Le sociologue français Raymond Boudon (1934-2013) analyse les phénomènes sociaux à partir des intentions et des décisions des individus. Il montre que les croyances des familles et de leurs enfants déterminent leurs perceptions et leurs jugements, et qu’elles expliquent les inégalités dans les choix des parcours scolaires.
Toutes les familles ne possèdent pas le même patrimoine d’informations. Elles ont des manières différentes d’évaluer le coût, les risques et les avantages des différentes orientations scolaires, ce qui se traduit par des stratégies familiales très distinctes. Selon Boudon, les milieux modestes surestiment les coûts financiers et psychologiques des études, ainsi que les risques et le coût d’un échec. En revanche, ils sous-évaluent les avantages, ce qui les conduit à s’autocensurer dans leurs choix d’orientation scolaire.
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Le ministère de l’Éducation nationale1 indique que « plus de 46 % des élèves qui font des mathématiques en enseignement de spécialité en première et en terminale sont d’origine sociale très favorisée, et 17 % sont de milieu défavorisé. Le choix des mathématiques est socialement discriminant ». Or, les spécialités du lycée influencent la future orientation des élèves dans le supérieur.
Le sociologue français Raymond Boudon (1934-2013) analyse les phénomènes sociaux à partir des intentions et des décisions des individus. Il montre que les croyances des familles et de leurs enfants déterminent leurs perceptions et leurs jugements, et qu’elles expliquent les inégalités dans les choix des parcours scolaires.
Toutes les familles ne possèdent pas le même patrimoine d’informations. Elles ont des manières différentes d’évaluer le coût, les risques et les avantages des différentes orientations scolaires, ce qui se traduit par des stratégies familiales très distinctes. Selon Boudon, les milieux modestes surestiment les coûts financiers et psychologiques des études, ainsi que les risques et le coût d’un échec. En revanche, ils sous-évaluent les avantages, ce qui les conduit à s’autocensurer dans leurs choix d’orientation scolaire.
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Le ministère de l’Éducation nationale1 indique que « plus de 46 % des élèves qui font des mathématiques en enseignement de spécialité en première et en terminale sont d’origine sociale très favorisée, et 17 % sont de milieu défavorisé. Le choix des mathématiques est socialement discriminant ». Or, les spécialités du lycée influencent la future orientation des élèves dans le supérieur.
En effet, les mathématiques « sont indispensables dans la plupart des cursus scientifiques et conditionnent aussi l’entrée en classe préparatoire aux grandes écoles économiques et commerciales », indique le service des statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur2. Seulement 12 % des étudiants ont des parents ouvriers, et les jeunes des milieux populaires sont peu présents dans les filières sélectives ou en doctorat3.
La théorie de « l’intelligence fixe »
Évidemment, faire des études engage la famille. Elle doit donc réaliser un arbitrage coût-bénéfice. Or, le coût d’une formation ne s’apprécie pas de la même façon selon les milieux sociaux.
Malgré la gratuité ou les bourses, le coût se mesure aussi en renonciations de l’étudiant à certains loisirs ou en salaires non perçus, et ces coûts « d’opportunité » peuvent ne pas être compensés par les avantages espérés de la qualification, si la massification scolaire accroît le nombre de diplômés plus rapidement que le nombre d’emplois correspondants. L’inflation des diplômes ne garantit donc pas la mobilité sociale. À l’inverse, elle contribue à les dévaloriser. Sans oublier les difficultés d’intégration sociale qui attend les transfuges de classe qui réussissent à s’élever professionnellement.
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Transfuge de classe
Grâce à ses études, il quitte son milieu d’origine pour accéder à un groupe social plus favorisé et doit en apprendre les codes socioculturels pour s’y intégrer.
Les étudiants ont également leurs croyances en leur propre capacité d’améliorer leurs performances et de réussir. La professeure Carol Dweck4, de l’Université de Stanford (États-Unis), explique que ces croyances affectent fortement leur motivation. Certains pensent que les capacités sont liées à un don, à une intelligence peu modifiable et peu contrôlable : c’est la théorie de « l’intelligence fixe ».
D’autres, en revanche, se sentent capables de progresser par leur travail et leurs efforts, ils ne renoncent pas : c’est la théorie de « l’apprentissage de développement ». Ces états d’esprit opposés affectent leurs motivations (intérêt, satisfaction, pression familiale et sociale, etc.) et orientent leurs choix et actions, indépendamment de leur potentiel réel.
Les décisions des familles et des jeunes sont alors « rationnelles ». Elles reposent sur des raisons qui ont du sens pour eux, des raisons cohérentes et logiques, même si elles peuvent être erronées. Elles déterminent leur réalité, mais dépendent de leur environnement socioculturel.
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Pour aller plus loin
1. Note d’information n°21.22, mai 2021.
2. SIES, note d’information, janvier 2022.
3. Ministère de l’Éducation nationale, données 2019-2020.
4. Dweck, C. S. Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite, 2010.