Qualifiée d’« immense chantier » par Emmanuel Macron, la prochaine réforme du lycée professionnel permettra-t-elle d’améliorer cette voie scolaire souvent délaissée ? Créés en 1985, les lycées professionnels accueillaient, à la rentrée 2021, 600 000 jeunes, soit un lycéen sur trois. Ces établissements peinent aujourd’hui à offrir aux jeunes des conditions favorables d’insertion dans l’emploi : seuls 51 % des bacheliers professionnels travaillent deux ans après l’obtention de leur diplôme. Face à ce constat, l’heure de la réforme a sonné. Mais au fait, qui s’oriente vers la filière pro ?
Sans surprise, l’enseignement professionnel reste la principale orientation des catégories sociales les moins favorisées : selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 56,9 % des élèves scolarisés en lycée professionnel sont issus d’une catégorie défavorisée contre 6,9 % issus d’une catégorie favorisée.
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Qualifiée d’« immense chantier » par Emmanuel Macron, la prochaine réforme du lycée professionnel permettra-t-elle d’améliorer cette voie scolaire souvent délaissée ? Créés en 1985, les lycées professionnels accueillaient, à la rentrée 2021, 600 000 jeunes, soit un lycéen sur trois. Ces établissements peinent aujourd’hui à offrir aux jeunes des conditions favorables d’insertion dans l’emploi : seuls 51 % des bacheliers professionnels travaillent deux ans après l’obtention de leur diplôme. Face à ce constat, l’heure de la réforme a sonné. Mais au fait, qui s’oriente vers la filière pro ?
Sans surprise, l’enseignement professionnel reste la principale orientation des catégories sociales les moins favorisées : selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 56,9 % des élèves scolarisés en lycée professionnel sont issus d’une catégorie défavorisée contre 6,9 % issus d’une catégorie favorisée.
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On pourrait penser que ces inégalités d’orientation scolaire s’expliquent par des inégalités de réussite scolaire. La réalité, c’est qu’à chaque palier d’orientation, des élèves aux résultats comparables n’accèdent pas aux mêmes filières en raison de leur origine sociale. Comment l’expliquer ?
Pierre Bourdieu, en 1964, a mis en évidence que l’école favorise les enfants issus de milieux favorisés, ceux qui héritent d’un capital culturel important. La famille transmet un ensemble de connaissances (historiques, littéraires), de savoir-être (aisance à l’oral) et d’aptitudes (comme la capacité d’abstraction) socialement valorisés. Or ce capital culturel, inégalement réparti dans la population, est valorisé par l’institution scolaire.
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Selon Bourdieu, c’est cette étroite proximité entre les attentes scolaires dans les filières générales et le capital culturel qui dissuade les élèves issus de milieux populaires de rejoindre ces filières et les persuade de s’orienter davantage vers l’enseignement professionnel, où le capital culturel compte moins.
Capital culturel
Concept sociologique introduit par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron qui désigne l'ensemble des ressources culturelles (savoirs, savoir-faire ou compétences, maîtrise de la langue et des arts...) détenues par un individu et qu'il peut mobiliser.
Comparer les coûts
Quelques années plus tard, en 1971, Raymond Boudon développait une thèse selon laquelle l’inégalité d’orientation scolaire résulte avant tout des stratégies individuelles des acteurs en termes de choix d’orientation, stratégie influencée par le groupe social d’appartenance. Selon lui, à chaque point de bifurcation du système d’enseignement, l’élève et sa famille opèrent des choix (lycée général ou professionnel, études courtes ou longues) en comparant les coûts, les risques et les bénéfices.
Or, l’évaluation de ces coûts, risques et bénéfices diffère selon l’origine sociale. À résultats scolaires équivalents, une orientation en filière générale apparaîtra plus coûteuse pour une famille modeste qui possède un capital économique plus faible. Par exemple, au moment de l’orientation vers le lycée, les familles de catégories populaires envisagent que les études générales, menant vers des études longues, sont risquées (risque d’échec important), sous-estiment les bénéfices à en attendre et surestiment le coût des études longues. Tout l’inverse des familles de catégories plus favorisées.