Tout semble opposer la politique fiscale d’Emmanuel Macron et celle de Joe Biden, annoncée devant le Congrès le 28 avril dernier. Appliquée à des postures économiques opposées, leur utilisation antagoniste du droit fiscal tend néanmoins à les faire converger.
Le droit fiscal relève de la souveraineté de l’État, seul compétent pour lever un impôt sur son territoire. « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration », précise l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Pourtant, la fiscalité influence à l’échelle supranationale l’attractivité des pays, qui sont en situation de concurrence fiscale, et conduit à un rapprochement progressif de leurs législations. Des conventions internationales accélèrent parfois ce mouvement : au niveau européen, le Traité sur le fonctionnement de l’UE (art. 113 à 115) prévoit la possibilité d’adopter, pour « éviter les distorsions de concurrence », des dispositions sur l’harmonisation des législations fiscales des États membres.
Ainsi, le projet Accis de la Commission européenne vise à introduire dès 2026 une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. À plus grande échelle les États-Unis, que leur nouvelle fiscalité rendra moins compétitifs, ont annoncé vouloir discuter au G20 d’un taux minimal d’imposition des entreprises. La France, ô surprise, y est déjà favorable. Un accord… de fortune ?
L'Irlande tient à sa fiscalité (très) avantageuse
15%. C'est le taux qui faisait consensus pour l'imposition des multinationales, lors du G7, à Londres le 5 juin 2021. L'initiative du président américain d'harmoniser les taxes sur les sociétés à travers le monde était saluée par la plupart des pays représentés — Emmanuel Macron estime néanmoins que Joe Biden ne fait que rattraper les intentions européennes.
Il s'agissait d'un bon compromis pour tous les membres de l'OCDE sauf... pour l'Irlande, réputée pour son taux le plus bas du monde (12,5%). Le 26 mai 2021, Paschal Donohoe, son ministre des Finances, a exprimé ses « réserves » : « Seuls certains pays, et certaines grandes économies, pourront bénéficier de cette base. »
La directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, juge néanmoins que cette harmonisation serait « bénéfique » à l’économie mondiale. La proposition initiale suggérait une harmonisation à 21 %. À titre de comparaison, la France impose aujourd'hui les bénéfices des sociétés à hauteur de 28 %, mais prévoit d'abaisser cette taxe à 25% d'ici à 2022.
Péniches, actifs immobiliers et impôts sur la fortune
Dans l'Hexagone, depuis 2018, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) remplace l’ISF (feu l’Impôt de solidarité sur la fortune). Désormais, seuls les actifs immobiliers entrent dans l’assiette d’imposition. Les jets privés, yachts, voitures de luxe en sortent… mais pour le fisc, pas les péniches !
Monsieur X est justement propriétaire d’une péniche de 250 m² amarrée à Neuilly-sur-Seine. Il y habite. Sa valeur (620 000 euros après l’abattement de 30 % prévu par la loi pour la résidence principale), ajoutée à celle de son patrimoine immobilier, fait qu’il dépasse le seuil de 1,3 million d’euros qui déclenche l’assujettissement à l’IFI.
Faute de convaincre l’administration fiscale de lui accorder un dégrèvement d’impôt correspondant à la taxation de la péniche, il saisit la justice. Argument : une péniche est un bien meuble, pas un actif immobilier. Une péniche est un bateau… non fixé au sol… Le tribunal lui fait droit : bien que non motorisée et exigeant halage ou remorquage pour être déplacée, la péniche de M. X « n’est nullement fixée à quai à perpétuelle demeure ».
Même habitée, « elle présente en cela un caractère mobilier l’excluant du champ d’application de l’impôt sur la fortune immobilière » (TJ Nanterre, 11 mars 2021, n°19/02076). Que l’administration fiscale se le dise !