retrouver un emploi. Pour les plus de 55 ans, c’est 713 jours.
Christian, 57 ans, comptable, cherche depuis près de deux ans. Il a rarement décroché des entretiens et aucun ne s’est avéré concluant. « Personne ne le dit ouvertement, mais je sais très bien que mon âge est le principal frein à mon embauche. Les employeurs et les chasseurs de têtes laissent entendre que je coûte cher et que je suis peu malléable », s’agace-t-il.
Mon âge est le principal frein à mon embauche. Les employeurs et les chasseurs de têtes laissent entendre que je coûte cher et que je suis peu malléable.
Christian,57 ans, comptable.
Ce n’est pas complètement faux non plus. « Les salariés atteignent leur seuil de compétences vers 50 ans. Après, leur productivité stagne ou décroît. Donc oui, les seniors coûtent plus cher aux entreprises que les 30-50 ans », analyse Éric Heyer, directeur du département Analyse et prévision de l’OFCE, un centre de recherche en économie de Sciences Po.
« Mais pourquoi faudrait-il que les salaires augmentent nécessairement avec l’âge, qu’un quinquagénaire exige toujours le poste de chef ou que passé 45 ans, on ne puisse plus changer de métier ? La France vit dans l’obsession de la carrière ascendante et malheureusement, les seniors, qui n’ont rien demandé, en paient le prix, avec des entreprises qui les jugent rétifs aux changements et incapables de s’adapter », déplore Stéphanie Lecerf.
La formation, autre rémunération
En Suède, les actifs aux cheveux gris ne souffrent pas de ces préjugés. Là-bas, en 2018, 78 % des 55-64 ans avaient un job, contre 52 % des Français dans la même tranche d’âge. Pour les Suédois, il n’y a pas d’augmentation des salaires à l’ancienneté. Les entreprises appliquent le principe « à travail égal, salaire égal ». Résultat, les quinquas ne sont pas automatiquement plus chers que les quadras.
À partir de 45 ans, les salaires ont même plutôt tendance à stagner. Mais ce que les Suédois perdent en salaire par rapport aux Français, ils le gagnent en formation. Là-bas, l’accès à celle-ci augmente avec l’âge pour faciliter reconversions et mobilité et permettre aux quinquagénaires et sexagénaires d’accéder à des emplois « moins difficiles sur le plan physique, mieux adaptés aux travailleurs vieillissants », observe l’économiste Vincent Touzé, co-responsable du pôle Enjeux économiques du vieillissement démographique (Econage) de l’OFCE ; 62 % des salariés suédois âgés de plus de 55 ans ont ainsi suivi une formation. Un chiffre à faire verdir de jalousie nos seniors.
Selon un sondage réalisé par l’IFOP pour le Club Landoy, entre 45 et 62 ans, en France, seul un salarié sur 10 a suivi une formation. Lors de la précédente crise, les Espagnols avaient inventé l’expression « ni ni » pour parler de leurs jeunes qui n’étaient « ni en emploi ni en formation ». Faut-il lancer en France le « ni, ni, ni » pour qualifier les plus de 55 ans qui ne sont « ni en emploi, ni en formation, ni à la retraite » ?